J'étais à bout de souffle. J'avais mal aux côtes, ma tête me faisait mal, j'avais les jambes comme si mille flammes se tordaient et rampaient à l'intérieur de moi. Je ne savais plus depuis combien de temps nous courions, mais ca me semblait une éternité. Je sentais mes pas ralentir, mes jambes se transformer en gelée sous moi, comme la mort me rattraper.
"Continue, Katara!" Sokka m'avait crié dessus en me saisissant la main et en plongeant plus loin dans la forêt.
Les branches des arbres se cassaient et attrapaient mes cheveux, ma robe, ma peau. Je levais les mains pour me protéger le visage, tout ça pour trébucher sur une racine d'arbre et entrer en collision avec la terre limoneuse.
"Allez les gars! Nous devons continuer à avancer! Ils nous ont presque rattrapés!" Je me suis levée sur mes bras tremblants pour faire face à Aang.
Il traînait derrière nous, jetant des balles aériennes sur nos poursuivants, essayant ainsi de nous donner une chance de nous échapper.
Mais un jeune maître de l'air contre vingt soldats du feu entraînés et un prince en colère n'était pas un match équitable.
Je me sentis fermement tirée par Sokka. Je forçais mes jambes à bouger, rassemblant toutes les forces en moi. Si seulement nous pouvions arriver à Appa, nous serions en sécurité. Nous pourrions nous envoler.
Mais je me suis dit égoïstement.. nous ne serons jamais en sécurité.
Tant que nous voyagerons avec Aang, nous serons toujours en danger face à La Nation du feu et à ce prince psychopathe. Mais j'ai poussé la pensée hors de ma tête. Nous devons arriver à Appa. C'était mon but. Arriver à Appa. Arriver à Appa.
Juste ce matin-là, nous nous étions posés sur le sommet rocheux d'une montagne surplombant un village du Royaume de la Terre. Ensuite, l'inévitable est arrivé. Sokka a eu faim. Sokka et son ventre infernal! Il nous avait convaincus de faire un tour dans le village pour acheter de la nourriture. Bien sûr, nous avions dû laisser Appa derrière nous. C'était risqué d'attirer l'attention avec un bison volant...
C'était un effort gaspillé. La grande bouche de Sokka et les manières naïves d'Aang avaient plus qu'attiré l'attention des troupes maîtres du feu. Ils nous traquaient depuis des jours et le petit écart dans le village était juste l'erreur qu'ils espéraient.
Maintenant, avec encore au moins un kilomètre à parcourir, je perdais rapidement ma force et ma volonté de continuer. En jetant un coup d'œil à mon frère, je voyais que lui aussi se fatiguait rapidement. Ses épaules s'affaissaient et il respirait difficilement.
Puis c'est arrivé. Une racine semblait sortir du sol avec l'intention explicite de causer ma perte. Je suis tombée et je ne me suis pas relevée.
"Katara!" Cria Sokka en tirant sur mon poignet mou. "Il faut bouger!" Mais je suis restée là où j'étais, haletante dans la boue. J'ai entendu les pas pressés de Aang derrière moi et j'ai serré les dents avec frustration. Il pourrait s'échapper s'il le voulait. Avec un souffle puissant, il pourrait virer de bord. Il était seulement en retard pour nous. Pour moi.
"Aller!" Je lui ai crié. "Je ne peux plus courir." Aang me regarda choqué, comme si la simple suggestion lui avait fait mal. Il secoua la tête.
"Ecoute-moi" dis-je entre deux respirations "Tu dois te sortir d'ici maintenant. Si tu ne le fais pas, ils nous prendront. Le monde va ..." Je n'avais pas le cœur de le dire. Tout ce à quoi je pouvais penser, c'était littéralement ma maison qui brûlait. "Un seul maître de l'air contre chacun d'eux n'est pas un combat juste", finis-je.
"Je les ai tous pris, je les ai soufflés, il ne reste que Zuko." Dit Aang en attrapant son planeur. Je pouvais voir un air de détermination traverser son visage. J'avais déjà vu ça auparavant. Je l'avais vu sur le visage de mon père le jour où il avait accepté d'aider à combattre le seigneur du feu. Le regard d'un homme déterminé à se battre, même au risque de sa propre mort.
Sur le visage d'un garçon de douze ans, comment cela pouvait-il être possible?
Il ne devrait pas être ici. Il devrait être à la maison, jouer avec d'autres garçons et avoir des ennuis d'enfants. Maudite soit cette guerre stupide! Je ne pouvais rien faire pour arrêter la guerre, mais je pouvais au moins convaincre Aang de s'échapper.
"Aang, Il pourrait te tuer. Nous ne pouvons pas prendre ce risque. Allez! Maintenant!" Aang s'est détourné de moi ...
... Et s'est tenu face aux bois. Il ne partirait pas. Je ressentais un mélange de colère et de soulagement qui me faisait mal au ventre. J'ai tendu la main pour le retourner, pour essayer de le convaincre ...
Zuko apparut à quelques mètres seulement. Il n'était même pas à bout de souffle. Bien sûr qu'il ne l'était pas. C'était un guerrier, formé de naissance, très probablement. Je le haissais. La colère parcourut ma poitrine alors qu'il s'approchait d'Aang, un sourire arrogant plissé en biais sur son visage, comme s'il savait qu'il avait déjà gagné.
Aang fit le premier pas en envoyant un souffle d'air, mais Zuko se contenta de contourner. Aang en lança quelques-uns de plus mais Zuko les évitait et lançait son propre barrage d'attaques qui scandaient les feuilles qui entouraient leur arène, envoyant des traînées de fumée.
J'ai regardé le combat avec une fascination morbide. C'était une danse, une belle danse sous la canopée ensoleillée de la forêt, les rayons teintés de vert du soleil jouant sur les corps des combattants et scintillant entre le vent, le feu et la fumée.
J'ai été arrachée à ma transe quand un arbre a pris feu soudainement, victime de Zuko. L'écorce se brisa et se recourba, des éclats se propagèrent dans l'air et les feuilles se recourbèrent rapidement et se transformèrent en cendres sous l'effet de la chaleur intense. Aang avait échappé de peu à l'explosion en s'accroupissant sous la flamme. Il se leva et poussa un violent coup de vent à Zuko qui le propulsa contre un vieux chêne robuste.
Mais son geste s'est retourné contre lui. L'air déplacé venait de derrière Aang, attrapant les braises et les cendres qui couvaient de l'arbre et les envoyant dans son dos.
"Ooh! Chaud! Chaud!" Aang sautait et dansait alors qu'il essayait de secouer ses vêtements, donnant à Zuko l'occasion qu'il lui fallait. Il se précipita sur Aang, les poings levés et consumés par les flammes. Il lança une boule de feu qui projeta Aang au sol. Et il ne s'est plus relevé.
Zuko contourna Aang, le dos tourné à l'arbre en feu, et se prépara à porter le coup final, celui qui rendrait Aang suffisamment incapable de se défendre pour s'assurer qu'il ne représenterait plus aucune menace pour Nation du Feu.
"Non!" J'ai crié.
Et puis le monde s'est arrêté. J'ai vu Aang lever les yeux, un masque de peur sur son visage; pas la peur de Zuko, mais peur de ce qui était derrière lui. L'arbre en feu était presque entièrement consumé et avait commencé à tomber. Aang se dégagea du chemin, mais Zuko, le dos tourné à l'arbre, ne sut pas qu'il était en train de tomber avant qu'il ne soit trop tard.
Dans sa chute, l'arbre est tombé sur son dos, frappant le prince et l'assommant. Aang prit une profonde inspiration et éteignit le feu qui couvrait encore l'arbre, tout en l'étouffant du corps incliné du Prince.
Il y eut un silence pendant plusieurs minutes alors qu'on se trouvait dans la petite clairière créée par le combat.
Finalement, Sokka prit la parole et exprima la pensée qui pesait maintenant dans toutes les têtes;
"Qu'est-ce qu'on fait maintenant?"
