Chapitre 1

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[J + 4]

Cela faisait maintenant trois jours que les étudiants rescapés avaient rejoint la caserne militaire. Ici le temps allait lentement. Afin de s'occuper l'esprit, chacun avait trouvé une fonction : Sophie aidait les infirmiers au poste de soins, Léo restait avec son père et participait aux mêmes tâches que ce dernier, Alex avait trouvé une place à l'armurerie, Eva préparait les repas avec d'autres civils, et Jess s'était mis en tête d'apprendre la mécanique. Les journées étaient calmes, les gens parlaient peu. Ce silence, quelques fois dérangé par les grognements rauques provenant de l'extérieur de l'enceinte, était pesant. Les militaires montaient la garde à tour de rôle par équipe de dix, de jour comme de nuit. Un groupe spécial d'intervention effectuait des missions à l'extérieur afin de ramener des vivres et quelques fois des survivants. Un contact radio avec d'autres casernes du pays avait aussi été établi, les communications téléphoniques étant devenues impossibles, et ce pour de bon. A la télévision, une seule chaîne avait tant bien que mal réussi à se maintenir et ne diffusait plus que des bribes d'informations quant à la situation nationale et mondiale. Internet était devenu inutile avec la quasi-totalité des services hors d'usage et la désertion des réseaux par les anciens usagers.

Chaque soir les cinq amis se retrouvaient dans un dortoir commun où ils parlaient jusque tard dans la nuit avant de s'endormir. Après ce qu'ils avaient vécu à l'extérieur, cette vie leur semblait bien plus agréable, presque normale. Cependant, un sujet de conversation récurrent animait leurs soirées : le manque de leurs proches ; et ce soir là il s'apprêtait à prendre un tournant inattendu.

- J'en peux vraiment plus de rester ici à rien faire, se plaignit Alex. Certes c'est bien, on est en sécurité et tout mais nos familles sont là dehors et on sait très bien quels sont les dangers.

- Je sais bien mais qu'est ce qu'on peut faire ? Demanda Eva.

- On pourrait rejoindre la patrouille pour une mission à l'extérieur.

- Non, ça ne marchera pas, rétorqua Sophie. Ils partent chercher de la nourriture et des objets pouvant servir à la survie. Lorsqu'ils ramènent des gens, c'est le hasard. Ils ne partent pas en quête de survivants. Et vous imaginez le bazar si chaque personne ici demandait qu'on ramène ses proches, on s'en sortirait pas.

Ces sages paroles jetèrent un froid. Tous regardaient fixement le sol à la recherche d'une solution quand Alex en proposa une assez risquée :

- On s'en va !

- Quoi ? Comment ça on s'en va ? Interrogea Eva.

- On part, on prend nos affaires et on quitte cet endroit pour aller chercher nos familles !

- T'es marrant toi, ils ne nous laisseront jamais partir, répondit Léo. On va avoir besoin d'armes et de vivres. Ça m'étonnerait qu'ils nous en fournissent comme ça sans rechigner.

- Alors on s'évade ! Ecoutez, moi je suis à bout. Je suis sûr que si je demande à l'armurier de m'accompagner il sera d'accord, lui aussi en a marre de rester ici. Alors maintenant vous me suivez ou pas mais ma décision est prise.

- Mais t'es fou ! Tu vas faire comment ? Avec quel véhicule ? T'y arriveras jamais, contesta Sophie en tentant de le raisonner.

- J'te suis ! Appuya Eva.

Sophie soupira de désespoir face à cette décision qu'elle jugeait imprudente. Alex remarqua son désaccord et tenta de lui expliquer.

- Je comprends que tu ne veuilles pas venir, et toi aussi Jess, même si tu dis rien je sais ce que tu penses. Vos familles habitent trop loin pour tenter quelque chose, vous l'avez dit vous-mêmes. Et risquer à nouveau votre vie pour nous accompagner serait de la folie. Par contre Eva, Léo et moi on a encore une chance de les retrouver, j'ai pas envie de passer à côté.

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