Je n'arrive même pas à pleurer. Je suis juste envahie par le même sentiment de trahison qui m'a habité quand j'ai quittée Eric. Adrian ne m'a pas trompé avec une autre femme, mais il m'a trompé sur celui qu'il était... délibérément. Me rejetant par la même occasion d'une partie de sa vie, considérant que je n'en n'étais pas digne.
Peut-être que je ne me protège pas assez. Devrais-je moi aussi, cacher des fragments de ma personne aux yeux des autres pour ne pas trop en révéler? J'en ai toujours été incapable, mais après les coups bas à répétitions que je viens de subir, cela s'impose très certainement. Je dois me protéger moi aussi, plus que ce que je fais en ce moment.
J'ai tant de questions qui se bousculent dans ma tête, mais la personne à qui je dois les poser, n'est pas prête à me répondre, et je ne veux pas avoir à lui faire face en ce moment. Je suis trop à fleur de peau et Adrian m'impressionne encore plus qu'avant, maintenant que je sais que c'est un artiste de génie. Il aurait trop facilement le dessus sur moi, et j'arriverai à lui pardonner l'impardonnable... non, je ne peux pas... je ne dois pas le laisser continuer à me blesser et ne jamais faire face à ses responsabilités.
...
Le week-end se déroule donc d'une façon étrange. Moi, enfermée dans mon appartement, écoutant des vinyles en boucles dans mon salon, tout en me goinfrant de pizza. Je prends mon ordinateur portable à côté de moi et clique sur le fichier contenant les clichés que j'ai pris lors de ma promenade impromptue dans les rues de Camden. Je ne les ai pas retouchés car je trouve quelles sont très bien comme ça. En faisant défiler le diaporama, je suis prise d'un pincement au coeur en voyant les photos des murs, habillés par les graffitis de Skanska ou d'Adrian. Je ne sais plus comment l'appeler! J'ai du mal à croire que ces deux et mêmes entités, sont en réalité le même individu. Ces fresques murales montre une profonde solitude et un espoir latent. Alors que ces fusains sont d'une sensualité débordante et appel au corps à corps. C'est un artiste au multiple facettes qui dépeint à merveille la mal-être qui ronge ce monde.
Je secoue la tête rapidement pour ne pas réfléchir trop longtemps sur lui, mais je n'y arrive pas! Depuis que je l'ai croisé à la galerie, que ce soit en tant qu'Adrian ou Skanska, j'ai été ensorcelée. Être dans ces bras est une expérience sensorielle qui vous change à jamais. Sa façon de m'embrasser, de me toucher, de me faire comprendre qu'il me veut... je n'arrive pas à m'en remettre. Je me suis découverte à travers lui et je pensais qu'il vivait la même chose que moi... alors qu'en réalité, rien de ce que nous vivions, ne le bouleversais à la hauteur de ce que je ressentais.
Il m'a emmené dans un monde de plaisir et de volupté que je ne pouvais soupçonner, à son contact je m'électrisais, devenant dépendante de son attention. Il a cette manière bien à lui, de vous faire croire que vous êtes la chose la plus importante au monde, et j'ai eu l'imprudence de le croire... Il y a deux jours, il était là, dans ma chambre avec moi et il me faisait l'amour. S'appliquant avec tout son corps à me procurer du plaisir. C'est fou, comment tout peut changer en un éclair! Je suis banale et sans talent particulier... il est peut-être temps de redescendre sur terre et d'arrêter de croire en tout et n'importe quoi. Je me suis toujours plongée dans l'art pour oublier qui j'étais, rester des heures à regarder, observer, décrypter... ça me faisait du bien. C'est quand il faut refaire surface, que cela devient le plus difficile. Maintenant que je sais qui est Skanska, je me dit que j'étais plus heureuse quand j'étais dans l'ignorance, car à cette heure-ci, je serai probablement dans les bras d'Adrian à crier mon plaisir sous lui...
