37. Le troisième cercle

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On ne sait pas bien ce qu'il s'est passé au milieu du XXIème siècle. 

Plusieurs pandémies inexpliquées, ou inexcusables, étaient relatées dans les textes et les enregistrements. Puis des incidents sismiques, volcaniques, climatiques aussi. Et enfin des tensions politiques avaient rappelé aux tenants de la mondialisation de repenser les frontières en termes de cercles d'autosuffisance. Les relations internationales avaient dû être tendues, les ressources avaient dû poser problème. 

On ne sait pas bien comment cela a basculé, ni à quelle vitesse. Les vieux pouvoirs et les idéologies mortifères avaient semblé mourir comme des crabes dans un panier-monde, dans le feu de leur propre aveuglement, emportant avec eux beaucoup, beaucoup de gens, dans un crépuscule interminable.

Les elfes avaient un terme pour ce phénomène : le Ragnarøk. Aucun dieu ou possesseur de pouvoir ne veut se déposséder de son pouvoir, même quand celui-ci le mène à la ruine, lui et son monde. Ainsi seuls des êtres hors de contrôle, parce que poussés par une nécessité interne, brisent la lance des lois scélérates, pour ouvrir la voie à d'autres possibilités de vie. 

Il y eut une intense réflexion sur la notion de pouvoir. Paradoxalement, malgré les difficultés inhérentes à la survie - et prépondérantes ! - on avait reconstruit un monde autour d'une question : qu'est-ce qu'une vie belle et harmonieuse ?

Quelques descendants - de ce qu'on appelait alors avec mépris - des originaux du XXIème siècles avaient finalement réussi à conserver de nombreuses semences végétales que les monocultures transgéniques avaient failli éradiquer.

Nombreuses furent les personnes qui, au XXIème siècle, dans leur coin, avaient fondé des communautés éparses pour résister à la destruction de la nature et de la civilisation par des formes de pouvoir mondialisé. Lorsque les voyages devinrent quasiment impossible, le troc  reprit de l'ampleur. La guerre elle-même devenait plus difficile. De fait la pensée à long terme s'était installée dans les manières de penser, de produire et d'échanger.

Enfin tout cela c'était ce qu'on racontait.


La cité des guildes avait émergé de tous ces facteurs.


La Cité des guildes était construite en cercles concentriques avec des corps de bâtiments eux-mêmes relativement circulaires, disons au moins leurs enceintes. Au début il y avait eu un souci de protection, si bien que la cité s'était édifiée en cercles, délimités par des murs d'enceintes, des tours, des moulins, des canaux plutôt larges. Les textes fantasques qui parlaient de l'origine de cette cité évoquaient souvent le plan de construction de l'Atlantide comme point de départ. On fit vite évoluer le concept. La nature n'était pas oubliée dans la construction de ces édifices. Ni l'utilisation des énergies naturelles, ni le respect des plantes et cultures. 


***


Shakti vivait la plupart du temps au milieu de ce petit monde, dans un lieu à vivre très agréable, à l'intérieur de ce qu'on appelait le troisième cercle, et dans un corps de bâtiments très joli, planté de châtaigniers, de tilleuls, et d'acacias. Elle était connue en tant qu'Ingénieure, mais aussi en tant que fille d'Adamanthe :  aussi avait-elle un rôle double : conseillère scientifique et ambassadrice de son village des montagnes.

Ce lieu croulait sous le matériel électrique et les carcasses de vieux ordinateurs. Elle avait même réussi à se procurer des pièces entières d'une carcasse de satellite. Elle collectionnait aussi bien des objets comme les grilles pains et les vieilles radios. 

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