Chapitre 5 - partie 1

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Dans la nuit noire, les cinq survivants n'osaient bouger. Ils se tournaient le dos afin de former un cercle et ainsi voir dans toutes les directions. Tous leurs muscles étaient contractés et ils empoignaient avec force ce qu'ils avaient sous la main : une arme, la bretelle d'un sac, ou le bras d'un coéquipier. La peur les tiraillait.

Voyant que cela ne menait à rien, Léo souffla un bon coup et s'approcha lentement de là d'où semblait provenir les sifflements. Ses amis l'en dissuadaient du regard mais il devait en avoir le cœur net. Après avoir vu Aaron mourir sous ses yeux impuissants et après avoir mis ses amies en danger inutilement il sentait que c'était à lui de prendre la responsabilité du groupe. Il voulait les protéger. Le jeune homme avançait lentement vers l'arrière de la boutique, ses mains serraient de toutes leurs forces la barre de fer qu'il utilisait pour se battre et son cœur battait à en faire exploser sa cage thoracique. Les autres le regardaient, tout aussi stressés. Lorsqu'il arriva à l'angle du mur, il prit une grande respiration et fit un pas pour se retrouver face au compartiment poubelles, son arme pointée vers la pénombre. Soudain une voix l'appela : « Hé, mon gars ! ».

L'étudiant fit un bond en arrière, ce qui fit sursauter ses compagnons. Sophie se mit à hyper ventiler tant son angoisse était grande. Léo resta bloqué sur place un instant, les yeux grands ouverts. La porte en ferraille de l'arrière boutique s'ouvrit alors laissant apparaître une silhouette masculine et trapue qui murmura les mots suivants :

- Hé, n'aies pas peur, je vous ai vu arriver toi et tes amis. Venez, restez pas dehors, c'est pas trop sûr en ce moment.

Instantanément, le principal intéressé relâcha sa garde et vint loger sa figure dans sa main droite en souriant, soulagé. Il fit ensuite signe à ses camarades de le rejoindre en leur indiquant qu'il n'y avait rien à craindre. Ils ne se firent pas prier et accoururent pour découvrir leur bienfaiteur. C'était un homme d'une soixantaine d'années, petit et costaud, à la chevelure poivre et sel, et portant une barbe bien fournie. Il les invita à entrer, ce qu'ils firent sans tarder, puis il referma la porte à double tour. Il les guida ensuite vers la salle principale où se trouvaient tous les articles en vente. C'était une pièce de taille moyenne éclairée à la bougie en raison de la coupure d'électricité généralisée qui était survenue plus tôt dans la nuit. Sur les grandes étagères trônaient toutes sortes de choses et notamment de la nourriture. Au fond se trouvait le coin papeterie avec des journaux et des magazines et près de la porte d'entrée le comptoir. Le petit groupe s'empressa de remercier chaleureusement cet ange tombé du ciel.

- Alors, d'où venez-vous comme ça les enfants ? Demanda-t-il de sa voix grave.

- C'est une longue histoire, répondit Alex.

- Racontez-moi, comment avez-vous réussi à survivre dans la nature tous les cinq ?

Ils s'exécutèrent alors et décrivirent dans les grandes lignes les mésaventures qui les avaient amenés de l'université jusqu'à ce petit commerce. Le gérant, abasourdi pas leur récit, les invita à se servir dans ses rayons :

- Oh vous devez être affamés, prenez tout ce qu'il vous plaira, régalez vous. Il y a bien trop de nourriture ici pour que je puisse tout manger à moi tout seul. Allez-y, ne soyez pas timides.

- On ne vous remerciera jamais assez monsieur, lui adressa Eva, larmoyante.

- Hé on va se tutoyer les gosses, appelez-moi Jack.

- Merci infiniment Jack, lui dit-elle tout sourire.

Alors que chacun déambulait dans les rayons à la recherche du repas qui le tenterait le plus, leur hôte était parti chercher une couverture qu'il étala au sol. Il alluma ensuite trois bougies au milieu de celle-ci puis alla chercher des boissons qu'il tendit à chacun. Tous s'assirent sur la couverture et dévorèrent leur nourriture avec avidité.

- Comment ça se fait que votre... ta boutique n'ait pas été pillée ? Questionna Sophie.

-Lorsque j'ai vu ce qu'il se passait dehors, j'ai tout de suite barricadé les issues avec des planches de bois et je me suis enfermé à l'intérieur. Je ne m'attendais pas à voir débarquer quelqu'un après le chaos d'aujourd'hui.

- Ah c'est pour ça qu'on n'a pas vu la lumière des bougies de l'extérieur, remarqua Léo.

- Ouais, bien vu bonhomme, répondit Jack sur un ton amical avant de reprendre. Vous n'êtes pas les premiers à rôder par ici depuis que cette catastrophe a commencé mais d'habitude les gens sont hargneux et ne veulent que saccager ma boutique alors je fais le mort. Mais lorsque vous m'avez réveillé en secouant mes portes comme un cocotier j'ai bien vu que vous n'étiez qu'une bande de jeunes apeurés à la recherche d'un endroit où dormir.

- C'est très généreux de v... ta part de nous accueillir ici, souligna Sophie qui avait visiblement du mal avec le tutoiement.

- Qu'est ce qu'il t'est arrivé à la main ? Interrogea Jess, de but en blanc.

Les autres baissèrent le regard vers les mains de l'homme qu'ils avaient en face d'eux. Ils virent alors que sa main droite avait été fraîchement amputée. En effet, au niveau de son moignon, Jack portait un gros bout de coton imbibé de sang et enroulé de sparadrap.

- Ma mission barricade ne s'est pas déroulée sans accrocs. Je me suis fait mordre la main par une de ces créatures. J'avais vu les gens mourir et se transformer après avoir été mordus, alors j'me suis coupé la main. Ça a stoppé la propagation de la maladie mais je perds beaucoup de sang, répondit-il d'un air plus grave.

Ses cinq invités affichaient des mines écœurées et désolées, et personne n'osait dire un mot. Au bout de quelques secondes, l'homme reprit :

- Hé j'voulais pas vous mettre mal les enfants, faut pas vous en faire. Bon vous feriez mieux de dormir, vous avez l'air exténués.

Tous hochèrent la tête. Après cette longue et rude journée, l'idée d'une bonne nuit de sommeil dans un endroit sûr ravissait tout le monde, même si la nuit était déjà bien entamée. Eva, Léo et Sophie s'installèrent sur la couverture et se blottirent les uns aux autres. Jess s'allongea près d'eux et prit le sac à dos en guise d'oreiller tandis qu'Alex préféra s'éloigner. Il ne se sentait pas encore totalement intégré dans ce groupe d'amis déjà soudé, surtout après ce qu'il s'était passé à la gendarmerie. Jack quant à lui, s'assit au comptoir à la lueur d'une bougie et entama un bouquin avec la photo d'une chaîne montagneuse en guise de couverture.



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Un chapitre divisé en deux parties ; la suite arrive demain. Ahhh ce teasing de fou ;)

Que va-t-il arriver à nos cinq compagnons ? Jack est-il aussi gentil qu'il y parait ? Suspense !



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