3. Auckland (1/3)

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– Tiens, attrape !

Marion laissa retomber les Pringles sur ma cuisse. Comme je somnolais, je sursautai et envoyai valdinguer la boîte sur le sol. Elle la ramassa pour me la tendre à nouveau :

– Je pars dix secondes au distributeur que tu as le temps de t'endormir. C'est moche de vieillir !

Je ne réagis que pour dire :

– Enfin ! J'en peux plus !

L'avion avait deux heures de retard. Nous nous étions occupés en arpentant les rayons des enseignes de l'aéroport. J'avais compté les économies que je pourrais faire dans la zone duty-free en achetant des cartouches de cigarettes et des coffrets de parfum imaginaires, feuilleté les magazines féminins du Relay et testé le jeu Fifa sur les bornes de Playstation laissées dans le hall depuis la dernière coupe du monde. Mais maintenant rien ne pouvait me faire oublier la faim. Je regrettai d'avoir refusé le jet privé que Dimitri proposait pour le voyage, mon crédit patience était épuisé. Enfin, celui de mon ventre pour être exacte.

Je gobai sans grâce plusieurs chips lorsque le haut-parleur retentit :

« Début de l'embarquement du vol numéro AFR116 à destination de Shanghai, porte D8 »

Un battement de cil plus tard, un flot de passagers déserta les sièges. Nous ne nous fîmes pas prier non plus. Dimitri vint se serrer contre moi. J'essuyai maladroitement mes mains pleines de sel.

Derrière nous, Anne redemanda à Laura :

– T'as bien les billets, hein ?

Et pour répondre elle lui donna le sien. Yohann et Marion parlèrent de la probabilité statistique des crashs aériens, sujet de conversation que je lui conseillais de partager loin des oreilles de la grand-mère qui les regardait, l'air effaré, paniqué.

– J'espère qu'elle n'est pas derrière moi, celle-là, marmonna Marion.

Passé le contrôle, nous arrivâmes dans l'avion. Nous étions en première classe, et déjà je me sentais mieux. Nous n'avions plus qu'à nous laisser porter pour la première étape. Escale à Shanghai de quelques heures et deuxième vol ensuite pour rejoindre l'aéroport d'Auckland.

Une euphorie regagna nos esprits.

– Nouvelle-Zélande, nous voilà ! clama Laura, juste après le décollage.

Les hôtesses de l'air ne tardèrent pas à passer avec leurs chariots pour la collation. Il était temps de se remplir le bide, voilà que minuit approchait !

Les passagers furent très silencieux. Certains dormaient déjà, d'autres regardaient un film sur l'écran du dossier qui leur faisait face, comme Marion.

– Eh, chuchotai-je en tapotant son épaule. Tu regardes quoi ?

Elle retira un écouteur :

– C'est Love, Simon, je l'avais loupé quand il était sorti au cinéma. Tu veux écouter ?

– Ah oui, Laura et Anne avaient trouvé ça top !

Malheureusement, malgré la fraîcheur du film qui me rappelait les comédies adolescentes cultes de mon enfance, mes paupières se firent lourdes. Alors je posai mon bandeau sur les yeux, une réplique de celui d'Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany's, décidément plus joli que pratique. Mais cela ne m'empêcha pas de dormir une bonne partie du vol.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant