Cannibales

Chapitre 6

La petite épicerie était prise d'assaut. Des dizaines de créatures s'y ameutaient et tentaient de rentrer à l'intérieur de l'établissement. Les corps meurtris se pressaient les uns contre les autres, les os craquaient, le sang coulait, et les ongles crissaient sur la porte métallique de l'arrière boutique. Le silence de la nuit avait maintenant laissé place au râle rauque si caractéristique des cannibales qui n'annonçait rien de bon pour les six survivants cachés à l'intérieur.

Jack avait pris les choses en main, il était bien décidé à aider ses protégés à se sortir de ce mauvais pas. Tandis qu'il fortifiait la porte de la remise, il avait demandé aux garçons d'arracher les planches de bois qui barricadaient l'entrée principale, et aux filles de rassembler vivres non périssables et objets utiles à la survie. Les étudiants étaient pris de court et ne savaient quoi faire de plus une fois leurs missions achevées. A l'inverse, leur ange gardien s'afférait dans tous les sens.

- Vous savez conduire des motos ? Demanda Jack, concentré.

Alex, Jess et Eva répondirent positivement bien que peu sûrs d'eux.

- Parfait ! Vous voyez l'auto école de l'autre côté de la rue ? Ils en stockent quelques unes dans une pièce à côté de l'accueil. Tous les véhicules garés sur le parking ont été volés mais je suis sûr que ces motos là sont toujours en place. Le gérant est un ami à moi. Tenez, voici la clef de l'établissement, il m'avait passé les doubles au cas où. Il vous suffira de prendre les motos à l'intérieur, les clefs doivent sûrement être sur le contact.

Il leur tendit ladite clef puis alla chercher un large bidon d'essence entreposé dans la remise et se mit à en déverser le contenu sur le sol et les étagères. Affolés, les cinq rescapés lui demandèrent ce qu'il était en train de faire. Il pointa alors les portes d'entrée de sa boutique et reprit :

- Ecoutez-moi les jeunes ! Ce sont des portes en verre à détecteur de mouvement. Le circuit électrique est mort, vous allez devoir les briser avec cette chaise pour sortir lorsque je vous en donnerai le signal puis vous allez courir chercher les motos et partir loin d'ici, vu ?

- Mais et toi ? Tu ne viens pas avec nous ? S'inquiéta Sophie, les larmes aux yeux.

- Non pour moi c'est fini. Le mieux que je puisse faire c'est vous aider à vous en sortir, répondit il serein.

- On peut pas te laisser là, viens avec nous ! Supplia-t-elle.

- Ecoute, je suis trop faible, j'ai perdu beaucoup trop de sang, je ferais même pas vingt mètres. Lorsque la porte de la remise va céder, vous allez défoncer ces foutues portes et vous allez déguerpir le plus vite possible. Quant à moi je vais occuper ces créatures le plus longtemps possible.

Aussitôt, la porte de derrière tomba sous le poids des morts. Les monstres en première ligne s'affalèrent au sol, poussés par ceux de derrière qui entrèrent en les piétinant et en faisant tomber tous les produits rangés dans l'arrière boutique dans un terrible raffut. Alex attrapa la chaise que Jack leur avait indiqué et la jeta violemment contre les vitres qui servaient de portes d'entrée. Elles se brisèrent sur le coup.

- On dirait que t'as fait ça toute ta vie, ne put s'empêcher de lancer Jess.

Ils sortirent au pas de course pendant que les cannibales envahissaient le bâtiment. Jack porta une cigarette à sa bouche et l'alluma. Il était d'un calme olympien et semblait vouloir apprécier ses dernières secondes de vie. Il souffla alors la fumée, soupira, et jeta son briquet encore allumé aux pieds du mort vivant s'avançant tout droit vers lui. Au même moment, Sophie déverrouillait la porte de l'auto école. Les étudiants ne mirent pas longtemps à trouver les motos, avec les clefs sur le contact comme l'avait prédit Jack. Ils en sortirent trois de l'établissement et purent observer avec effroi la boutique de leur bienfaiteur s'embraser. N'ayant pas de temps à perdre ils montèrent sur leurs véhicules et partirent au quart de tour, tous chamboulés. Jess, avec qui était monté Léo, maîtrisait bien son engin et ouvrait la marche. Derrière, Eva accompagnée de Sophie, et Alex avaient un peu de mal à conduire mais arrivaient tout de même à suivre le rythme. D'aussi loin qu'ils le purent, ils jetaient un œil dans le rétroviseur de temps à autres et observaient, accablés, les flammes dévorer le magasin de Jack.