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Je me suis endormie la télé allumée et c'est dans mon salon que je m'éveille, le dos courbaturé par l'inconfort de ma position dans le canapé. Je n'ai toujours envie de rien, mais je me lève malgré tout pour prendre une douche. Je me délasse sous les jets d'eaux chaudes et arrive même à me détendre. Cela est de courte durée, car en me regardant dans le miroir pour m'habiller, je ne vois que le visage d'une femme éteinte qui essaye tant bien que mal à refaire surface.
C'en est assez! Je veux retrouver ma vie! L'enthousiasme de mon arrivée! Il faut que je sorte, que je respire. Je prends mon manteau, l'enfle à la va vite, attrape mon sac et claque la porte.
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Je commence à marcher ne sachant où aller. Très vite je m'arrête devant un petit café. Il est 10h et je n'ai pas pris de petit déjeuner. Je pousse la porte et m'installe seule à une table, pour déguster ce qui me fait envie. Après m'être fait servir des oeufs au bacon. Je regarde sur mon portable ce que je pourrais faire dans les alentours. On est dimanche et la plupart des magasins et lieux culturels sont ouvert à Londres. Je décide d'éviter tout ce qui est musées ou expositions, et c'est donc tout naturellement que mon choix se porte sur le cinéma.
Après avoir déguster mon repas, je pars prendre une place pour un film que j'avais envie de voir depuis longtemps et me laisse embarquer par l'ambiance des salles obscurs. Aller au cinéma toute seule ne m'a jamais dérangée, bien au contraire... On ne partage pas ses pop-corn, la salle est plongée dans le noir et personne ne peux nous voir. J'arrive tant bien que mal à m'aérer l'esprit. C'est le début d'après-midi quand j'émerge de ma séance, et cette sortie aura eu l'effet escompter, je suis bien moins déprimée qu'il y a quelques heures. Il est encore trop tôt pour que je rentre encore à la maison. je ne veux pas me laisser d'opportunités de broyer du noir. Je pars donc au centre commercial et sur un coup de tête décide de pousser la porte d'un salon de coiffure. Je demande à la jeune femme qui m'accueille de juste me faire un soin. J'ai juste envie de m'occuper de moi, sans pour autant faire quelque chose d'extravagant.
Lorsqu'elle mouille mes cheveux délicatement, j'ai l'impression d'être comme un chiffon, j'ai toujours aimé le moment du shampoing dans les salons... Je me laisse donc faire. Au moment du séchage, elle me demande si je veux couper mes pointes et j'accepte volontiers. Après avoir passé le liseur, je me rends compte qu'elle a coupée bien plus que je ne le croyais, mais que j'aime malgré tout. C'est donc ravie que je quitte cet endroit, marchant avec assurance devant les vitrines des magasins.
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Quand je retrouve mon appartement, j'ai moins d'aigreur en moi. Sortir a été la meilleure idée que j'ai eu depuis longtemps. Cependant, mes problèmes ne se sont toujours pas envolés et c'est un peu ébranlée, que je reçois un sms d'Adrian :
Rejoins-moi à Juniper Cres à minuit. J'ai quelque chose à te montrer, si tu ne veux pas, je comprendrai, mais cela te permettrais de comprendre pourquoi j'ai agis comme ça.
Adrian.
C'est le quartier que j'ai fait à pied, lorsque j'étais à la recherche de pistes qui me mènerais à Skanska. Il a réussi à réveiller ma curiosité en me donnant un simple rendez-vous à cet endroit. Encore, une fois, il sait exactement sur quel bouton appuyer pour me faire tout remettre en question! Je suis en colère contre moi-même de constater que je suis à ce point faible en sa présence.
Je souffle d'exaspération, car je sais déjà que je vais aller à ce rendez-vous...
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Ficción GeneralLorsqu'Ella James quitte sa petite ville natale pour s'installer à Londres après une déception amoureuse, elle décide de pleinement profiter de sa nouvelle existence. Fraîchement diplômée des beaux-arts, elle commence une carrière dans l'une des gal...