Chapitre 2

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Les portes du restaurant universitaire s'ouvrirent vivement et se refermèrent aussitôt. L'arrivée des nouveaux étudiants attira l'attention de tous les survivants repliés dans l'enceinte du bâtiment et particulièrement celle d'une jeune fille, visiblement stressée. A la vue de ses amis, Sophie se précipita vers eux et les gratifia d'une chaleureuse accolade. Ils se racontèrent alors leurs mésaventures respectives. La jeune femme, les ayant perdus de vue au tout début de l'attaque, avait fait équipe un temps avec un autre de leurs camarades. Elle avait ensuite pensé à se retrancher dans la cafétéria où se trouvaient déjà plusieurs personnes ayant eu la même idée. Il y avait maintenant une vingtaine d'individus en comptant le personnel de cuisine déjà sur les lieux depuis tôt le matin. Chacun gérait la situation à sa manière, certains restaient prostrés le regard dans le vide tandis que d'autres pleuraient ou téléphonaient aux membres de leurs familles. Au milieu de la discussion, Sophie remarqua le jeune homme inconnu qui était avec ses amis.

- Salut, tu t'appelles comment ? Demanda-t-elle.

Eva et Aaron eurent un temps d'arrêt et se retournèrent pour faire face à l'étudiant en question. Ils n'avaient même pas remarqué sa présence.

- ... Alex, hésita-t-il.

- Vous vous êtes trouvés comment ? Reprit-elle.

- En fait, on savait même pas qu'il nous suivait, je croyais qu'on était que tous les trois, s'étonna Aaron.

- On s'est bousculés dans la foule et on est tombés, expliqua Léo, ensuite je lui ai dit de me suivre.

- Oh Léo je suis désolée, s'excusa Eva. On n'avait pas vu, on croyait que tu suivais. Si on avait su on t'aurait pas abando...

- C'est pas grave, coupa-t-il en souriant pour rassurer son amie.

- Jess n'est pas avec toi ? Interrogea Aaron.

- Non... Je lui ai envoyé un message pour qu'elle me rejoigne, le même qu'à vous, mais elle ne m'a pas répondu... dit tristement Sophie.

Le petit groupe continua de discuter. Dehors, c'était encore la panique. Avec le grand nombre d'élèves, de professeurs et de personnel, l'université était une véritable mine d'or pour les mangeurs de chair. De plus, une telle population augmentait significativement les risques et la vitesse de propagation de cette folie meurtrière. Sophie, qui avait prit le temps d'observer le phénomène, exposa son opinion :

- Ecoutez, il ne faut pas rester là, ni même en ville. Il y a beaucoup trop monde. Nous devons à tout prix trouver un endroit sûr en attendant que les choses se tassent.

- J'ai pas l'impression que ça va se tasser si tu veux mon avis, répondit Aaron.

Leurs tergiversations furent coupées bien vite par un nouvel étudiant venu trouver refuge au restaurant universitaire. Il ouvrit les portes en grand, couvert de sang et essoufflé, puis il s'écroula au sol. Une personne travaillant à la cafétéria se précipita vers lui afin de lui venir en aide, une étudiante la suivit pour refermer les portes. Soudain, avant même qu'elle n'arrive à leur hauteur, la horde de cannibales poursuivant le rescapé s'engouffra dans le bâtiment laissant tout le monde céder à la panique. En une fraction de seconde, tous ceux se trouvant trop près de l'entrée se firent mordre de toutes parts. Beaucoup tentèrent de s'échapper par les grandes salles à manger du restaurant. Au milieu de ce raffut, Sophie s'égosillait pour indiquer à ses amis de la suivre dans l'arrière cuisine. Alex les suivit aussi. Ils refermèrent sauvagement la porte derrière eux et la bloquèrent en renversant un immense réfrigérateur métallique devant. Eva remarqua une issue de secours qu'ils empruntèrent sans réfléchir. Avant de sortir, Alex eu le réflexe d'attraper deux gros couteaux de cuisine pour se défendre en cas de besoin, et il était justement sur le point d'en avoir besoin. En effet, le petit groupe déboucha directement sur la horde de morts vivants qui ne se contentait pas d'envahir le restaurant universitaire mais qui l'avait bel et bien encerclé. Le nombre ahurissant de cannibales agglutinés autour d'eux les déstabilisa. Aaron trouva une brèche dans cette armée et guida ses camarades au travers. Tout allait si vite et pourtant ils avaient l'impression que la scène se déroulait au ralenti. Les silhouettes aux yeux gorgés de sang suivaient leur course folle dans un râle si caractéristique. Elles marchaient maladroitement dans leur direction en tendant les bras afin de les attraper. La plupart d'entre elles affichaient de sales blessures et des restes de chair humaine coincés entre leurs dents.

Leur fuite les amena sur un parking où d'autres cannibales les attendaient, bien qu'en moins grand nombre. Eva prit la tête des opérations en criant à ses coéquipiers de la suivre jusqu'à sa voiture garée non loin de là. Une fois sur les lieux la jeune femme tiqua :

- Mes clefs ! Merde mes clefs !

Sans réfléchir, Alex l'écarta de la portière et brisa la vitre conducteur à l'aide du manche d'un de ses couteaux. Il passa son bras à l'intérieur et déverrouilla le véhicule.

- Super, maintenant comment on démarre ? Demanda Eva, affolée.

- Laisse-moi faire, répondit-il très concentré.

Il arracha alors un panneau en plastique situé sous le volant et commença à triturer les fils électriques s'y trouvant. Pendant ce temps, les morts se rapprochaient dangereusement. Léo et Aaron, restés en retrait, s'occupaient de les mettre hors d'état de nuire sans vraiment réfléchir. Léo en éventra un avec sa barre de fer mais cela ne semblait pas avoir beaucoup d'effet. L'être désarticulé continuait d'avancer vers eux comme si de rien n'était. Le jeune garçon resta là, hébété, agrippant son arme toujours plantée dans le corps de son assaillant. Alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, Aaron frappa de toutes ses forces le crâne du mort vivant qui tomba lourdement au sol. Léo tourna alors la tête vers son sauveur et lui adressa un fébrile « merci ». Aaron lui sourit avant de prendre la parole :

- C'est bizarre, lorsque tu l'as embroché ça ne lui a rien fait.

- Oui, par contre le coup sur la tête lui a été fatal. Regarde, il bouge plus, répondit Léo en titillant le corps inanimé avec son pied.

- Ça voudrait dire qu'il faut leur exploser le crâne pour les tuer ? demanda Sophie.

- Il semblerait que oui, conclu Aaron. Rappelle-toi lorsque tu as assommé l'autre tout à l'heure, ajouta-t-il en regardant son ami.

Forts de cette constatation les deux étudiants assénaient leurs coups fatals à tour de bras. Léo semblait plutôt bien maîtriser cette technique mais Aaron se fatiguait vite. De plus, la horde à laquelle ils venaient d'échapper se rapprochait inexorablement et ne tarda pas à arriver à leur niveau. Alors que la déferlante de monstres s'apprêtait à s'abattre sur eux, le moteur de la voiture se mit à rugir.

- Tu as réussi ! S'écria Eva dans un mélange de peur et de soulagement.

Elle s'installa à la place du conducteur, Sophie la rejoignit à l'avant et Alex monta derrière pendant qu'Aaron et Léo étaient encore en train de se débattre face à leurs attaquants. La conductrice entreprit une marche arrière pour sortir de sa place de parking et percuta deux cannibales par la même occasion. Alex, qui avait gardé la portière arrière ouverte, criait à ses coéquipiers de revenir. Ceux-ci se replièrent tant bien que mal en essayant de ne pas se faire attraper et mordre. Alors qu'ils étaient à deux pas de la voiture, une main agrippa la cheville d'Aaron et le fit trébucher. En un éclair leurs assaillants se ruèrent sur lui et déchirèrent sa peau à coups de dents sous ses cris atroces de douleurs. Choqué, Léo recula et manqua lui aussi de tomber. Alex le rattrapa et le traîna à l'intérieur de l'habitacle avant de crier à Eva de démarrer. Complètement paniquée et sous le choc elle marqua un temps d'arrêt. Le jeune homme la secoua encore une fois :

- Faut qu'on dégage ! Hurla-t-il.

- Mais Aaron... on peut pas le laisser là, sanglota-t-elle.

- C'est trop tard, c'est fini pour lui, maintenant démarre !

A ces mots, Eva empoigna le volant et démarra en trombe, laissant le pauvre Aaron agoniser sur place. Elle était complètement chamboulée et suivait la route du mieux qu'elle pouvait malgré les larmes emplissant ses yeux. Ses amis aussi étaient traumatisés et fixaient un point dans le vague en tremblant de tout leur corps. Seul Alex gardait un semblant de sang froid mais respirait bruyamment comme pour décharger la pression qui l'envahissait. Eva ne savait pas où aller, sa conduite était saccadée et hasardeuse. Au détour d'un rond point, elle emprunta une rue menant à la bibliothèque universitaire. La voiture allait à toute allure quand soudain, la conductrice remarqua un groupe de quelques morts vivants droit devant. Elle freina de toutes ses forces mais le véhicule allait trop vite et les percuta de plein fouet avant de piler. A quelques mètres du capot ensanglanté, une jeune femme bien vivante regardait fixement ses sauveurs accidentels à travers le pare brise. Eva leva les yeux à son tour et resta bouche bée. Après quelques secondes elle fut enfin capable de murmurer un nom : « Jess ! ».

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