33. Derrière les douves

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Le soleil atteignait son zénith, il était temps de monter à la porte de la ville haute. Elle était flanquée contre une muraille de forme circulaire, faite de pierre et de métal et entourée par une douve. Quelques mètres seulement séparaient la douve des habitations de la ville basse. Une arche s'élançait vers la porte et un pont levis de métal et de bois était abaissé sur elle. La lourde porte avait été sculptée et gravée de manière à dessiner des entrelacs, des dragons et de grands arbres stylisés.

Dio approcha du passage. Deux elfes se tenaient là, à deviser tranquillement, assis sur le parapet qui empêchait les gens de tomber dans les douves. Dio s'étonna que la garde ne soit pas en position plus martiale, enfin cela enlevait-il aux elfes leur capacité d'attention ?

Ils n'eurent que le temps de se lever pour saluer Dio que déjà Therion et Melwyn arrivèrent par une petite porte qui s'ouvrait dans la lourde porte ouvragée.

Therion et Melwyn saluèrent Dio courtoisement et chaleureusement comme à leur habitude et escortèrent Dio à l'intérieur de la ville des elfes. En montant les marches de la ville haute, Dio découvrait la beauté des tours elfiques, élancées, mélange de haut gothique et de High-Tech, toujours finissant en pointes.

Dio découvrit aussi la différence entre Tech et Garde elfique. Il osa demander des éclaircissements. Melwyn répondit :

« Les techs sont des technosoldats, ce sont des soldats entraînés et augmentés, d'une manière ou d'une autre pour pallier les faiblesses du corps et de l'esprit qui n'arrive pas à faire face aux ombres. La Garde elfique est composée d'elfes qui ne comptent que sur leur entraînement pour devenir des êtres accomplis capables de répondre aux épreuves avec courage.

« Il y a donc des divergences au sein des elfes ?

- Quelle drôle de question, s'il y a des individus il y a des divergences. Qu'aviez-vous fantasmé à notre propos ?!

- On dit et on pense de vous que vous êtes plutôt parfaits puisque vous arrivez à apaiser le naturel humain à la division, on s'imagine donc une société harmonieuse."

Therion rit de bon cœur et Melwyn répondit :

"Une société unie ne veut pas dire une société une, le son d'une harpe est harmonieuse parce que chacun des fils tendus a des longueurs différentes. Le son est accordé et non pas unique. Les différences de chacune des notes sont prises en compte pour créer la musique.

- Vous me faites penser au philosophe.

- Le philosophe ?

- Oui, un habitant de Port-Blanc près du lac gelé, là où nous nous sommes rencontré la première fois.»

Therion et Melwyn se plièrent encore aux questions concernant la ville haute, son architecture, son histoire, les légendes peintes ou sculptées sur les murs, les parapets, les piliers et arches aux formes étranges. Therion parla à propos de la construction des tours du concept de biomimétisme. Apparemment les tours avaient été édifiées en mimant ou calquant les formidables capacités du vivant. Dio comprenait que cela avait à voir avec la forme des arches et la structure interne des tours, mais ne demanda pas plus de détails.

Dio comprit que certains endroits de la Cité haute étaient réservés aux elfes et qu'il ne pourrait pas dévier la visite pour flâner en route. Cela le contrariait. Il n'aimait pas qu'on lui dise quoi faire ou ne pas faire et fouiner était un peu son trait de caractère, comme son compagnon d'aventure, Tio.

Les elfes qu'ils croisèrent les saluèrent avec sympathie, même s'ils avaient un air un peu hiératique qui créait une distance que Dio avait du mal à analyser. Était-ce de la distance lié à une forme de respect profond pour tout vivant - a fortiori doué de conscience - ou une distance lié à un sentiment de non identité ?

Mais Dio se souvint que les elfes avaient un respect profond pour toute forme de vie. Il jugea donc son questionnement intérieur de divagation mentale. Après tout la fonction du mental n'était-elle pas de se questionner ? Il se rappela que l'esprit n'était qu'un instrument auquel il ne fallait pas laisser croire qu'il était le « seul maître à bord ».

Ils arrivèrent au pied d'une immense tour qui semblait s'échapper d'une grande structure de verre et de métal. Une série de dômes joliment agencés qui servaient de serres verdoyantes ou poussaient des plantes exotiques magnifiques.

Il y avait, là ou les deux elfes l'accompagnait, une fontaine à l'abri sous de hauts palmiers. Dio s'assit là sur un banc ouvragé dans le style elfique et attendit tranquillement en profitant de la vue, des senteurs et du bruit reposant de l'eau de la fontaine.

Melwyn revint seul un long moment après.

« Comme je vous l'avais dit ce matin, Galaad n'est pas disponible pour le moment mais il me prit de vous amener à ses appartements pour que vous puissiez vous restaurer et patienter tranquillement.

- Je suis déjà plutôt bien ici.

- Oui ! c'est un lieu fort agréable. »

Dio se leva et sans plus de résistance suivit l'elfe vers l'entrée de la tour. Ils entrèrent par une double porte en verre qui s'ouvrit sur leur passage. Un elfe de la Garde les salua et les accompagna jusqu'à un ascenseur extérieur à la structure, encastré dans une sorte de rainure prévue à cet effet. Une vitre permettait de voir vers le sud-est. Dio eut le souffle coupé en s'élevant au dessus des remparts, la ville s'étendit sous ses yeux, puis le port et les pontons, puis la mer et l'horizon et au loin les archipels divers des mille îles. On devinait à l'est dans les nuages les montagnes montant au village du bord des mondes et son immense chute d'eau qui créait une brume blanche au loin à l'est.

Dio fut introduit dans le hall d'appartements luxueux et installé dans une grande salle ouverte sur les paysages magnifiques qu'il avait vu dans ascenseur.

Melwyn se tint en retrait et alla dans une autre pièce plus petite, devant la porte d'entrée quittant les appartements.

Dio se permit de manger un peu les mets qui se tenaient sur la table. Plusieurs plats très bien présentés qui semblaient appétissants. Rien qui ressemblait à de la viande, plutôt de nombreuses manières de présenter des légumes, des fruits, des racines et autres éléments du monde végétal, ce qui s'avéra une bonne surprise.

Mais passé ce moment de restauration bien agréable, Dio commença à trouver le temps long et à s'ennuyer ferme. Il regardait autour de lui les différentes ouvertures vers d'autres pièces ou couloir et se décida, poussé par sa curiosité habituelle, à explorer les lieux.

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