7. Art défaut (2/4)

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Je venais de terminer mon petit-déjeuner et rangeais ma table lorsque Marion, qui revenait d'une courte promenade matinale, m'appela :

– Amanda !

– Oui ?

– Y'a Benito qui te demande, expliqua-t-elle en remontant dans l'Elysium.

– Il commence à me souler, celui-là, déclara Dimitri.

Je les laissai et sortis du camping-car. Ben était assis à quelques mètres, sur un rocher. Il se leva à mon arrivée, ses lunettes de soleil dissimulant son regard de métal.

– Bonjour, Amanda.

– Salut, tu veux quoi ?

– On ne voulait pas te mettre en boule, hier soir.

L'absurdité de sa phrase m'amusa. Comment pouvait-il penser un instant que leurs mots allaient passer comme ça ?

– C'est loupé, répondis-je avec froideur.

Il prit un air désolé qui ne lui ressemblait pas.

– Sérieux, tu as raison, c'est des cons. Mais je te jure, ils ne sont pas méchants, juste stupides. On avait bu...

J'avais l'impression de me fiche totalement de cette conversation, elle m'ennuyait.

– Ce n'est pas une excuse, et c'est minable, on ne traite personne de cette façon. Je te rappelle qu'on ne se connaît pas !

– Tu as raison. Qu'est-ce qu'on peut faire pour se rattraper ?

– Rien. Laisse-moi, tranquille, ton jeu ne m'intéresse pas.

Il hocha la tête en retira un instant ses lunettes. Son sourire s'étira, mais il était plutôt bienveillant, pas malicieux.

– Allez, ça fait toujours plaisir d'être désirée, non ?

– Là, c'est allé trop loin !

– Je remarque que tu ne nies pas. Tu sais, en tant que célibataire, je tente ma chance. Je n'ai jamais dit que j'étais quelqu'un de subtil.

– Comprends qu'il n'y a rien à tenter, bredouillai-je.

– Ok, je m'excuse encore, c'est sincère. Moi aussi, j'avais bu hier.

– Un conseil : arrêtez l'alcool !

Nous restâmes silencieux quelques secondes. Ben semblait vraiment sincère. Il mit une main dans sa poche et se frotta la nuque avec l'autre.

– Bon, bref, je voulais m'assurer qu'il n'y ait pas de malaise, on a déconné, j'ai déconné. Les vacances, ce pays, les potes, les cocktails...

– J'ai compris, ça va. On poursuit le circuit chacun de notre côté et tout ira bien. Et j'accepte tes excuses.

– T'es chouette, Amanda. Un sacré brin de femme. Ton mec est chanceux. Tiens, tu rougis.

– Bon, bonne journée, dis-je en tournant les talons.

J'étais un peu honteuse d'être encore touchée par sa flatterie.

Bordel, je suis faible !

– Attends, juste un truc.

Il déplia la feuille de magazine avec les paroles de chansons de Carmen. J'avais plus ou moins oublié ce détail.

– Je te rends ça. Je n'ai pas trop compris pourquoi tu nous l'as balancé.

– Ce n'est pas l'un de vous qui êtes venu le poser sur ma porte ?

– Dans votre palace blindé ? Non, et pourquoi ?

– C'est un message. Regarde, le sang qui entoure « Prends garde à toi ».

– Mon Dieu, Amanda, une vraie tragédienne grecque ! ironisa-t-il.

Il apporta la feuille jusque sous mon nez. Je sentis l'odeur caractéristique d'un marqueur. Ce détail rendit la chose beaucoup moins flippante.

– Il semble que l'équipe de farceur soit de ton côté. Vous êtes peut-être moins chiants qu'on ne le pense, se moqua-t-il.

– Passe deux jours avec Laura et Marion, tu vas vite changer d'avis.

– Et toi, surtout... je suis certain que je ne m'ennuierai pas. Je file, à une prochaine, peut-être.

Ben monta à bord de son camping-car et démarra pendant que je rejoignais le mien. Par la fenêtre de la cuisine, malgré la persienne, je vis que Dimitri m'observait :

– Il voulait quoi ?

– S'excuser pour hier, ils avaient trop bu.

– Ce gars ne me plaît pas beaucoup.

– T'inquiète, Dimitri. S'il s'approche d'Amanda, on lui casse les jambes, pas vrai, Anne ? répondit Laura.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant