Cannibales

Chapitre 16 - partie 2

Eva était tétanisée. Le liquide amniotique coulait abondamment le long de ses jambes, imbibant au passage sa robe de grossesse marinière. Adossée aux remparts de pierre, elle voyait son espoir d'évasion s'envoler. Xavier et Lexie, désemparés, tentaient de la rassurer dans un cafouillage indistinct. Elle ferma alors les yeux et fit le vide pendant une ou deux secondes.

- Partez sans moi, dit-elle intelligiblement.

- Quoi ? Ça va pas ! On peut pas te laisser là, contesta l'adolescente avec force.

- Lexie, je me suis préparée à cette éventualité, mentit la jeune femme pour rassurer son amie. Vous êtes trop près du but pour abandonner maintenant. Allez-y, je vais faire diversion. Vu mon état ça devrait pas être trop dur, ironisa-t-elle en grimaçant sous la douleur des contractions.

- Qu'est ce qu'ils vont faire de vous ? S'enquit Xavier.

- Vous en faites pas pour moi. Prenez soin d'eux, ramenez-les à la maison.

Dans un échange de regards à la fois tragique et empli d'émotions, le professeur de l'Institut et son élève partirent, laissant leur coéquipière face à son destin plus qu'incertain. Ils coururent dans la forêt au milieu de l'agitation générale provoquée par les cris de douleur d'Eva. Eux-mêmes, complètement choqués, devaient retenir les larmes qui menaçaient de couler le long de leurs joues. Ils retrouvèrent Ugo et Alice au milieu des arbres ; ils s'étaient arrêtés, alertés par les hurlements. Sans leur expliquer la situation, Xavier prit sa fille dans ses bras et Lexie attrapa son jeune protégé par la main, et ensemble ils s'enfoncèrent dans la nature luxuriante de ce versant de la montagne.

Après une marche rapide d'une bonne dizaine de minutes, ils avaient leur prochaine étape en ligne de mire. Ils s'arrêtèrent à une vingtaine de mètres du garage de secours bâti avec quelques plaques de tôle et camouflé sous la végétation, à couvert derrière les bosquets. Xavier s'adressa alors à Alice et Ugo en essayant de masquer au mieux son inquiétude :

- Les enfants, il va falloir que vous vous bouchiez les oreilles, d'accord ?

Il demanda ensuite à Lexie de les occuper pour qu'ils ne soient pas spectateurs des événements sanglants à venir. Ils avait bien évidemment déjà vu un tas d'horreurs depuis le début de cette pandémie, mais c'était un réflexe paternel que de vouloir préserver ces petits. L'homme souffla un bon coup en rassemblant son courage. Il s'avança lentement et sans un bruit vers les deux gardes qui jouaient aux cartes, insouciants. La radio était posée à terre, aux pieds de l'un d'eux. L'enseignant jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour prévenir son élève. Il se munit de son pistolet, prit le temps nécessaire pour calmer ses nerfs, et visa. Deux coups de feu consécutifs se firent entendre, faisant s'envoler les oiseaux alentours. C'était des tirs propres et nets : une balle dans la tête des deux hommes. Ce n'était pas la première fois que Xavier venait à ôter une vie humaine pour protéger sa fille, mais cela brisait tout de même une partie de lui qu'il ne pourrait jamais réparer.

Il se précipita ensuite vers ses compagnons et prit une nouvelle fois Alice dans ses bras. En arrivant à la voiture – un modèle flambant neuf déniché chez un concessionnaire automobile de la petite ville en aval – il ordonna aux deux enfants de fermer les yeux. Ils n'écoutèrent évidemment pas les conseils avisés du professeur et l'image des deux gardes baignant dans leur propre sang s'imprima avec vivacité sur leur rétine. Le quatuor monta à bord du véhicule en emportant la radio et fila à toute allure vers les sommets.

Tous les quatre étaient bouleversés. Leur plan, aussi bancal soit-il, avait fonctionné. Ils étaient maintenant sur la route, à chaque instant un peu plus loin de leur prison médiévale. Malheureusement, cette constatation avait un goût amer très prononcé. Ils avaient dû laisser leur amie sur place, au moment où elle avait sûrement le plus besoin du soutien d'un être familier. Ils avaient conscience qu'Eva s'était sacrifiée pour leur permettre de s'en sortir, sans même savoir le sort qui l'attendait. Xavier, oscillant entre la délivrance, la colère, et la désolation, se répétait en boucle les derniers mots de celle qui lui avait donné le courage de partir. Il fit la promesse solennelle de garder ses trois protégés en sécurité, quoiqu'il lui en coûte, et de ramener Lexie et Ugo chez eux.

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Et voilà, le Livre III est maintenant terminé ! J'espère qu'il vous aura plu :)

Cannibales reviendra le 9 février avec un quatrième livre pour la suite des mésaventures de nos héros ! J'en profite d'ailleurs pour changer mon jour de publication ; il est devenu trop contraignant pour moi de poster le mardi soir, je publierai donc les prochains chapitres le dimanche ^^ 

En attendant, comme d'habitude, restés connectés pour quelques bonus durant cette pause inter-livres ;)