Le cadre ne pouvait être plus idyllique. Nous étions dans un des villages du parc, sur la place principale devenue piste de danse pour des touristes et villageois en fête. Les maisons typiques nous entouraient, dissimulées par la flore luxuriante. Le bar surplombait la place et là-haut nous pouvions voir la mer dans laquelle ondoyait la sœur jumelle de la Lune.
Nous étions tous là, devant nos verres. Mais posés après la marche de la journée, nous étions plutôt calmes. Heureusement que la musique retentissait, je n'étais pas loin de m'endormir.
– Bon, c'est le moment de se déhancher ! dis-je aux autres en me levant pour rejoindre la piste.
– Excellente idée ! s'exclama Laura avant de vider son verre.
– Dim, tu viens ? demandai-je en lui prenant la main.
Mais son regard se durcit alors qu'il voyait quelque chose derrière moi. C'était Ben.
– Il nous colle aux basques, celui-là !
– Nous empruntons le même circuit.
– Il me semble que tu le défends maintenant.
Je soupirai.
– Bon, mon homme à moi, viens danser.
Je comptais bien sur ce moment pour régler les non-dits et raviver la flamme. Je le sentais différent, sur la réserve.
– Non mais vas-y, Am'.
– Tu vas rester tout seul ? enchaîna Yohann.
– J'accompagne mon copain, répondit Anne en frappant sa bouteille de bière sur le verre de rhum de Dimitri.
Il ne s'en sortirait pas si facilement, je reviendrai à la charge jusqu'à ce qu'il accepte.
Avec Marion, Laura et Yohann, nous regagnâmes la place principale. Elle était pleine de monde. Certains parlaient, cocktail en main, les enfants jouaient et d'autres dansaient. Un beau mélange. Ici, se mouvoir semblait si naturel. Je n'imaginais pas vraiment ça à Paris.
– Bon, Marion, c'est le moment de parler d'Angus ! ordonna Laura dont les boucles d'oreille virevoltaient en rythme.
– Z'avez vu le morceau, hein ? demanda-t-elle d'un air malicieux en nous regardant par-dessus ses lunettes de soleil.
– Un dieu vivant ! affirma ma meilleure amie.
– T'aurais dû voir ses fesses... dit Marion.
Elle mima avec ses mains le galbe d'un fessier rebondi. Nos rires en chœur semblèrent attirer Ben.
Lorsqu'il s'avança jusqu'à nous, je ne fus pas étonnée. Il avait regardé plus d'une fois dans notre direction. Fraîchement rasé, son visage paraissait encore plus anguleux.
– Alors, maintenant que la hache de guerre est enterrée, j'ai le droit à une danse ?
Il continua d'attendre ma réponse sans prêter attention à Marion qui pouffait.
– Euh... non, merci.
– Allez, on n'a même pas fêté notre victoire !
Nous continuions tous de bouger au rythme des percussions.
Marion déclara :
– C'est le moment où le méchant rival veut danser avec sa proie dans le but de foutre la merde dans son couple ?
Mais Ben s'en moqua :
– Un mec ne peut jamais proposer à une nana de danser sans qu'on croie qu'il ait une arrière-pensée. Amanda, t'es plus intelligente que ça ?
– Je ne t'empêche pas de danser à côté de nous, t'es libre de circuler, répondis-je.
Ben n'insista, ce qui m'étonna à nouveau. Il poursuivit sa danse en gardant un sourire étrange.
Quelques minutes passèrent avant qu'un habitant nous montre à tous quelques pas de danse. Les pas et la démonstration étaient suffisamment simples pour permettre aux touristes de toutes nationalités de comprendre. Il fallut former plusieurs rondes d'une dizaine de personnes et de façon régulière nous devions danser par deux en se touchant les mains.
Je le sentais venir gros comme un pâté de maison... Ben était dans notre ronde et il demanda à changer de place avec un anglais. Si bien que lorsque ce fut mon tour, je me retrouvais avec lui.
– Tu le savais, avoue, lui dis-je alors qu'il attrapa mes mains.
– C'est probable.
Il caressa ma joue et je reculai d'instinct puis regagnai ma place dans la ronde.
– Mais quel gros lourd, murmura Yohann.
– Prends ma place, s'il te plaît.
Ainsi la fin de la danse se passa sans que je n'eusse à me retrouver avec Ben. Marion ne s'empêcha pas de lui broyer les mains lorsque par contre elle se retrouva avec lui.
Le début d'un chant doux ancestral s'ensuivit, dispersant les groupes en duos romantiques. Je me retournai vers Dimitri. Il n'était qu'à deux mètres de moi.
– Ah, mon amour, merci de m'accorder cette danse, dis-je en m'approchant vers lui langoureusement.
Mais il arrêta mes gestes en saisissant mes poignées avec plus de force que de raison.
– Qu'est-ce qu'il se passe avec Ben ?
– Raconte pas de connerie, ne crois pas ce que tu vois, m'énervai-je instantanément trop vexée qu'il doute encore de moi.
– Tu agis bizarrement après tes beaux discours. Tu danses avec le seul mec qui fout le bordel et qui t'exaspères ! Soi-disant, ironisa-t-il avec rage.
Laura et Marion nous regardaient.
– Dimitri, viens, dis-je en prenant sa main avec douceur.
– Tu n'as qu'à danser toute seule !
Et il me quitta sur la piste de danse.
Notes à moi-même :
1. Retrouver le jeu d'entraînement cérébral du docteur Kawashima sur Nintendo DS.
2. Ajouter les chansons suivantes sur ma playlist « nostalgie lycéenne » : Who Knew de Pink, Tattoo de Jordin Sparks et Say Goodbye de Chris Brown.
3. Me calmer, me calmer, me calmer !
Calum Scott, Dancing On My Own
