Chapitre 8 : Les autres

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L'ouverture de la galerie au public, se fera dans une bonne heure et je suis dans le bureau à vérifier les personnes inscrites sur la listes des enchères. À présent, elles se font connaitre via un mail qu'elles doivent nous envoyer pour participer à la vente des oeuvres. Cela nous permet de faire une sélection de ce qui pourrait les intéresser. Ils sont à peu près une soixantaine à s'être déjà inscrits. La plupart des demandes portent sur des oeuvres de Skanska. Malheureusement, je dois leur répondre qu'il n'y aura aucun traitement de faveur et qu'ils devront renchérir lors de la soirée jeudi, soit en se déplaçant ou en appelant à la galerie lors de l'enchère. 

Dans l'océan de mails qui jonche mon ordinateur, je tombe sur une adresse familière,  je sursaute presque en voyant le nom de l'expéditeur: Eric Lowdell. Je prends une profonde respiration avant de cliquer dessus et de l'ouvrir.

Bonjour Ella, 

Je suis en Angleterre pour quelques semaines. Je suis passé à Bristol voir mes parents et j'ai appris par ta mère, que tu vivais à présent à Londres. Je dois y passer quelques jours prochainement et je me demandais si tu serais libre pour prendre un verre. Voici mon numéro provisoire en Angleterre: 020-9034-5640. N'hésite pas à me tenir au courant, j'aimerais vraiment profiter de cette occasion pour te voir. 

Bonne journée. 

Eric. 

Je relis le mail une seconde fois, essayant de déceler la moindre gène de sa part, mais je ne vois rien. Je maudis silencieusement ma mère de ne pas savoir tenir sa langue, mais ne lui en tient pas rigueur, cependant. Il m'a bien fait comprendre lorsque nous nous sommes séparés, qu'il ne voulait plus rien avoir à faire à moi, et à présente, l'air de rien, il me demande de lui accorder du temps car il est de passage et que cela lui ferai plaisir... Honnêtement, lui faire plaisir est le cadet de mes soucis! Je supprime immédiatement le mail, sans même noter son numéro. Si il veut me voir, ce n'est pas réciproque. Je commence à peine à savourer notre séparation, et me rends compte que l'existence que je menais avec lui, n'étais pas heureuse et d'une façon assez insidieuse, il me manipulait. Tout devait être parfait pour le contenter, alors qu'il ne faisait aucun effort pour moi. Je ne lui en veux pas, car nous étions bien trop jeunes pour pouvoir mener une vie de couple constructive, mais il n'a pas arranger les choses avec son comportement désinvolte. Et puis, j'ai encore le goût amère de la trahison qui titille mon palet quand je prononce son prénom. 

Non, aller boire un verre avec Eric, n'est vraiment pas dans mes projets...

...

Je marche d'un pas rapide dans les rues de Londres, en direction de la trattoria où travaille Adrian. La soirée à la galerie s'est terminée un peu tard, mais je lui ai envoyée un message pour savoir si je pouvais toujours venir et il m'a confirmé que la fête battait encore son plein. C'est d'ailleurs ce que je constate, quand je pénètre à l'intérieur de l'établissement. Il y a de la musique et du monde à peu près partout. On peine à croire que c'est un lieu où les gens mangent d'ordinaire. 

Skanska a battu son record ce soir, il a vendu six dessins. Tous sont partis pour la modique somme de 13 000£ chacun. Ils ont été achetés par la même personne, un collectionneur australien qui a ses habitudes à la galerie. Si Skanska était un artiste avant-gardiste sans le sous, il semble ne plus l'être maintenant...

Je cherche du regard Adrian, mais dans ce brouhaha, je ne vois personne. Je m'assieds tant bien que mal au bar et reconnais un des employé qui me sert une boisson sans que je ne lui ai rien demandé. Je regarde le liquide rosâtre un instant avant de l'ingurgiter. C'est de la sangria. C'est absolument délicieux! Alors que je m'apprête à envoyer un message à Adrian pour le prévenir de ma présence. Je suis bousculée par une jeune femme blonde, et fait tomber mon téléphone à ses pieds. Elle me le ramasse immédiatement et me le tend avec un sourire. 

— Désolée. Dit-elle confuse. Il y a tant de monde, qu'on peut à peine de déplacer... Dit-elle amusée. 

— Je comprends. Moi aussi j'ai eu du mal à passer au travers de cette foule compact. 

— Je m'appelle Jayne. Dit-elle en s'asseyant sur le siège qui vient de se libérer à côté de moi. 

— Enchantée, Jayne. Ella. 

— Ella ! C'est un nom super cool ! Tu dois être actrice ou chanteuse ? 

— Non, pas du tout. Répondis-je amusée. Je travaille dans une galerie d'art. 

— C'est tout aussi passionnant! Je suis styliste. Je travaille pour la télévision essentiellement. Les gens de la télé ont un goût de chiotte pour se trouver des fringues, alors je suis là pour les aider. Dit-elle, naturellement. 

— Si tu le dis... Dis-je, presque hilare devant sa réflexion. Tu connais quelqu'un ici ?

— Oui. Mon copain travaille ici. De ce que j'ai compris tout le monde pouvait ramener du monde, mais je ne savais pas que les employés avaient invités le pays entier ! Si j'avais su, je me serais habillé autrement. Dit-elle, me montrant sa robe de grand couturier. 

— En effet, tu es un peu trop chic pour ce genre d'ambiance. 

Elle regarde dans le fond de la salle et à un moment son visage s'illumine quand elle croit reconnaitre quelqu'un. 

— Ah, le voilà ! Dit-elle, en me montrant du doigt une silhouette. 

Je reconnais immédiatement Adrian. 

— C'est mon copain. Tu veux que je te le présente ? Dit-elle nonchalamment. 

Je me liquéfie sur place. Je ne comprends pas ce qui est en train de se passer. Adrian discute avec quelques personnes, il ne nous voient pas. 

— Non, ça ira... je vais y aller... il est déjà assez tard... Dis-je décontenancée. 

— J'espère qu'on se reverra ! Ils ont de la super bouffe ici. Dit-elle en se levant de son tabouret. 

Je me lève à mon tour et avant de partir, je la regarde rejoindre Adrian. Il l'observe avec surprise, quand elle se pend à son cou pour l'embrasser, mais il ne dit rien. J'ai l'étrange impression d'air déjà vécu cette scène...

Qu'elle conne ! Me dis-je, avant de définitivement quitter les lieux. Quand je retrouve mon appartement, j'ai la sensation de m'être trop vite emballée. Jayne est exactement le type de fille avec qui Adrian devrait être, belle, grande, blonde, élégante... on dirait un vrai mannequin. Elle dégage la même assurance que lui. Je pense qu'il m'a invité car il ne pensait pas qu'elle serait libre. Décidément, j'ai le don de tombé sur des hommes qui ne savent pas se contenter d'une seule femme! 

Alors que je m'apprête à me coucher, je regarde une dernière fois mon téléphone et y voit plusieurs appels en absence d'Adrian, ainsi que des sms : 

" Où es-tu ? "

" Tu vas bien? Il t'ai arrivé quelque chose?  "

" Je m'inquiète. Tu ne réponds plus depuis que tu es parti de la galerie. "

Je n'ai pas la force de lui répondre à présent. J'ai juste envie de dormir, je suis exténuée. J'aviserai demain. De toute façon, c'était trop beau, ce ne pouvait être réel...

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