3. Auckland (2/3)

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Après l'escale, le second vol fut plus animé. Nous avions suffisamment dormi, enfin compte tenu des conditions, et puis l'effet de groupe nous excitait. Au départ, Dimitri était assis à côté de Yohann, mais ils avaient échangé de place. Je voyais maintenant le meilleur ami de mon mari en pleine conversation avec Marion.

Ma relation avec Yohann était particulière. Nous ne nous étions pas beaucoup vus, finalement. Il n'était venu en visite que trois ou quatre fois. Et c'était avec Dimitri qu'il avait passé le plus de temps. Normal, puisque c'était son indécrottable pote, puis je bossais pas mal lorsqu'il était venu.

En ma présence, il adoptait une attitude un peu plus superficielle. Il devait sûrement m'en vouloir un peu, même s'il jurait que non. Parce que lui aussi me connaissait, nous étions dans la même classe, et lui aussi faisait partie des dommages collatéraux du mariage : il m'avait dragué lorsque j'étais sous les traits de l'organisatrice de mariage, et il s'était même fait des idées.

En l'observant de loin, je ne savais pas quoi penser. Et si c'était plutôt moi, qui l'évitais ? Je m'étais toujours convaincue qu'il n'était pas très intéressant, pourtant Dimitri l'appréciait sincèrement, il fallait bien que je fasse un effort pour apprendre à le connaître un peu.

Marion, elle, avait brisé la glace d'entrée, elle ne s'était pas cachée pour lui reprocher son allure de lourdaud avec les femmes, car, oui, il avait aussi eu une attitude de charmeur avec elle. Marion avait mis les points sur les « i », et même les barres sur les « t ».

– Sinon tu seras l'éternel célibataire, copain ! avait-elle dit.

Il ne se frottait plus à elle, pas dans une attitude de vieux dragueur.

Je me tournai vers Dimitri :

– Tu peux me passer le guide ?

Il fouilla dans le filet du siège avant.

– Et un Routard-fourré pour le siège B34 ! claironna-t-il comme s'il me l'apportait sur un plateau.

Il se moquait de moi. J'avais vidé mon distributeur du marque-pages autocollants.

– Ça ne marque plus vraiment les pages.

– C'est qu'il y a beaucoup de choses à voir et faire. Et non, elles ne sont pas toutes marquées. Regarde !

– C'est le sommaire.

– Bon, laisse mon Amande tranquille, Dim, déclara Laura derrière nous.

– Mais regarde son guide, indiqua-t-il en souriant de toutes ses dents.

Pendant que mon amie se levait à demi pour voir le livret dans mes mains, je me perdais comme une gourdasse dans le sourire de mon mari.

Son sourire. Je pouvais tout lui pardonner avec cette fossette. Je finis même par l'embrasser.

– Ah, oui, mais tu sais, Amanda c'est Amanda, continua Laura. Pendant nos révisions du bac à la bibliothèque, c'était la fille aux feuilles stabylotées. Tu sais, celle qui prend ses fiches, est résolue à retenir les notions essentielles mais finit par tout surligner.

– Je vois, répondit-il en me dévorant des yeux.

– Mais arrêtez de vous moquer, répondis-je. Traîtres !

Mais mon ton n'était pas du tout en adéquation avec mes propos. Je minaudai devant mon homme et vins l'embrasser à nouveau. Il caressa mon bras. Mes poils se hérissèrent sous sa caresse. Ses mains immenses étaient rugueuses d'avoir trop bêché.

– Si mon mari apprenait que je flirte avec le jardinier, susurrai-je à Dimitri dans un jeu de rôle qui déclencha des réactions autour de nous.

– Oh, les voilà repartis, dit Laura en levant les yeux au ciel.

– Pelotage en vue, surenchérit Anne sans lever les yeux de son livre.

– Guimauve dégoulinante, ajouta Marion, devant nous.

– La môme, occupe-toi de Yohann ! rétorquai-je.

J'évitai de justesse l'oreiller gonflable qu'elle me lança.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant