Chapitre 19 : Baltis

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De retour à la galerie, j'émerge peu à peu de la parenthèse que je me suis octroyée avec Adrian. Nous avons passés notre journée d'hier à discuter et à échangés sur nos passions communes. Le restaurant n'étant pas ouvert le lundi, c'était comme de vivre un de ces jours sans véritable notion du temps. 

En lui montrant mes photos, il a eu accès à l'une des parties les plus intimes de moi. Il m'a encouragé et m'a donné un nom... et quel nom! Baltis. Je n'en reviens toujours pas, plus je le prononce, plus j'ai l'impression de parler d'une déesse grec perdue dans les méandres de la mythologie. Je souris, en m'imaginant utiliser ce prête-nom pour mes clichés. Peut-être a-t-il raison... il est temps de laisser sortir ce qui a trop longtemps couvé... 

J'aurais aimé avoir sa désinvolture, car je prends tout trop au sérieux, je ne saurais pas assumer ce nouveau statut d'artiste. Je ne fais que prendre de simples clichés, sans avoir une seule fois pensé qu'un jour je m'y consacrerai sérieusement. Il y a tant de photographes admirables que je respects, que j'ai du mal à penser que ce que je fais à une quelconque importance. 

Il est là mon problème, quand je me mets à réfléchir, j'ai tendance à me déprécier, alors que quand Adrian est à mes côtés, j'ai la sensation que je pourrais tout faire! Il me donne de la force. Il a réussi en un temps record à dissiper mes doutes sur mes prises de vues. 

...

Assise à mon bureau dans l'arrière salle, je prends de longues respirations pour me donner du courage pour ce que je m'apprête à faire. Je sors de mon sac les épreuves que j'ai montré à Adrian et les étalent sur mon bureau, nonchalamment. Il y a un contrat que Max doit signer depuis plusieurs jours, au sujet d'une vente de sculpture. Je le pose à sa place, puis sort de l'arrière salle. 

Je marche à sa rencontre, l'air détendue. 

— Max, j'ai mis sur ton bureau le papier que tu dois signer pour Monsieur Ellis. Il en a besoin dans la journée, est-ce-que tu pourrais me le remettre le plus tôt possible pour que je le lui envoie ?

— Bien sûr, j'y vais maintenant... tu me l'a mis...  

— Sur ton bureau... Le coupais-je, naturellement. 

Il part d'un pas rapide vers le piège que je lui ai tendu. Quand il disparait derrière la porte, je souffle de désarroi, me sentant ridicule de procéder de cette façon pour ne pas avoir à affronter mes peurs. Mais c'est la seule solution que j'ai trouvée. Après avoir attendue quelques minutes, je rejoins le bureau, et trouve Max assis à mon bureau, plongé dans l'observation de mes clichés. Il n'entend pas ma présence, et c'est seulement quand je m'adresse à lui, qu'il réagit. 

— Tu as signé le papier ? 

— Ella ! Dit-il, surpris. Oui, il est sur la table... qui a fait ça ? Demande-t-il, avec curiosité. 

Je m'avance pour regarder ce qu'il a dans les mains. 

— Ah... ça ? On les a reçus ce matin. Ce sont des photos, je ne savais pas si on en exposaient, alors j'attendais de te les montrer... 

— Elles sont de qui ?

— Baltis... je crois, je ne sais pas si je prononce bien. 

— C'est un homme, une femme ?

— Je n'en ai aucune idée. Je n'ai fait que recevoir un plis contenant les clichés.  

— Il va falloir que tu te renseignes sur lui ou elle, si on doit l'exposer. On doit avoir une signature de sa part pour les droits d'auteurs et la possible mise en vente... 

— Tu veux les exposer ? Dis-je, ahurie. 

— Bien sûr ! On te les a envoyé pour ça. 

— Mais tu crois que c'est assez bon pour être exposer ? 

— Mon enthousiasme ne se voit donc pas ? Quand j'ai vu ces clichés sur ton bureau, j'ai eu l'impression d'avoir vertige tant c'était beau.  

— Tu ne crois pas que tu y va un peu, dans tes propos... Dis-je, pour le faire redescendre. 

Je me sens rougir et j'ai du mal à réaliser qu'il parle de mes photos. 

— En tout les cas, je veux montrer ce travail ici... est-ce-que tu sais si ces clichés ont été envoyés ailleurs ?

— Non ! Elles n'ont été envoyés nulle part... je me suis renseignée, on est les seuls à avoir eu vent de ce Baltis. 

— Tant mieux ! Avoir l'exclusivité donne encore plus de valeur... Bon, je dois y aller, je compte sur toi pour que tu fasses toute la lumière sur ce Baltis. Si tout les papiers sont en ordre, on pourra projeter de faire quelque chose à la galerie. Dit-il en se levant de mon bureau et quittant les lieux. 

Je m'assieds rapidement, n'arrivant pas à tenir debout, après ce que je viens d'entendre. Je prends mon ordinateur, et commence à taper les contrats de cession de droits... pour moi-même.

...

À la fin de la journée, je ne peux m'empêcher de rejoindre Adrian à la trattoria pour lui raconter ce qu'il s'est passé. 

Assis sur une table, il écoute religieusement mon récit de la journée. 

— Je n'étais pas sûre de la meilleure stratégie à adopter, donc j'ai agit dans la précipitation... "

— Alors ? Quand a-t-il pensé ? Dit-il, avec impatience.

— Il a été emballé très vite, allant même jusqu'à me demander de prévoir les contrats qu'on fait signer aux artistes, en vue d'une exposition.

Adrian me sourit généreusement, et me prend la main. 

— C'est super ! On dirait que ça commence à prendre forme... 

— Je suis pétrifiée et excitée à la fois. Je crois que c'est l'adrénaline que j'ai ressentie quand il me faisait tout ses compliments sans savoir que j'étais la véritable auteur de ce qu'il regardait.

— Alors ? Tu vas les signer ces contrats ou tu vas attendre un peu ? 

Je retire ma main de la sienne, pour sortir de mon sac les contrats que j'ai préalablement imprimer cette après-midi. 

— Les voici. J'avais besoins de te voir, avant de... prendre une décision. 

— Je te remercie pour toute la confiance que tu m'accorde, mais c'est à toi de savoir ce que tu veux. Je ne peux rien faire d'autre que de te soutenir dans ce que tu décides. 

Je plonge mon regard dans le sien, afin de trouver la réponse que j'attends. Tout ce que j'y vois, c'est une profonde chaleur et de l'affection. 

— Tu as un stylo ? Dis-je, sûr de moi. 

Il cherche un instant dans la poche arrière de son jean et me tend un stylo noir. Je le prend et appose ma signature sur les différents exemplaires du contrat. Il me regarde, avec un petit sourire, à la fois émerveillé et fier. Quand tout est signé. Je lève la tête vers lui, retenant mes larmes. J'ai l'impression d'avoir fait un pas immense dans la construction d'une nouvelle existence. 

— Bienvenu au monde... Baltis. Me dit-il, mêlant ses doigts aux miens. 

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