2.le marché couvert

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Il ne semblait y avoir nulle trace d'autres poursuivants. La place à cette heure était bondée : des acheteurs, des vendeurs, des badauds, des voyageurs, deux moines emmitouflés dans des capes ressemblant plus à une couverture de poil qu'à des capes ou des toges, des mercenaires, beaucoup d'animaux, à poils et à plumes.

Ils repérèrent au milieu de la foule cependant trois silhouettes non humaines, quoique humanoïdes, plus fins et plus grands d'une bonne tête. C'étaient clairement des elfes de la garde, dissimulés sous de grandes capes à capuchon en cuir noir. Impossible cependant de ne pas les remarquer dans cette cité. La foule s'écartait sur leur passage et ils semblaient chercher quelque chose du regard. Impossible de voir à quel corps de l'armée ils appartenaient.

Par prudence, Dio et Tio entrèrent dans le marché couvert en marchant à demi baissé dans un petit troupeau de psy- muffles qui étaient dirigés vers leur box de vente.

Le marché couvert avait un rez-de-chaussée ouvert aux vents, avec ça et là des cabanons montant jusqu'au plafond. Il avait deux autres étages, avec une coursive interne au premier étage, pour monter ou descendre des ballots de paille ou du grain. Des poulies à intervalles régulier s'avançaient dans le vide.

Quatre gardes de la milice déambulaient sur la promenade du premier étage, mitraillette au poing et épées courtes à la ceinture, et peut-être d'autres outils accrochés dans les poches de leurs vêtements d'hiver.

On entendait les vendeurs annoncer les prix et faire monter les enchères.
En levant encore plus la tête on voyait aussi les fenêtres du second étage, des granges, des bureaux, des lieux de repos et bien d'autres fonctions encore liées aux commerces en tout genre.

- Mon frère, dit Dio, On passe par l'étage pour aller vers l'auberge.
- Oui ça me semble préférable, regarde là-bas.
- Les skieurs de tout à l'heure ! ils semblent contourner les elfes tu as vu ?
- Tu crois ?
- Oui ils ont l'air de ne pas vouloir se faire remarquer, ils se séparent dans la foule.
- Au moins ici ils ne peuvent sortir leurs armes sans subir de graves conséquences.

En effet la petite cité à l'allure médiévale jouissait d'une certaine indépendance, parce qu'elle était assez isolée. Elle était à la fois aux pieds de la chaîne des montagnes occidentales et la dernière cité après la mer de glace. Elle avait donc sa propre milice privée qui faisait respecter assez strictement l'interdiction de se servir d'armes. Sans pour autant les prohiber.

Dio marmonna enfin :
- Ouai méfions-nous.

Tout à coup une vitre du premier étage vola en éclats, un petit animal à fourrure bleu nuit sauta entre les pattes des moutons et des acheteurs affolés. Le petit animal au corps de travers courait sur ses cinq pattes cherchant à fuir, tandis qu'un attroupement se fit quand on le reconnut. Déjà certains sautaient pour l'attraper : en vain. Tous les regards allaient être attirés dans leur direction. Ça tombait mal !
- Folie ! un Dahu ! siffla Dio, ça existe !
- T'es bête ! c'est toi qui l'as vendu ! ricana Tio.
- Pas faux ! On ira le récupérer un autre jour ! répondit-il joyeusement.

Les deux compères saluèrent rapidement un vendeur du coin par un sourire entendu et entrèrent dans un cabanon sous le marché couvert. A l'intérieur ils se faufilèrent entre les lanières, le foin, les outils de toute sorte, les jougs accrochés aux murs, vers une seconde porte. Elle menait à un escalier qui montait vers l'étage.

Ils retirèrent leur capuche et ouvrirent quelque peu leurs manteaux.
- Attends on pourrait appeler la belle ?! fit Tio.
- La belle, elle a un nom.
- P'tit romantique va ! La belle se languit et tu la fais attendre. Dio rougit et fouilla dans sa poche tout en arrivant au premier étage :
- Ok attends... Non j'ai plus de batterie, c'est un vieux téléphone à clapet.
- Ouai très XXème siècle !
- Début XXIème.
- T'as trop regardé Alias !
- Ouai ! t'imagine qu'avec les enregistrements on gave les jeunes avec des séries qui ont des siècles !
- On se sait pas dire exactement combien de siècles, ni quel chiffre-monde.
- Arrête avec ça, ya pas de preuves... prends ton téléphone, bavard ! fit Dio malicieusement.
- Moi je dirais 47...
- Pffff ! alors ?
- Oui... Attends.
Ils s'immobilisèrent au second étage devant une porte.
- L'appel tombe sur son répondeur avec sa voix oh combien sexy !
- Arrête !
- Quoi !? Elle te plait avoue !
- Elle n'a d'yeux que pour toi.
- Bien vrai ! mais à la vérité elle hésite ! Cas classique du triangle amoureux, mais l'un de nous peut vite régler
ce dilemme si l'un de nous ne fait rien !
- Bon alors ?
- Répondeur donc chambre. Pourvu qu'elle soit dans son bain ! fit Tio d'un air imbécile et burlesque qui lui allait
bien. Il éteignit le portable et le sépara de sa batterie. Dio lui claqua le dos fraternellement.

Ils entrèrent dans une pièce pleine de sacs de farine, de tonneaux de bière, de cagettes de légumes et de  viande séchée. Deux hommes robustes qui s'affairaient avec des caisses les saluèrent. Ils portaient de grand couteau à viande à la ceinture.
- Vous ne nous avez pas vu, on vous revaudra ça les gars.
- Ok Tio.

Ils se dirigèrent vers une porte menant vers l'extérieur. Dio l'entrouvrit et jeta un œil. La porte donnait sur une arche en bois couverte qui traversait la rue pour aboutir dans un grand bâtiment.

La plus grande auberge de la ville était un bâtiment complexe composé de plusieurs maisons raccrochées les unes autres. Un petit labyrinthe abritant bar, restaurant, hôtel, tripot, salles d'affaires, étages privés, et entrepôts dans divers greniers. A vrai dire on pouvait même s'y cacher à l'occasion.

- Alors ?
- Je ne vois ni les elfes, ni les hommes en chapka. Il n'y a pas non plus de gardes sur la coursive de l'auberge.
- Allons-y vite.

Les hommes et les animaux affluaient en bas. Impossible d'être totalement sûr, alors ils se dépêchèrent de passer par la passerelle couverte.

De l'autre côté la porte était ouverte, ils entrèrent rapidement dans ce second entrepôt. Ils se dirigèrent vers un escalier qui menait aux chambres du premier étage. Quelques voyageurs leur dirent bonjour en passant.

Ils s'arrêtèrent enfin, devant la porte 47.

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