14. Crépuscule (4/5)

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Je ne l'avais pas vu depuis l'année de première puisque nos chemins s'étaient séparés sur la route de la terminale, autant dire une éternité.

– Laracello ! J'étais sûr que c'était toi.

Il ne m'avait jamais appelé simplement par mon nom. Ça lui donnait une allure bizarre, comme s'il se donnait un genre pour masquer son malaise. Car nos adieux ne lui avaient pas vraiment plu, c'était le moins que l'on puisse dire.

– Qu'est-ce que tu fais là ?

J'éteignais mon Ipod et rangeai mes écouteurs, plus pour me donner de la contenance. J'étais un peu embarrassée. Et je ne me sentais pas au meilleur de mon sex-appeal avec ma goutte au nez. Maudit hiver !

– Je vais passer quelques jours chez un pote, répondit-il.

Il s'assit à côté de moi. Sa pilosité plus fournie au niveau de la lèvre supérieure lui allait vraiment bien.

– Tu n'as pas de cours ? demandai-je.

– Les cours ? C'est terminé pour moi. Plus de devoirs, ni de professeurs assommants, je bosse. Là, je suis en congé.

– La chance. C'est quoi ton job ?

– Vendeur dans une animalerie.

Nous parlâmes encore quelques minutes. Il était fier de me dire qu'avec son salaire il avait pu s'acheter une voiture d'occasion et qu'il avait pris un appartement. Un air satisfait dessina sur sa lèvre un sourire à peine perceptible, et je lui trouvais alors une force ressemblance avec Edward Cullen. La cruche ! Twilight me vampirisait surtout les neurones !

– Mon arrêt, c'est le suivant, dis-je à Killian après avoir raconté succinctement mes études universitaires.

– Dis, mon pote ne me retrouve chez lui qu'en fin de journée. Sèche les cours et viens avec moi.

Je ris en replaçant une mèche de cheveux d'une main, et ajustant les bretelles de mon sac à dos de l'autre.

– T'es sérieux ? demandai-je en comprenant que c'était une vrai proposition.

– Oui, t'as mieux à faire ?

– Euh, mes cours quand même...

Je n'avais jamais séché de ma vie et nos profs de Travaux Pratiques ne toléraient pas les absences non justifiées, bien que nous soyons à la fac.

– Tu n'as pas eu l'air très épanouie en m'en parlant. Allez ! Amanda ! Pour rattraper le temps, et replonger dans nos souvenirs, ça va être fun !

Le bus ouvrit ses portes. Je reconnus deux passagers, étudiants de ma classe qui descendirent. Après tout, pourquoi pas ? Je n'avais de compte à rendre à personne, j'avais dix-neuf ans. La perspective de cette journée était bien plus palpitante que le reste.

– Okay !

– Top !

Nous restâmes debout et Killian adopta une attitude beaucoup plus décontractée. Il enroula un bras autour d'une barre de maintien, puis posa l'autre contre la fenêtre, prenant une pose se voulant, je le savais, charmeuse. Il savait qu'il était beau et son regard me flattait.

Puis nous nous posâmes dans un café, parlant de choses et d'autres, évitant surtout de parler de notre histoire d'amour lycéenne. Parfois, le silence s'immisçait, mais Killian revenait en force, souvent pour lâcher un compliment sur ma personne.

Il proposa de passer déposer son sac chez son pote avant d'aller faire un tour, ou peut-être mater un ciné. « Tout sauf Twilight ! » avait-il dit.

– Ça ne pose pas de problème que je rentre chez ton ami sans qu'il le sache ? demandai-je les pieds sur le paillasson.

Ce à quoi Killian me répondit en m'entraînant à l'intérieur en se moquant de moi.

Ça sentait la bouffe chez son pote. Un studio moderne avec lit sur la mezzanine. Killian vint me rejoindre sur le canapé dépliable. A cet instant j'avais déjà compris ce qui allait suivre. Nous avions rompu voilà deux ans, et nous étions désormais seuls, réunis, proches, avec nos souvenirs en tête.

– Je peux t'embrasser ? Dis-moi "non" si tu ne le veux pas.

Killian osait. C'était bien là son caractère. Il préférait être fixé, au risque d'écourter cette journée si je refusais. Mais il restait prévenant. Je l'enviais. J'admirai son aplomb.

Nous étions jeunes, et mes désirs charnels bien qu'encore jamais inassouvis étaient pourtant bien présents. Je l'embrassai.

Ce fut rapide, nos corps se cherchaient, et nous retirâmes nos vêtements. Moins de dix minutes plus tard, il retira son préservatif rempli.

J'avais souvent imaginé ma première fois. Avec frayeur. J'étais persuadée que je serais terrorisée, qu'il me faudrait d'abord passer du temps avec mon partenaire, et voilà que Killian en moins d'une journée était parvenue à me déflorer. Ça ne m'avait pas semblé compliqué.

Mais la vérité était là. J'étais déçue. Ce n'était pas l'extase que l'on nous vantait dans les films. On était loin du couple qui part dans un chalet romantique et fait l'amour au coin du feu sur une peau de bête. Et au-delà du cadre, je n'avais pas ressenti grand-chose : une douleur, de l'excitation mais pas de réel plaisir.

Et puis voilà que je gambergeai, comment avais-je pu avoir ma première fois dans ces conditions ? Killian avait beau être doux et attentif, je ne le connaissais plus, c'était irréfléchi, et dépourvu de sentiments sincères. En tout cas pour ma part.

– C'était si bon, dit-il.

Lui avait été très démonstratif, et un sourire d'aise ne quittait plus son visage.

Je me sentais fautive. Il s'attendait à autre chose, parce qu'il savait que c'était ma première fois, et que pour lui, de fait, ça voulait dire que ça avait du sens, que je l'avais surement attendu, que tout cela scellait nos retrouvailles.

Je restai de marbre. Et son expression changea.

– Ça ne t'as pas plu ?

– Si, si.

– Mais ?

– Ecoute, je dois y aller. Je ne veux pas rater le cours de l'après-midi.

– On va se revoir ?

– C'était une erreur...

– Quoi ? Tu penses à l'autre, encore ?

– Je suis désolée.

Je m'en allai précipitamment. Je n'ai plus jamais revu Killian. Et son souvenir me blesse car savoir que je l'avais fait souffrir ne m'enchantai vraiment pas, il méritait mieux.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant