Beyond 42

45.Les Jardins

« Dans le véritable amour, c'est l'âme qui enveloppe le corps. » 

Friedrich Nietzsche

Dio se réveilla dans un grand lit elfique aux draps blancs illuminés par le soleil. La lumière douce du matin entrait dans la pièce, l'air était frais, le lieu épuré et blanc était très reposant. Il tourna la tête. La douce Cryo n'était pas là. Il toucha son oreille pour vérifier qu'il était bien de nouveau sous sa forme humaine. Doucement il enfila un pantalon de lin blanc. Il entama ses exercices physiques quotidiens. Un petit rituel de réveil du corps. Puis il s'installa sur un gros coussin pour méditer.

Les voiles blancs aux fenêtres ondulaient doucement sous la brise légère. Il ferma les yeux. On entendait les oiseaux de mer, les goélands, les rumeurs de la ville basse et les entraînements des elfes noirs. Tio là-bas devait en baver. On entendait le ressac lointain de la mer. L'air était frais, peut-être un peu trop, alors il enfila son gros pull en laine.

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Dio passait son temps en la compagnie galvanisante de la sublime elfe Cryo. Dio découvrait un monde qu'elle lui faisait parcourir. Ils ne se prélassaient pas, bien au contraire, tout comme Tio de son côté, lui aussi subissait un entraînement physique rigoureux, mais dans la douceur et les rires.

Assis sur son coussin, il répétait ses rituels. Se tenir le dos droit, contractions, respirations, attention sur le corps, sur les sensations, puis rester à l'écoute de l'instant, laisser filer les pensées sans les retenir.

Il visualisa ce que serait cette journée, belle comme celles de ces semaines qu'il avait passées ici déjà. Au moment de se lever, il sentit combien il était serein et combien une partie de lui aurait apprécié ne pas se mouvoir, mais une autre le jetait dans le désir d'agir. Il se leva et alla s'asseoir dans une pièce qui faisait office de bureau et de salle à manger pour lui. Melwyn lui avait déposé de quoi se restaurer, en effet Dio évitait les réfectoires communs où de nombreux elfes aimaient à se réunir. Il apprit les rudiments de la nutrition elfique. Cryo lui promit qu'ils iraient un jour ensemble apprendre à reconnaître voire recueillir dans la nature ce qu'on lui apprenait à cuisiner, à associer. Les elfes produisaient la plus grande partie de leur nourriture dans les serres de quartiers dédiés.

Il y avait des livres dans la salle où il prenait ses repas et comme à son habitude de fouineur il avait pris le temps de les regarder tous avant de choisir ceux qu'il lirait en premier. Des livres anciens, humains. Il prenait le temps de lire un long moment avant d'engager son corps dans les exercices qu'on lui proposait. Quelquefois Melwyn venait discuter avec lui de ses lectures.

« Dis moi Melwyn, y a-t-il des serviteurs parmi vous ?

- Serviteur ? Chacun sert tout le monde. Je ne comprends pas. Je veux dire, cette manière de penser n'est-elle pas liée au XXème siècle ? Dans un monde où si un humain ne travaillait pas pour gagner de la monnaie on le laissait mourir dans la rue. Un monde où les humains devaient se plier pour vivre coûte que coûte, quitte à ne pas faire ce qui leur plaisait, ce qui leur semblait fait pour eux ! Allons ! Les cultures traditionnelles anciennes des peuples des forêts mettaient-elles donc les leur dans un coin ? Non. Chacun a droit à la dignité, chacun trouve, à son rythme, ce qui le fait vibrer et y est aidé. Qu'importe. Ici aucun elfe ne vit dans un endroit qu'il n'a pas choisi ou qui ferait de lui un inférieur. Si je suis ici c'est parce que je le veux, que je sens que c'est ce que j'aime et ce pour quoi je peux aider.

- Tous les elfes vivent-ils de cette manière ?

- Presque tous. Il y a des différences selon les fonctions des factions. Dans l'armée, les elfes se plient à une certaine discipline et austérités pendant un certain temps, pour discipliner leurs corps et leur esprits, pour se préparer à des batailles, des guerres, des urgences. L'Ennemi est en soi. Je te laisse. À tout à l'heure. »