4. Des découvertes (2/3)

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En remontant sur le parking, nous vîmes que d'autres camping-cars s'étaient garés. Quelques groupes avaient sorti des tables pour pique-niquer face au coucher de soleil. L'horizon salé scintillait.

Trois curieux s'éloignèrent de l'Elysion II en nous voyant arriver. Il faut dire qu'il semblait tellement imposant à côté des autres. Moi-même je ne m'en remettais pas.

Nous suivîmes leur exemple et installâmes un coin repas devant l'entrée. Pendant que je mettais la table avec Laura, je notai qu'un des gars dans le groupe à coté m'observait. Marion le remarqua aussi.

– Peut-être un fan, suggéra-t-elle.

– Sûrement, ironisai-je sans y croire, consciente que le succès de mon livre ne devait pas avoir dépassé les frontières, la traduction étant encore en négociation avec la maison d'édition anglophone.

– Bah quoi ? surenchérit Marion, qui pensait vraiment que c'était possible. C'est des français.

Effectivement, je compris parfaitement le juron lancé par celui qui n'arrivait pas à retirer le tire-bouchon de sa bouteille. De loin, Laura engagea la conversation :

– A la vôtre !

– Cette ironie, marmonna Marion.

Alors la tablée voisine s'éveilla en tournant la tête dans notre direction :

– Ah, vous êtes français, c'est super !

Pourquoi les Français étaient-ils aussi gentils entre eux lorsqu'ils se retrouvaient dans un pays étranger et redevenaient froids et individualistes de retour chez eux ?

Nous trinquâmes de loin et chacun retourna à la conversation de sa table. Je ne savais pas si le mec d'en face voulait être discret, mais je le surpris à nouveau regarder dans ma direction.

– J'aimerais porter un toast, dit Anne.

– Non ! Cachez les enveloppes ! ordonna Laura, pour plaisanter sur ce charmant moment au mariage de Chloé et Dimitri à la fin du repas.

– Morts de rire, rétorqua sa femme. Alors, un toast pour nos méga super top amis. Pour ce séjour de dingue ! Aux Grévois !

– Aux Grévois !

Les verres s'entrechoquèrent et notre tablée ne tarda pas à rivaliser avec les autres groupes bruyants.

– Bon, dit Robine, je m'occupe du barbecue.

– On s'en charge, déclara Dimitri en se levant, hein Yohann ?

– Oui. Mesdames, salua-t-il en prenant son verre et celui de son ami.

Ils s'en allèrent vers le fond du parking où se trouvaient deux grands barbecues en fonte, sans oublier le sac de charbon.

Je me décidai à prendre une douche en coup de vent avant le début du repas, je me sentais tellement poisseuse.

– J'y vais juste après, me prévint Laura. Alors, grouille-toi !

Je laissai donc les filles entre elles. Anne servait déjà la deuxième tournée. Revenir à bord de l'Elysium me fit prendre conscience de sa majesté. Je passai ma main sur le marbre froid du plan de travail et me dirigeai dans la salle de bain attenante à la chambre que nous avions choisie avec Dimitri.

C'était comme si je redécouvrais tout. Mais l'expérience était bien loin du mobil-home de ma jeunesse. Attention, je l'adorai ! Je me rappelle, malgré mes sept ans à l'époque, de l'euphorie que j'avais ressentie en pénétrant dans notre petit bungalow la première fois. C'était « comme à la maison » mais tout était petit, et donc par conséquent, mignon. La petite cuisine, les petites portes, le petit radiateur, et les petits rideaux à carreaux bleus bordant les fenêtres avec vue sur le champ et la Manche. J'avais couru en chantonnant partout, jusqu'aux sanitaires où des Hollandais avaient ri de moi. Mais là, dans l'Elysium, c'était la grandeur et le luxe qui m'éblouissaient.

Même chez nous, nous n'avions pas de matériaux aussi nobles : boiseries, marbres, tissus fins. Et tout était connecté.

En montant dans la douche, une voix robotique me fit choisir la température de l'eau, la puissance et le mode du jet, la couleur des lumières, et la diffusion d'une musique ou non. Lorsque l'eau commença à couler, la vitre transparente de la cabine devint opaque, comme par magie.

Tout cela était bien dispensable, mais c'était cool quand même.




Une heure plus tard, alors que j'étais revenue parmi les autres et que nous jouions tout en parlant devant un verre de rosé, j'aperçus Dimitri en pleine conversation avec un membre du groupe d'à côté qui grillait des saucisses sur l'autre barbecue. Ils devaient sûrement encenser ce mode de cuisson à en juger par leurs gestes.

– Où est Yohann ? demandai-je aux filles.

– Courgettes ! répondit Marion.

– Hein ?

– Quoi ? demanda-t-elle.

Marion ne m'avait pas entendue, elle jouait aux mots croisés entre deux lancers de dés. Il semble qu'elle ait trouvé le mot en dix lettres qu'elle cherchait.

– Yohann, il est où ?

– Quelque part, sur la Terre, répondit-elle en continuant de remplir sa grille.

– J'oubliai à qui je m'adressai, répondis-je.

Anne m'expliqua, tout en comptant les points de notre partie de Yam's :

– Il est descendu vers la crique. T'inquiète, il va revenir.

– Je vais le chercher, pour lui dire que c'est bientôt prêt.

– Laisse Dimitri s'en charger, déclara Marion.

Pourtant je me dis que c'était l'occasion de montrer que j'étais attentive à lui, et que je ne me consacrerais pas uniquement à mes amies.

Dimitri revint vers nous, une assiette de viandes grillées en main. Des traces de charbon sur son visage insolemment beau lui donnaient un côté plus animal. Il fallait vraiment que je trouve un coin tranquille pour nous deux !

– A table !

Il posa son plateau.

My God ! Je l'aime ! C'est vraiment lui, c'est vraiment vrai ? Je suis la femme de ce mec-là !

– Je vais chercher Yohann, lui dis-je après avoir repris mes esprits.

– Je suis là ! répondit l'intéressé.

– Parfait ! A la bouffe ! décréta Marion en commençant à se servir.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant