Chapitre 2

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Cinq mois s'étaient écoulés depuis que la petite troupe avait rejoint la maison de retraite et beaucoup de choses avaient changées. Plusieurs personnes âgées n'avaient pas survécu aux rationnements accompagnés des fortes chaleurs de l'été. L'EHPAD ne s'en trouvait pas vide pour autant. Au cours des deux premiers mois suivant l'apocalypse, plusieurs survivants voyageant seuls ou en groupe y avaient trouvé refuge. Quelques uns avaient posé problème et furent expulsés. A la suite de ces incidents, les résidents avaient décidé d'un commun accord de retirer les panneaux de signalisation menant à leur adresse. De plus, la capacité d'accueil était déjà bien dépassée et presque tous les habitants devaient partager leurs chambres. Ce dérangement en revanche n'était pas voué à empirer. Rares étaient les voyageurs venant solliciter leur aide à présent. Tous les rescapés de ce chaos morbide s'étaient déjà plus ou moins ralliés à une quelconque communauté afin de survivre. Il s'agissait maintenant de tenir sur la durée.

La résidence Les Coquelicots avait subit une belle réorganisation. Chaque habitant s'était vu confier une tâche à réaliser pour le bien commun. Certains s'occupaient de la propreté des lieux, de la maintenance, et de la gestion des stocks tandis que d'autres assuraient la restauration ou encore l'assistance médicale. Une équipe d'apprentis agriculteurs s'était constituée afin de tirer profit des champs environnants pendant qu'une autre enseignait le maniement d'armes ainsi que le combat au corps à corps. Une brigade spéciale avait également été formée et organisait des excursions à l'extérieur pour ramener des vivres ou des objets pouvant améliorer la survie et le confort des résidents. Enfin, quelques individus s'étaient mis à l'étude des morts vivants et travaillaient dans un laboratoire de fortune dans le but de trouver un possible vaccin. Pas moins de 81 personnes vivaient là. La maison de retraite ressemblait maintenant à une ruche bien orchestrée. Il n'y avait pas de reine ou de dirigeant cela dit. Bien sûr certaines personnes avaient plus de responsabilités que d'autres, mais les grandes décisions étaient toujours prises par un vote général où la majorité l'emportait.

La journée venait tout juste de commencer que Nathalie et Eva s'affairaient déjà en cuisine. L'ex étudiante reprenait pieds peu à peu après une longue période de dépression. Le suicide de sa maman l'avait complètement anéantie ; elle avait eu beaucoup de mal à se reconstruire. Elle était encore loin de redevenir la jeune femme enjouée qu'elle était auparavant mais elle était en bonne voie. Alex avait eu un grand rôle dans sa guérison. Les deux jeunes gens s'étaient beaucoup rapprochés au fil des semaines jusqu'à devenir inséparables. Cela n'avait surpris personne ; il était clair qu'ils éprouvaient un certain intérêt l'un pour l'autre depuis leur rencontre mais les conditions dans lesquelles ils avaient commencé leur survie ne leur avaient pas permis d'établir une quelconque romance. A présent ils pouvaient s'abandonner à leurs sentiments en toute sécurité, au plus grand bonheur des grands-mères qui adoraient les voir se promener main dans la main.

Le petit déjeuner était souvent le même : des tranches de pain grillé accompagnées de confiture. Les produits étaient confectionnés sur place. Il était rare d'avoir d'autres ingrédients en quantité suffisante pour permettre de varier le menu, mais cela arrivait de temps en temps. Pour les autres repas, la viande était rare. Les agriculteurs comptaient récupérer les quelques animaux des fermes voisines encore vivants afin de faire leur propre élevage, mais pour le moment leur immense potager et leurs champs leur donnaient bien assez de travail. Depuis peu, ils avaient aussi annexé un verger non loin de là et commençaient à manquer de personnel. C'était Aubin qui était à la tête de cette équipe, et pour cause, c'était le seul agriculteur de métier. Aubin était un homme grand et mince, d'une gentillesse débordante et d'un calme olympien. Il avait les cheveux d'un blond cendré et des yeux bleus très clairs. Lui et sa sœur Erin étaient arrivés peu de temps après Eva et les autres et avaient grandement participé au développement de la communauté. En effet, en plus des efforts considérables de son frère afin de subvenir aux besoins alimentaires des habitants, Erin avait mis en place un système permettant d'avoir de l'électricité dans le bâtiment. Anciennement ingénieure dans les énergies renouvelables, la jeune femme avait détourné des lignes électriques reliées à un champ éolien afin de les rediriger vers la maison de retraite. Elle avait également mis en place un réseau de générateurs pouvant prendre le relais en cas d'absence prolongée de vent. C'était une femme aux cheveux blonds comme les blés et aux yeux d'un vert intense. Elle était très dynamique et d'assez petite taille ; tout le monde avait du mal à croire qu'elle et Aubin étaient en fait de faux jumeaux. Peu après ses prouesses techniques, Erin s'était engagée dans l'équipe de reconnaissance qui partait souvent en excursion à l'extérieur. Cette brigade spéciale comptait quatre membres ; en plus d'Erin il y avait Stéphanie, Remigio, et son fils Léo. Aujourd'hui ils préparaient une longue sortie. Ils se levèrent donc aux aurores et engloutirent leur petit déjeuner au pas de course directement dans les cuisines, avant même qu'il ne soit servi aux autres résidents. Ils grimpèrent ensuite dans un pick-up marron et partirent sillonner les routes.

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