Je dus m'asseoir un instant et regardai le papier froissé. Je ne rêvais pas, c'était bien un message. Ma première pensée fut fulgurante : c'était Yohann qui l'avait scotché sur la porte. Il avait dû me surprendre la veille au soir et voulait que je tienne ma langue.
Puis après quelques minutes de réflexion, ça ne tenait pas vraiment debout pour plusieurs raisons. D'abord, il était bien trop occupé avec le danseur maori, j'étais restée moins de dix secondes, à aucun moment son regard ne s'était dirigé vers moi. Ensuite, de toute la journée, il n'avait fait aucune allusion, ni changer de comportement avec moi. Et même en admettant qu'il savait que je l'avais surpris en pleine action avec un homme, Yohann aurait très bien pu venir me voir discrètement, plutôt que de faire cette mise en scène.
J'enfilais un short et un débardeur, quand d'autres éclats de voix me parvinrent. Je me levai jusqu'à la fenêtre qui donnait sur l'arrière. Deux autres camping-cars stationnaient plus loin. Je reconnus celui de Ben et ses potes.
La seconde hypothèse s'imposa comme une évidence : une mauvaise blague. Ils n'avaient pas l'air méchant mais bien lourdaud. Ben riaient avec eux comme des idiots. Je glissai la feuille dans ma poche, ressorti de l'Elysium et me dirigeai vers leur table. Elle était jonchée de bouteilles de bières.
– Tiens, bonsoir, Amanda. Quelle surprise. Tu te joins à nous pour la fin de soirée ?
Son pote de gauche s'esclaffa comme un goret non sans lorgner sur mes jambes nues.
– J'ai passé l'âge de traîner avec des puceaux ! pestai-je. Et vos blagues de gosses, vous les gardez pour vous !
Je balançai la feuille sur la table, quand l'un d'eux lança un :
– Wow !
– Viens dans ma chambre, tu vas voir si je suis puceau ! fanfaronna Ben.
Son regard était tout bonnement effrayant de lubricité... et d'alcool. Je rebroussai chemin mais il saisit mon poignet.
– Sérieux, je vais te procurer des sensations que tu ne soupçonnais pas.
– Putain, dégage !
Je retirai mon bras et filai.
– La salope ! entendis-je derrière moi.
Douche froide. Je fis volte-face, ne sachant si j'allais oser répliquer à celui qui venait de m'insulter mais Ben fut plus rapide. Il se leva brusquement, renversant tout au sol et saisit son pote par le col :
– Excuse-toi, connard !
Je ne m'attendais tellement pas à ça que je restai tétanisée devant la scène.
– Clément, putain, excuse-toi où j'te fracasse !
Ben avait levé son poing. Le troisième ne bronchait pas. Ils se regardèrent, se demandant s'il fallait rire ou non. Mais devant le regard noir de Ben, et ses muscles bandés, prêts à en découdre, Clément baissa les armes :
– Ça va, j'rigolais.
– Tes excuses !
– Oui, pardon.
– Pardon, Amanda ! ordonna Ben.
– Pardon, Amanda.
Ils se retournèrent tous les trois vers moi. J'étais un peu dans un état second et marmonnai un :
– Euh... ouai... qu'importe. Laissez-moi tranquille !
Soudain, Dimitri surgit derrière moi, Yohann pas loin de lui non plus.
– Amanda, ça va ?
Il s'inquiéta en voyant ma tête.
– J'ai entendu du boucan, expliqua-t-il en s'approchant.
Il m'enserra la taille et je me sentis mieux.
– Tout roule, dit Ben.
– Am' ? demanda-t-il pour s'en assurer.
Je préférai oublier ces cons et ne pas gâcher notre voyage. De plus, Clément ne faisait plus le fier, blessé dans sa fierté après que Ben ait pris ma défense, malgré qu'il soit aussi un con de me faire toujours des suggestions.
– Ça va. Justement je leur demandai s'il pouvait faire moins de bruit, j'essayai de dormir.
– On rentre aussi, allez les gars, dit Ben.
Dimitri sembla convaincu. Nous rentrâmes ensemble et je parvins à m'endormir avant que tous les autres n'aient terminé leur douche, éreintée par la journée.