– C'est pas vrai... dis-je, dépitée, en réessayant une dernière fois.Robine détacha sa ceinture et sortit de la voiture pour venir jusqu'à ma portière. Elle ne put que constater. Je la sentais mortifiée.
– Comment a-t-on pu partir dans une voiture déchargée ? demanda Marion.
– Il n'y a eu aucun voyant sur ton tableau de bord ? ajouta Laura.
– Non, ni d'alerte sonore, remarquai-je.
– Rob', c'est quoi cette merde ?! demanda Marion, avec un ton qui se voulait faussement agacé, espérant détendre l'atmosphère.
– C'est vrai, je n'ai pas eu le temps de vérifier. Par contre, l'absence d'alerte ce n'est pas normal.
Comment le lui reprocher ? La pauvre avait l'air de celle qui attend le coup de bâton, mais c'était de ma faute, j'étais partie comme une furie. Peut-être que nous n'avions pas entendu le signal au moment du démarrage dans la confusion du départ sur les chapeaux de roue.
Nous sortîmes toutes les quatre du véhicule récalcitrant.
– Qu'est-ce qu'on fait ?
– Eh, mais il y a une batterie de secours dans le coffre ! explosa joyeusement Robine.
Nous la suivîmes jusqu'à l'arrière, dans l'attente de voir la recharge apparaître mais à l'ouverture du coffre nos sourires disparurent instantanément : le compartiment était vide.
– Okay... quelqu'un vous en veut vraiment ! pesta Robine. La batterie de secours était là quand j'ai récupéré l'Elysium avant de venir vous chercher à l'aéroport d'Auckland.
Etrangement, nous regardâmes autour de nous, comme si quelqu'un nous épiait. Pourtant il n'y avait que l'immensité d'un paysage désert.
– Bon... Robine, tu nous conseilles quoi ? demandai-je, essayant de masquer mon insécurité.
– Le village le plus proche est à une dizaine de kilomètres, nous informa-t-elle.
– Personne ne passera par ici ?
– Les touristes vont de l'autre côté du versant, là où tout est balisé. Faire le détour prendra des heures, et attendre sans certitude que quelqu'un vienne ici, c'est déjà perdre du temps.
– Ok, alors qu'est-ce qu'on attend ? dit Marion. On part de quel côté ?
Robine indiqua l'ouest. Elle prit un sac dans lequel j'ajoutai deux petites bouteilles d'eau trouvées dans la portière-avant et quelques biscuits secs.
– Une fois là-bas, on pourra téléphoner.
– Tu connais le numéro de Dimitri, au moins ?
– Oui.
– Parfait.
Notre marche commença. Elle ne ressemblait en rien aux promenades que nous avions faites jusque-là. Les paysages majestueux de la Nouvelle-Zélande me paraissaient hostiles, en adéquation avec mon moral.
Marion avançait à tâtons dans les hautes herbes.
– Passe devant ! ordonna-t-elle à Laura.
– Qu'est-ce que t'as ?
– Je suis sûre qu'il y a des serpents là-dedans, gémit-elle en grimaçant.
Laura s'arrêta tout aussitôt.
– Sérieux ? Sympa, tu me laisses voir si la voie est libre, au risque de me faire croquer les mollets et mourir dans d'atroces souffrances ?
– Exactement, t'as pigé l'idée ! confirma malicieusement Marion.
– Les filles, il n'y a pas de serpent dans ce pays, assura Robine.
– Pour de vrai ?
– Oui, tu crois que les moutons seraient aussi paisibles s'il y avait des serpents ? surenchérit la jeune femme.
– Les moutons ?
Nous levâmes les yeux vers le haut de la colline. Des centaines de boules de cotons paissaient.
– On va traverser le troupeau ?
– T'inquiète ! Ils ne te feront rien tant que tu ne sors pas le paquet de biscuits.
Nous marchâmes d'un bon pas et les bêtes réagirent à peine. Je pris cela pour un bon signe, c'était qu'elles devaient être habituées aux hommes, et sûrement aux randonneurs. Mais les minutes passaient et nous ne croisâmes personne, ce qui rabaissa mon niveau de confiance.
– On en a pour longtemps ? demandai-je.
– Au moins deux heures. Difficile d'aller plus vite, nota Robine.
Comme nous n'étions pas équipées pour l'occasion, une douleur se réveilla derrière mon talon. Je tentai de ne pas trop penser à Dimitri. Pour l'instant, mis à part notre dispute, il n'avait pas encore de quoi s'inquiéter. Du moment que nous parvenions à le contacter avant la nuit. Mais peut-être qu'Anne, si. Parce qu'elle et Laura échangeaient très souvent des messages.
La voix de Laura s'éleva dans mon dos :
– Je pense que tu peux définitivement enlever Chloé de ta liste de suspect. Elle n'aurait jamais pu venir de Paris.
– Elle peut payer des bonhommes pour faire le sale boulot, supposa Marion.
– Je n'y crois pas, admis-je.
Tout en moi me disait que l'ex-fiancée de Dimitri n'y était pour rien. J'avais senti sa sincérité dans sa voix lorsque je l'avais appelée.
– On peut éliminer Robine, ajoutai-je.
Notre chauffeur était dans tous ses états, agacée de nous voir en mauvaises postures. Moi, ça commençait à m'amuser.
Avec Laura et Marion, j'étais tout le temps bien, en fait.