28. Capoeira

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C'était le début de la marée basse en cette fin de matinée ensoleillée, à Kalkishiir.

Sur le sable humide et plat, Il y avait trois hommes debout, qui jouaient d'un instrument étrange et plutôt simple, un arc en bois avec un fil de fer relié à une calebasse par une corde. Avec la même main, chaque joueur tenait son instrument et un petit caillou qu'il posait sur le fil de fer pour faire varier le son. Sa main libre tenait une baguette et une sorte de petit objet qui permettait de faire un son de graines qui s'entrechoquent. Il frappait en rythme la corde avec sa baguette et faisait varier le son sortant de la calebasse en la ramenant par moment contre son ventre.

À côté de ces trois hommes quelqu'un tapait sur des atabaques : de grands tambours de bois et de peau tendus avec de la corde en lin. D'autres enfin tapaient sur des boites en fer ou grattaient des morceaux de bois rainurés comme des peignes.

Tout cela avait un rythme à la fois entraînant et lancinant. Ces musiciens fermaient un cercle de personnes qui tapaient dans leurs mains et chantaient à tue-tête en reprenant les refrains qu'entonnait l'un des trois joueurs de Berimbau, cet arc à calebasse qui servait d'instrument de percussion.

Hommes et femmes qui chantaient souriaient tous en regardant évoluer dans le cercle deux personnes qui mimaient rythmiquement un combat acrobatique, dans un jeu de questions-réponses entre des coups de pied et des esquives. Les participants rivalisaient de techniques et passaient souvent leur temps à faire des enchaînements techniques de figures de coups de pieds circulaires ou d'acrobaties sur les mains. Le groupe semblait surexcité par la musique festive et rythmique, par le chant et par l'activité physique intense qui faisait couler à la fois des flots d'adrénaline dans le corps, et des litres de sang dans la tête.

Dio et Tio s'étaient retrouvé pour l'entrainement de capoeira qui se tenait presque tous les matins sur la plage. Ce qui avait attiré Dio et Tio la première fois, c'était l'énergie qui se dégageait de l'ensemble, l'impression de fête, et en même temps l'intense concentration des participants. Car au milieu de la ronde se jouait un combat acrobatique ritualisé et rapide, une chorégraphie guerrière, un jeu corporel entre deux hommes qui jouaient d'esquives et non de contre, tout en effectuant des acrobaties dangereuses pour celui qui n'aurait pas enlevé sa tête au bon moment.

Chacun entrait dans la ronde à son tour pour jouer avec la dernière personne qui était entrée auparavant dans cet espace de jeu corporel. Il y avait souvent des gens autour qui venaient profiter de la musique et du spectacle. Cela finissait souvent en chant et en danse sur la plage.

On voyait évoluer les joueurs au rythme des percussions et des chants, qui par leur répétition donnait un côté lancinant, qui à n'en pas douter faisaient entrer l'ensemble des participants dans une sorte de transe rythmique. Le danger et le sourire, la fête et la violence ritualisée, le jeu des corps se mouvant ensemble et en rythme, le plaisir d'user son corps jusqu'à la corde, car le corps ne s'use que si l'on ne s'en sert pas.

À chaque fois, en entendant ces rythmes et ces chants Dio et Tio ne se tenaient plus et bouillaient d'entrer dans la ronde pour « jouer », c'était l'expression consacrée de cette communication corporelle. L'expression était bien choisie.

À la fin de la ronde, le professeur le plus âgé fit asseoir chacun en cercle, Il entonna une sorte de chant rituel qui était une prière pour invoquer les Orixas de la sagesse. Il exhorta chacun à s'entraider et ne pas user de violence, pour que les ombres ne progressent pas dans la cité et s'en éloignent.

L'ambiance fut tout à coup plus joyeuse quand chacun partit se baigner après l'entrainement ! Au milieu des rires et des jeux d'eau, des discussions, Tio s'adressa à son presque frère :

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