"T'y arriveras jamais", "t'as pas les épaules assez larges pour ça", "t'es trop gentille, tu vas te faire bouffer", "tu tiendras pas deux mois", ...
C'est à peu près le genre de réflexions qu'on m'a servi quand j'ai annoncé à mes proches que je m'inscrivais en fac de médecine. Et vous savez le pire dans l'histoire ? C'est que je ne leur en ai jamais vraiment voulu : je pensais exactement la même chose qu'eux ! Comment une fille aussi banale que moi pouvait espérer réussir sur une voie si sélective ? Je n'étais ni brillante, ni très débrouillarde, et franchement pas à l'aise en société. Heureusement, pour compenser mon anxiété généralisée et ma timidité, mère nature m'avait doté d'un entêtement à toute épreuve et d'une certaine dose d'orgueil. Je m'étais donc fait une priorité de leur faire ravaler leurs remarques et de leur prouver que j'étais capable de réussir.
De me prouver ...
Du moment où je suis entrée à la fac, je suis devenue une bourreau de travail, menant une vie de recluse et d'ascète à faire pâlir un saint. Mes résultats n'étaient pas extraordinaires (surtout au regard de mes sacrifices et du boulot que j'abattais), mais ils me permettaient de rester à flot. Et lorsque les propositions de stages tombaient, je cherchais toujours les services les plus durs. Il était écrit que je deviendrai coriace !
En réalité, nous ne savons jamais vraiment quelle force nous habite tant que nous ne sommes pas confrontés au pire. Nous ignorons jusqu'où nous sommes prêts à nous battre pour la vie (la notre, celle de nos proches, de nos voisins et même d'illustres inconnus ...) tant que nous ne sommes pas confrontés à la mort. Ce n'est que lorsque la Faucheuse vous chatouille les narines du bout de sa faux que les apparences se dissolvent et que votre vraie nature se dévoile. Tel type que vous pensiez être un raté peut tout à coup s'avérer être un héros, tandis que tel autre auréolé de sa renommée se voit devenir un pleutre de premier ordre.
Pour moi, ce "pire" eut le visage de Marco Bott, un jeune patient du service de réanimation dans lequel j'étais interne depuis seulement deux mois. Son arrivée ne surprit personne : nous avions tous entendu parler de lui avant même qu'il ne remonte de la salle de déchoquage pour débarquer dans notre service. En ce 8 août, depuis 22h, Marco Bott était devenu l'ennemi publique numéro un. La télévision passait en boucle les images de son arrestation musclée sur la rive droite de Trost. En bas de l'écran, un bandeau informatif indiquait : "Alerte attentat : un terroriste profite des manifestations de la fête nationale pour tirer dans la foule. Bilan : au moins deux morts. Le principal suspect a été arrêté et transféré à l'hôpital dans un état grave".
- Il arrive ! , prévint une infirmière avant que les portes automatiques de l'accès au service ne s'ouvrent.
Oui, Marco Bott arrivait. Et avec lui, arrivait l'heure où, moi, Ava Rosenberg, j'allai me frotter à la Grande Faucheuse. L'heure de savoir si au-delà des apparences je faisais partie des braves ou des pleutres. Mais, avec Marco Bott, arrivait aussi l'heure d'apprendre que, dans la vie comme dans la mort, il est impossible de ne compter que sur ses propres forces. L'heure d'apprendre à m'ouvrir et à faire confiance.
L'heure d'entendre sa voix.
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Sa voix
FanfictionIl arrive que la vie vous place parfois au mauvais endroit au mauvais moment. Moi, par exemple, elle m'a piégé dans le service de réanimation de l'hôpital de Trost où je travaille, prise en otage par cinq terroristes. Mais cette même vie absurde vo...