6. Carmen (2/4)

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Dire que le réveil fut dur n'était pas assez juste pour exprimer mon état. J'avais l'impression que mon cerveau avait été retiré de mon crâne à l'aide d'une seringue.

– Houlà ! Y'en a qui ont fait la java hier soir ! déclara Marion en s'asseyant à la table du petit-déjeuner.

– N'oublions pas que c'est leur voyage de noces, rappela Laura.

Laura, Anne, Marion et Robine avaient une tête bien plus fraîche que celle de Dimitri et la mienne. Yohann sortit de la salle de bain et chanta un « bonjour » collectif. Mon mari posa une tasse de café devant lui.

– Merci. Hey, alors Robine, bien dormi ? demanda-t-il à la belle rousse.

– Comme un loir.

Yohann avait repris son attitude de séducteur de bas étage. Je ne pus m'empêcher de le fixer plusieurs secondes, essayant de pénétrer ses pensées. Qu'il veuille rester discret sur sa vie sexuelle, soit, mais qu'il joue un rôle, quel était le but ? Etait-il si effrayé par les autres et ses proches au point de virer schizophrène ? En tout cas, Robine ne ressemblait en rien au danseur maori, son amant de la nuit dernière.

Perdue dans cette contemplation, je gardais mon mug en l'air et le thé commença à couler sur ma main.

– Ouille !

– Merde, Am', ça va ? demanda Dimitri en reprenant ma tasse pendant que j'allai passer mon doigt sous l'eau.

– Tu sais, un thé, ça se boit par-là, dit Marion en montrant sa bouche.

– La nuit fut courte, répliquai-je.

Galipettes, gentilles galipettes... chantonna Laura en reprenant l'air d'une célèbre comptine pour enfant.

Dimitri rit. Je me re-concentrai sur Yohann, lui qui ne manifestait aucun signe de penser qu'il aurait pu être grillé par l'un de nous. Robine aurait pu ne pas dormir pendant qu'il était sorti de l'Elysium.

Je me décidai d'enquêter. Cette histoire me taraudait trop. Puis je voulais qu'il sente que j'étais son alliée. Après tout, quoi de mieux pour nous rapprocher ?

Dimitri me tendit son téléphone. Je le regardai sans comprendre.

– Tu m'as bien dit que tu voulais appeler tes parents.

– Ah mais oui ! Fais-le en FaceTime.

– Vous pouvez passer par l'écran plat, me dit Robine. Ça fonctionne par satellite. Tu verras tes parents en grand.

– L'écran géant ?

Robine s'empara d'une télécommande et un énième écran émergea du plan de travail dégagé.

– Wouah !

Je composai le numéro de téléphone de ma mère.

– Coucou maman, coucou papa ! lançai-je dès qu'ils décrochèrent.

Sur l'écran, il n'y avait que ma mère, assise à la table de la terrasse. Elle ne me répondit pas tout de suite et regardai quelque chose vers la droite.

– Vite, c'est Amanda ! dit-elle.

Elle s'adressait à mon père qui revint s'asseoir avec deux bières. Voir le breuvage me donna à un haut-le-cœur.

– Coucou, ma chérie ! dit-elle enfin.

– Salut !

– Je ne vois pas mon gendre préféré. Ah si, le voilà. Coucou, Dimitri. Et, Laura et les autres !

– Bonjour, madame et monsieur Laracello ! dirent-ils en chœur.

Bon, pour la conversation privée, on repassera.

– Dis donc, Dimitri, tu t'es pas moqué d'eux, c'est quoi cet engin dans lequel vous vadrouillez ?!

– Va voir l'Elysium sur Youtube, il y a une vidéo de présentation.

– Qu'est-ce que c'est qu'ce machin ? grommela-t-il.

– Oh, ne fais pas le stupide, dit ma mère, tu connais Youtube.

– Bon et alors, il fait beau, tout va bien ?

– Super, je t'envoie des photos de notre journée d'hier dès que j'y pense. Il est quelle heure en France ? C'est déjà la pause bière ?

– Presque dix-huit heures, répondit ma mère en vérifiant sur sa montre.

– De mardi ?

– Non, mercredi !

En Nouvelle-Zélande, c'était mercredi matin, huit heures. Ce constat fit rire Marion qui demanda :

– Vous voyagez dans le temps, m'sieur et m'dame Laracello. Vous avez dix heures d'avance sur nous. Dites-nous ce qui va arriver aujourd'hui ? Hi, Hi !

– Tu vas attraper un coup de soleil.

– Ah ?

Marion constata qu'elle avait mal étalé sa crème solaire en bas de son cou.

– Merci du tuyau, dit-elle en l'étalant.

– Bon, alors, quel est le programme de la journée ?

Ils se retournèrent tous vers moi et Robine. C'est elle qui répondit, j'avais un trou de mémoire :

– Balade dans le parc national de Tongariro.

– Je vous présente Robine, notre chauffeur.

– Enchanté, Robine. Prenez soin d'eux, hein ?

– Je fais mon possible, monsieur.

– Bien, on ne vous retient pas plus longtemps, dit ma mère. Profitez de votre journée !

Après les mots d'au revoir et les bisous qu'ils adressèrent plus particulièrement à Dimitri, Laura et moi, Robine démarra l'Elysium.

La cerise déconfiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant