Chapitre 17 : Jardin secret

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Affublée d'un manteau bleu foncé, je n'arrive toujours pas à croire que je marche dans les rues de Camden à cette heure si crépusculaire. Heureusement ce n'est qu'à quelques minutes, sinon je serais restée chez moi... enfin... j'aurais plutôt pris un taxi car je suis bien trop curieuse.

Arrivée devant le lieu de rendez-vous, je m'immobilise en voyant Adrian debout devant un mur brut, en train de peindre avec des bombes de peinture. Il porte un sweat à capuche sombre, et une casquette. Je l'observe au loin, un instant, fascinée par ce qu'il esquisse. Il secoue les bombes de peintures après avoir tracé des longs traits. Il est entièrement concentré sur ce qu'il fait, et surtout, il est absolument beau. C'est dans ces moments volés, inconscients, que les gens paraissent encore plus attirants. Soudain, sentant qu'il est observé, il se retourne brusquement et croise mon regard. Il fronce les sourcils en me voyant, puis se radoucit instantanément. Je marche jusqu'à lui, hésitante, ne sachant pas très bien ce que je fais là.

— Tu as coupé t'es cheveux ? Dit-il dans l'incompréhension.

— Oui... mais j'ai aussi marché seule dans la nuit pour venir jusqu'à toi. Répondis-je agacée.

— Merci. Dit-il, pour se rattraper. Je n'étais pas sûr de te voir... 

— Tu as réveillé ma curiosité... que fais-tu ? 

Il lève les bras en l'air désignant ce qu'il fait, avant de les redescendre avec fatalité.

— Je te montre qui je suis... C'est comme ça que tout à commencé... 

— Le graffitis ? 

— Fresques urbaines. Je préfère... Dit-il, pour faire de l'esprit.

— D'où viens le nom Skanska ? Demandais-je avec intérêt.

Il se raidit un peu, devant mon ton interrogateur. Il me regarde avec tristesse, constatant que je suis sur mes gardes.

— C'est une longue histoire...

Il reprend sa bombe de peinture et trace les contours d'un visage tout en me parlant.

— À Manchester, j'ai débuté en griffonnant ici et là, dans des gares désaffectées, des squats abandonnés... pour essayer de trouver mon style, car un bon gaffeur à toujours un style reconnaissable. Quand j'ai commencé à faire parler de moi dans ce petit milieu, je me suis dit qu'il me fallait un nom pour signer mes actions... j'ai cherché, longtemps, car je ne voulais pas que l'on puisse remonter à moi, je tenais à mon indépendance et à mon anonymat, car on travaille mieux quand on sait que personne n'attend rien de vous. Alors j'ai inventé ce personnage de Skanska. C'est juste un nom que j'ai fabriqué car je trouvais que ça sonnais bien. Dès que j'ai posé cette signature, les gens ont commencés à chercher dans le quartier où pouvait se trouver mes graffitis, c'est devenu une sorte de chasse aux trésors... 

Un peu comme j'ai pu faire, il y a quelque mois, réalisais-je. 

— Et puis je suis parti à Londres, pour mes études. J'ai mis cette partie de ma vie de côté. Je partageais à ce moment là, un appartement en colocation. La plupart étaient des artistes en devenir, j'étais le seul à faire de la restauration. Jayne était une amie d'un de mes coloc' et c'est là qu'on s'est rencontré. Lors d'une soirée, on s'est rapproché et il s'est passé ce qui s'est passé. Le lendemain, elle a fait comme-ci il n'y avait jamais rien eu, prétextant qu'elle avait agit sous l'effet de l'alcool et a quittée l'appartement. Je me suis senti bafoué et j'ai compris que je ne voulais pas faire parti de ce monde de faux-semblant. Où on te traite comme une merde parce-que tu ne te donnes pas en spectacle et que tu ne cherches pas forcément la gloire ou la notoriété. J'ai repris le dessin. Je n'avais plus le temps de partir tard le soir pour tagguer les murs, alors j'ai pris une feuille et j'ai commencé la technique du fusain.

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