42. Entraînements

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Le lendemain, Tio dût s'habiller rapidement dans cette espèce de combinaison noire en toile et se présenta avec toute sa section sur l'esplanade qui se trouvait au pied de l'astroport, entre les remparts et l'accès au port militaire elfique.

Mordred se tenait là, devant plusieurs sections comme celle de Tio, Les cadets avaient été placés en avant et à côté de leur chef de section. Akira se tenait donc aux côtés de Tio, droite comme un i mais semblant toujours prête à bondir comme un tigre. Elle était la seule de toutes les sections à être habillée en cuir marron. Si les chefs des autres sections avaient eux aussi un petit quelque chose de singulier, rien n'égalait l'aspect torturé et sauvage de cette elfe aux oreilles coupées.

Les nouvelles recrues furent accueillies solennellement et Mordred évoqua la préparation que constituait les premières semaines et leurs lots d'épreuves, pour être digne du credo des Techs, sans que le Brise Lames n'évoqua quoi que ce soit d'autre.

Les premiers jours se ressemblèrent étrangement. Tio passe une bonne semaine à courir, sauter, se muscler, gagner en souplesse. Puis vinrent les entraînements martiaux, les armes blanches, et les exercices d'assaut en équipe.

Toute l'escouade se levait aux aurores et partait courir sur les remparts, un temps qui lui semblait infini à cause de l'allure rapide à suivre. Il lui arriva plusieurs fois de vomir ce qu'il avait mangé la veille.

Il y avait un quartier par section entraînée, avec leurs propres salles d'entraînement. Certains endroits étaient plus proches de l'astroport, d'autres plus proches du mur d'enceinte avant le port elfique, d'autres plus proches d'une enceinte menant aux grandes tours elfiques de la ville haute.

Çà et là de grandes arches elfiques reliaient les murs et les enceintes entre eux comme un lierre pousse en se projetant parfois d'un mur à un arbre. Ces structures particulières de même nature que les tours élancées, avaient un aspect étonnant, entre le cartilage et le coquillage, s'épanouissant tantôt à la manière des branches d'arbre, tantôt comme des excroissances de coquillage fabuleux. L'aspect esthétique de ces structures avait quelque chose de vivant et contrastait avec la roche taillée des remparts.

Un autre bâtiment de cette même facture était construit au milieu des baraquements, un grand bâtiment circulaire, plus haut que les autres : une structure en bulle constituée de verrières et qui était entourée par de multiples arches de cette matière étonnante, arches tournoyantes et entrelacées.

Akira et Diancecht, plus rarement Orilus, accompagnaient régulièrement Tio dans ce lieu qui contenait des salles d'études pour les médecins, et autres scientifiques et techniciens. Il s'accoutuma à courir sur un tapis roulant avec un respirateur et des électrodes, à subir de nombreux prélèvements de peau, de sang, et autres biopsies.

On lui avait expliqué clairement la raison pour laquelle il n'était pas encore envoyé sur le terrain contre les ombres : Il fallait préparer le corps et l'esprit à cette rencontre. Mais Tio fit comprendre assez rapidement que sa patience demandait des réponses à ses questions pour récompense.

Un soir les trois guerriers elfes évoquèrent dans la salle de détente une légende qui frappa particulièrement Tio : un mythe qui parlait d'une guerre entre des milliers de galaxies, une guerre effroyable contée dans les récits épiques elfiques. Les elfes y auraient été engagés avec des centaines de vaisseaux spatiaux. Les guerriers parlaient d'eux comme des naufragés ou des réfugiés sur cette planète. 

Petit à petit Tio comprit qu'il s'agissait pour eux bien plus qu'un récit fantastique ou un mythe : ils y croyaient. 

Parallèlement à cela, on lui expliqua le credo des Techs, credo qui semblait clairement lié de près ou de loin à cette légende. Les techs devaient respecter la vie de tout être vivant doué de conscience sur cette planète et devaient prêter allégeance à la faction des elfes noirs des brises lames, rempart de guerriers dont les quelques fragments de récits de combats galactiques qu'il entendit faisait galoper l'imagination de Tio.

À la fin de ses journées, Tio était véritablement épuisé, il n'avait pas un moment à lui sinon la douche et le délassement du soir. Mais même au moment du coucher, il était pris à nouveau en charge par Orilus, le vieil elfe un peu dandy.

Cela avait commencé le second soir de son arrivée dans le quartier des Techs. Orilus l'avait pris à part dans une salle confortable à côté du dortoir :

« Avant de t'endormir, nous allons toi et moi suivre un protocole strict destiné à ne pas être emporté par les rêves hallucinatoires qui sont induits par les brumes. »

Le vieil elfe aux cheveux blancs, toujours vêtu de sa combinaison de combat lui avait montré des exercices de respiration et de concentration. Invariablement chaque soir, ils répétaient ces exercices. Un soir, Owein et Isis, la snipeuse, vinrent se joindre à eux. Orilus modifia les exercices en conséquence.

Ce qui frappait Tio c'était la lenteur à laquelle on l'avait habitué à respirer. Il s'efforça de suivre les mouvements respiratoires infiniment lents et silencieux que tous pratiquaient. Il réussit assez facilement à se concentrer tant l'attention sur les exercices devaient être intense, et plusieurs fois, il en oublia même ses douleurs musculaires et ses hématomes, mais quand, par une vague de pensées folles, ses douleurs lui revenaient à l'esprit, quand son corps lui envoyait des messages, il les reprenait de plein fouet. 

Petit à petit cependant les respirations l'apaisèrent et son esprit se mit à voguer doucement, à divaguer presque, ne sachant s'il était en train de rêver plus ou moins consciemment. Il ne comprenait pas pourquoi ses pensées revenaient invariablement au même point : la salle des douches ou il s'était fait tant secoué. Son esprit divaguait : Il entendait des respirations fortes sortir des plaques d'aération, comme une présence à moitié solide, comme un appel, un chant de sirènes très insistant.

 Il y avait quelque chose qui l'appelait.

Après plusieurs semaines d'entraînement, Tio gagnait en endurance, en technique de combat, en calme. Ses compagnons semblaient l'apprécier, même si sa propension à parler n'avait sensiblement pas diminuée.

Il profitait de l'accoutumance des autres à sa routine de vie pour passer plus de temps en salle d'entraînement. Mais la raison véritable, il la cachait. Il lui vint l'idée fixe, l'obsession folle d'aller soulever les plaques en acier des douches pour en avoir le cœur net.

De manière assez régulière, une grande partie de l'escouade disparaissait la nuit pour aller défendre la ville contre les ombres des brumes, ou pour quelque mission dont on ne lui parlait pas ou presque. 

lorsque l'impatience de Tio devenait trop manifeste, Orilus restait en sa compagnie, sans demeurer trop invasif a priori. Alors il s'en mordait les doigts et réfrénait ses humeurs qu'on le laissa tranquille. 

Il finit par mettre à profit ces absences pour tenter de dévisser et décrocher les plaques des douches de manière à pouvoir les remettre rapidement sans éveiller les soupçons. Mais la rouille faisait crisser les vis et trouver un moyen de les débloquer - tout cela rapidement et sans ameuter personne - n'était pas facile.

Jusqu'au jour où il réussit enfin à déplacer la plaque de manière satisfaisante.

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