18. Ferry surprise (3/3)

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Le bruit des conversations, les gens qui couraient, les enfants qui jouaient, d'autres qui mangeaient, tout ça me fit du bien. Marion m'entraîna dans une enseigne culturelle pour trouver de nouveaux écouteurs. Pendant qu'elle faisait son choix dans le rayon, je tournai autour de la librairie. A ma grande surprise, parmi les rares livres étrangers, je reconnus le mien.

- Amanda, si ce n'est pas la putain de classe de voir ton livre à l'autre bout du monde ! Et en français « s'il vous plaît », insista-t-elle en prenant un accent anglais.

Elle voulut que je pose devant le stand pour me prendre en photo. J'aurais aimé être pleinement heureuse, pour ce travail accompli et ce succès auquel je ne m'étais jamais attendue... Mais cette notoriété rimait avec insécurité. Heureusement que j'avais refusé de voir mon portrait à l'arrière de la couverture. Autrement, j'aurais encore plus flippé.

Marion régla son dû avec ses dollars néo-zélandais. Son billet n'avait pas la même texture que chez nous, il était plastifié. Armée de ses nouveaux écouteurs, elle me crocha pour regagner les étages et rejoindre nos amis, et mon mari.

- Merde, c'est par où ? demanda-t-elle.

- Tiens, regarde, un plan !

Nous déchiffrâmes ensemble le schéma.

- Bon, de toute façon, on monte.

A la recherche du prochain escalier, nous accélérâmes le pas. Finalement, l'ascenseur se présenta à nous, alors qu'il se refermait. Marion courut pour passer sa main et les portes s'ouvrirent. Un membre de l'équipage se trouvait à l'intérieur. Le garçon d'ascenseur.

- Mesdemoiselles, vous désirez vous rendre à quel étage ?

Je le lui indiquai mais il répondit :

- Cette partie est réservée, je suis désolé.

- On sait, c'est pour nous. Amanda Grévois ! expliqua Marion en me pointant du doigt.

Je lui montrai en même temps le badge que Robine m'avait donné. L'ascenseur monta jusqu'au niveau du bar.

Dans le couloir désert, un éclat de voix se fit entendre, puis un claquement de porte.

- Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je à Marion qui s'en allait à l'opposé de la porte du bar vers le bruit.

- C'est louche. Ne me dis pas que c'est notre Yoyo qui fait des siennes avec un beau marin !

- T'es folle, dis-je en la suivant.

Nous tournâmes dans l'angle pour nous retrouver nez-à-nez avec Robine. Elle était rouge comme une tomate bien mûre.

- Alors, Rob, on se balade ?

- Oui, vous profitez bien de la traversée ? demanda-t-elle en réponse.

- Le cocktail du capitaine est parfait, répondit Marion. On a fait les boutiques. Mais toi, tu devrais être avec les autres, non ?

Le malaise était évident, elle ne savait pas trop quoi répondre.

- Allez, dis-nous ce qui se cache derrière cette porte, dit Marion avec légèreté, on ne dira rien !

- Tu t'es trouvée un matelot ? surenchéris-je avec humour.

- Non !

Son ton était ferme et sec.

- On rigole, faut pas se braquer comme ça, se moqua Marion qui rebroussait chemin.

Mais moi, mon instinct me dit clairement qu'il y avait quelque chose.

- Laisse-moi passer !

Robine ne m'empêcha pas d'ouvrir la porte. A peine eus-je le temps de comprendre que c'était la cabine d'un membre de l'équipage que mon regard se figea sur le flingue braqué sur moi et au bout de ce bras...

- Ben ?

- Silence, pas un bruit ! ordonna-t-il.

Marion et moi nous regardâmes, livides. Les deux ou trois secondes qui s'écoulèrent semblaient s'étirer.

- Avancez !

Je rompis le regard avec son œil de prédateur. Le choc était encore trop soudain pour réaliser la situation : il nous menaçait d'un flingue. Pour de vrai !

Il s'adressa à Robine, sur les nerfs et l'œil aux aguets :

- Vite, allons le rejoindre !

Quel était donc le rôle de la jeune femme ?

Je n'osai pas regarder vers la porte du bar, ni crier, au risque de mettre la vie de Marion ou des autres en danger. Qui savait ce dont Ben était capable ?

Nous montâmes un escalier réservé au personnel. Je compris que nous étions à l'entrée de la cabine de pilotage. Robine nous poussa à l'intérieur.

Les lumières de la côte me semblaient bien loin. Nous faisait-il dévier ? Devant les commandes se tenait un seul homme, de dos. Trois autres membres d'équipage étaient au sol, inconscients, ligotés et bâillonnés.

- Oh, putain ! lâcha Marion.

L'homme qui naviguait se retourna, en même temps que mon estomac. Je compris que c'était le même que celui dont les traits m'avaient semblé familiers, pour la simple et bonne raison que j'avais reconnu le sourire de Killian.


Notes à moi-même :

1. Aucune.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant