Chapitre 36

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- Mais qu'est-ce qui t'a abimé Cara ? Qu'est-ce qu'on a pu faire subir à une fille comme toi ? M'interrogea-t-il.

Je me mordis la lèvre. Il avait touché le point sensible. Mes mains derrière son cou, je le fis glisser, les plaçant sur son torse. Je tentai de m'écarter de lui, en poussant dessus. Il descendit ses mains le long de mes bras et agrippa mes deux poignets, les collant contre lui.

- Arrête d'essayer de fuir. Pourquoi tu refuses l'aide, merde ?

- Je-Je n'ai pas besoin d'aide..

Son regard me brulait la peau, je baissai les yeux vers son torse car je ne pouvais pas le supporter.

- Mais ça crève les yeux, bon sang ! Je l'ai vu à la première seconde où j'ai posé les yeux sur toi, c'est comme si c'était écrit sur ton front. Je ne suis pas tous ces aveugles autour de toi, d'accord ? Je me doute que tu n'es pas la même dans l'ascenseur et quand tu refermes la porte de ta chambre. Parce qu'il y a des signes qui ne trompent pas. Ton regard rivé au loin, tu n'es plus parmi nous. Et puis, quand je t'interpelle, avec l'une de mes conneries, c'est comme si tu te réveillais. Tu te mets à sourire, ou à parler, un peu trop fort. Comme pour combler le vide durant lequel tu t'étais absentée. Ou le vide en toi. Tes cernes sont la seules choses que je vois, certains matins, quand je viens te chercher. Parfum dans les yeux, me disais-tu ? Et quand je te parle de ton passé ou de l'Angleterre, tu deviens livide, ton regard se fige, ça y est, je te perds. Et cette expression, c'est la réponse. C'est ce qui prouve que tout ce qui est passé n'est pas enterré, que ça vit toujours, au fond de toi. Que dans chaque chose que tu vois, tu l'y retrouves. Que tu ne veuilles rien me dire est une chose, mais ne me prends pas pour un con.

Je ne pouvais littéralement rien dire. Son texte me prenait aux tripes, j'avais l'impression d'être passé par une tempête. Alors que non, Jayden était devant moi, à moi de cinq centimètres, et il ne me lâchait pas du regard en me balançant toutes ces vérités. Entendre tout ça était dur. Les larmes étaient sur le point de couler, je regardais vers le haut, tentant de les faire refouler. Tout ce qu'il disait était vrai, je ne pouvais même rien ajouter. Je ne pouvais pas nier. C'était la réalité. Jayden était ma réalité, et je devais faire face à la réalité. Où fuir ? Je savais que Jayden se doutait de quelque chose, mais il n'avait jamais montré plus d'intérêt que ça. Et ça nous arrangeait tous les deux. Mais ce soir, il était différent. Ce soir, il me montrait un intérêt particulier. Un intérêt qui remuait le couteau dans la plaie mais qui me réchauffait tout autant. Parce que quelqu'un le reconnaissait enfin, ses pensées avaient été plus loin que ma tête, ça sortait, enfin. Alors pendant tout ce temps, Jayden ne s'était pas contenté de faire le pitre, de draguer à gauche et à droite. Il avait percé à jour mes faiblesses. Non, il n'avait pas été aveugle.

- Tu es au bord du gouffre, Cara. Tu n'arriveras pas à tenir, tu ne tiens plus. Mais bon, je respecte ton choix. Je te laisse maintenant, je crois que tu as besoin de dormir, dit-il finalement.

Il me lâcha les poignets délicatement. Je le regardai toujours dans les yeux, tremblante. Lui, ne me regardait plus. Son regard était fixé à ma gauche. Il arrangea sa chemise noire d'un coup de main qu'il passa ensuite dans ses cheveux.

Il fit un pas en avant, la tête haute. Il était maintenant à mon côté, pendant un millième de seconde. Il partirait, sans doute dehors, ou dans la chambre, mais il partirait. Et tout reprendrait le même court qu'avant cette discussion. Notre bulle se sera dissipée, la nuit laissera place au jour. C'était comme une réponse à un appel à l'aide, j'avais quelqu'un au bout du fil. Mais il partait. J'allais encore sombrer, encore une fois. Je me rappelai de ces nuits blanches, de ces remords, de ces pleurs, que je devais contenir. Je secouai la tête, il avait raison. Je n'arriverai pas à tenir.

Garde du corpsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant