CHAPITRE 3

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CHAPITRE 3

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CHAPITRE 3

Lorsque nous passons les portes du centre d'information et de communication, l'odeur perpétuelle de poussière et de vieux livres me monte directement au nez. J'éternue avec disgrâce et nous nous approchons de la table que Lewis a réservée après l'avoir aperçu. A sa vue, je lève les yeux au ciel : Egal à lui-même, malgré la température qui se refroidit un peu plus chaque jour, un simple T-shirt aux manches courtes de couleur bleue lui fait office de vêtement. Que ce soit au beau milieu d'une tempête de neige ou d'un torrent de pluie, il ne quittera jamais ses précieux et perpétuels T-shirts d'une couleur unie.

Le nez fourré dans un gros bouquin sur les différentes formes de masochismes, il relève rapidement les yeux pour nous saluer par-dessus ses lunettes. Ensuite, il replonge presque aussitôt dans son ouvrage. Je lui donne une tape amicale dans l'épaule, il gémit de douleur et nous prenons place.

Je me frotte les paupières et jette un bref coup d'œil en direction des nombreuses étagères d'un vieux bois. Celles-ci craquent macabrement à chaque vibration. En effet, un nombre considérable de livres aussi vieux que la plupart du personnel de l'établissement sont négligemment empilés les uns sur les autres. La bibliothécaire est à ce jour assez âgée et la pauvre n'arrive jamais à finir de tout ranger avant qu'une nouvelle vague d'élèves enragés réduise à néant tous ses efforts. J'ai presque de la peine pour elle. Mais j'ai dit presque : les gens du bas peuple ne méritent pas ma compassion.

Ennuyée par la quiétude des lieux, je baille à m'en décrocher la mâchoire et pose mes lunettes sur la petite table. Accoudée à celle-ci, je rêvasse alors qu'Ashley écoute de la musique et que Lewis n'a toujours pas décroché ses yeux de son livre, tout en jouant inconsciemment avec son piercing à la lèvre du bout de sa langue.

Je ne peux m'empêcher de laisser un bref gloussement moqueur m'échapper, à la vue de ses yeux plissés sur son bouquin et de ses lèvres pincées. Ainsi, on dirait presque un intello.

La bonne blague.

Ses yeux d'un bleu acier sautent d'un mot à l'autre à une vitesse plutôt étonnante. Les mèches de ses cheveux qu'il teint en blanc depuis une éternité viennent parfois s'échouer sur son front. Enfin, son sourire colgate apparaît de temps en temps au gré de sa lecture, me rappelant ainsi son rire communicatif.

Avec tous ses piercings et ses manières extravagantes, on peut dire qu'il se fait rapidement remarquer. D'ailleurs, il aime en jouer, autant auprès des filles que des gars. D'ailleurs, je sais qu'Ashley et lui sont sex-friends depuis déjà plusieurs mois.

Etant donné que je suis une adepte d'histoires à l'eau de rose comme Le Petit Prince par exemple, je suis persuadée qu'ils finiront par vraiment tomber amoureux l'un de l'autre, malgré leur promesse de partager tout sauf leur cœur.

J'incline ma tête sur le côté et mâchouille pensivement le crayon de papier qui trainait par terre, incapable de détourner mes prunelles de sa peau de porcelaine. Inconsciemment, mes yeux louchent sur le livre qu'il sert entre ses doigts : Qu'est-ce que le masochisme et comment peut-on l'expliquer ? Voilà bien une passion qui ferait fuir n'importe lesquels de ses admirateurs, s'ils savaient pour les habitudes étranges de Lewis.

Soudain, celui-ci relève enfin les yeux vers moi, claque son livre et murmure un « fini », alors qu'il a probablement emprunté ce pavé en début d'heure. Un sourire moqueur se dessine alors sur son visage et il hausse un sourcil.

 — Tu es tombée sous mon charme toi aussi ? s'exclame-t-il avec une voix de bourge, balayant de la main ses longs cheveux imaginaires sur son épaule.

— Je me demandais juste ce qu'Ashley pouvait bien te trouver.

Mes yeux ont le temps de percevoir le bref sursaut qui raidit ses épaules, mais il éclate aussitôt d'un rire forcé qui ne lui ressemble pas. Intriguée, Ashley retire un de ses écouteurs et concentre son attention sur nous.

— Très drôle Heavy'.

Je lève les bras au-dessus de ma tête pour m'étirer, puis je plante de nouveau mon regard dans le sien, plus sérieuse que jamais.

— Je suis totalement sérieuse. Ce sourire, cette intelligence, ce visage de mannequin, ce regard profond...Mais assez parlé de moi, comment vas-tu aujourd'hui mon petit Lewis ? je demande en jouant de mes sourcils.

Un ange passe.

Tout à coup, Lewis éclate de rire et cette fois-ci, pour de vrai. Le visage crispé par sa bouche grande ouverte, il hoquette bruyamment, ce qui provoque le grognement des lecteurs sur la table d'à côté. Il se tord tellement qu'il en tombe de sa chaise. Dans une position pas très flatteuse, il se roule donc par terre et s'étouffe avec sa salive. Encore.

Je relève les yeux vers Ashley pour garder mon sérieux, sur le point de craquer à mon tour, ayant instantanément oublié tous mes sourcils. Je veux dire, tous mes soucis.

Malheureusement pour moi, celle-ci secoue la tête et se plie en deux, ne pouvant plus tenir. Je gonfle mes joues, les larmes aux yeux, et finis par m'effondrer à mon tour en tapant ma main sur la table à l'image d'un phoque d'une grâce remarquable.

Ainsi, même s'il n'y a absolument rien de drôle, nous nous chahutons comme des enfants sous le regard finalement amusé des autres élèves. Alors que nous n'aimons pas être sur le devant de la scène, nous sommes tous les trois sans le vouloir des cas à part. Être aimé ou détesté par nos paires nous importe peu. Notre objectif ? Profiter de chaque jour comme si c'était le dernier. Parce qu'après tout, nous aurons tout le temps de nous prendre la tête quand nous serons devenus moisis et fripés. C'est-à-dire à nos vingt-et-un ans.

Certains nous appellent : la team décalée.

Inaccessibles et pourtant totalement normaux pour des adolescents de notre âge, je n'imaginais pas une seule seconde que tout allait changer.

C'est peut-être ma gaieté qui me fait baisser ma garde, mais à ce moment-là, je ne me rends pas compte du regard pesant d'un jeune homme assis sur une table un peu plus loin. Des yeux d'un vert presque surnaturel et pourtant voilé d'un surplus de sentiments me fixent en silence sans que je m'en aperçoive. Livre de partitions à la main, il nous scrute sans rien dire. Invisible aux yeux de tous, des miens aussi.

Toi qui hantes mes rêves depuis si longtemps, comment ai-je pu ne pas te remarquer ?

A suivre...

A suivre

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