CHAPITRE 6
Après cet épisode fastidieux dans le hall du lycée, je me trouve coincée entre quatre murs en cours de français. Ashley à mes côtés révise son solfège à l'insu du professeur et je regarde dans le vide, une fois de plus. En effet, je ne parviens pas à rassembler mes idées. Je n'arrive pas à comprendre. Depuis le début de l'année, c'est la première fois que l'on tire les ficelles de mon corps et qu'on s'amuse à alterner à ce point les roulements de tambour de mon cœur.
C'était pourtant pour que ça ne se reproduise plus jamais que je suis devenue celle que je suis aujourd'hui.
Mais le pantin n'est rien sans son marionnettiste.
Je ne contrôlais plus du tous mes faits et gestes et j'ai détesté ça. De plus, je ne connais même pas ce grossier personnage. Alors je vais rapidement l'oublier et ce sera comme s'il n'avait jamais existé. Après tout, c'est un peu vrai dans un sens. Il n'est rien pour moi et je ne suis rien pour lui. Fin de l'histoire.
Je soupire longuement pour vider entièrement l'air contenu dans mes poumons et relève les yeux vers le jeune professeur de français. Avec sa chemise froissée, sa braguette ouverte et ses chaussures dépareillées, il ressemble à un étudiant égaré. D'ailleurs, je le confonds de temps à autre avec un élève et j'ai parfois du mal à le vouvoyer sans pouffer de rire. Mais je sais que je ne suis pas la seule à me trouver confuse devant lui. Je suis prête à parier qu'il n'a pas plus de cinq ans de plus que nous.
Toutefois, étant trop remuée par les évènements sans queue ni tête qui se produisent depuis ce matin, je n'arrive pas à tenir en place sur ma chaise et je n'arrête pas de jeter un coup d'œil à l'horloge suspendue au mur, tapotant nerveusement du bout de mes ongles le bois de mon bureau. Si bien, que le prof me fait sursauter quand il claque ses mains à plat sur ma table.
— Tout va bien mademoiselle DAWSON ? Un besoin pressent peut-être ? plaisante-t-il.
Mes joues s'empourprent de surprise et les rires fusent depuis le fond de la classe.
— N...non Mr HARRY, je murmure si finement que je ne suis pas sûre qu'il m'ait entendu.
— Bien. Alors je suppose que ça ne vous posera pas de problème de me relire le passage du livre sur lequel nous travaillons depuis le début de l'heure.
Je sursaute et me met à feuilleter hasardeusement ledit bouquin, étant donné que je n'ai absolument pas prêté attention à ce que nous faisons depuis presque quarante minutes. Heureusement pour moi, le professeur de français remarque mon désarroi et ajoute accompagné d'un clin d'œil discret :
— Chapitre cinq, page trente-sept.
J'acquiesce et trouve la page demandée. Ainsi, j'avale ma salive et commence à lire avec mon plus bel accent français, alors qu'un silence pesant règne autour de moi.
— « C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué...C'est une folie de condamner toutes les amitiés parce que l'une d'entre elle vous a trahi, de ne croire plus en l'amour juste parce qu'un d'entre eux a été infidèle...
Je me mords la lèvre et papillonne des yeux pour effacer le brouillard humide qui vient gêner ma lecture.
— ...de jeter toutes les chances d'être heureux juste parce que quelque chose n'est pas allé dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ... ».
Le professeur me remercie et je ferme l'ouvrage, le souffle court et le cœur battant. Soudain, je ne sais pour quelle raison, des images du jeune homme de la bibliothèque me reviennent à l'esprit : Son regard, son odeur, sa présence... De plus, le rêve que je fais presque chaque nuit renforce un sentiment désagréable qui m'enserre la cage thoracique.
« Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ. »
Inconsciemment, ma main se pose sur mon genou droit et le serre avec force. Mon pouls se met à valser la salsa dans mes tempes alors que l'oxygène quitte mes poumons aussi vite qu'un ballon de football troué sur lequel on aurait marché avec des crampons.
Qu'est-ce que tout ça veut dire, bordel ?!
Mon cœur bat si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va s'en échapper. Mes jambes tremblent et je prends ma tête dans mes mains pour ne pas chuter de ma chaise sous le regard interrogateur d'Ashley. La pièce se met à tourner et j'ai chaud. Trop chaud.
C'est à peine si je sens la main de ma meilleure amie se poser sur mon épaule tandis qu'elle appelle le professeur.
Les idées fusent trop rapidement dans ma tête, ma respiration sifflante accélère brusquement et je serre mes paupières de toutes mes forces pour essayer vainement de contrôler mon vertige. Il ne faut pas longtemps au professeur pour m'emmener d'urgence hors de la salle de classe, sous le regard apeuré de mes camarades. Puis, c'est le trou noir.
A suivre...
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ERASER | ✔
RomanceUne rose fanée. Un passé oublié. Une souffrance éternelle. Heaven Dawson préfère jouer à la reine du monde, plutôt que de faire face à la réalité. Avec ses deux amis, Ashley et Lewis, ils forment ensemble la " team décalée ". Mais si tout ceci n'éta...