Vivre et survivre

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Pov Ava

Ce ne fut que lorsque nous arrivâmes dans le hall de l'immeuble que je réalisai que mes clés étaient restées dans mon sac. Sac lui-même resté dans le casier de la salle des internes.

- Je ... je n'ai pas mes clés, bégayai-je.

Kenny arqua un sourcil tout à la fois surpris et agacé. En même temps, ce n'était pas comme si j'avais été en pleine possession de mes moyens lorsque j'avais quitté ce putain d'hôpital, pensai-je. 

- Je vais récupérer mon double chez le concierge, ajoutai-je précipitamment.

Je repris mon chemin sous le regard méfiant de Kenny qui me dévisagea scrupuleusement lorsque je passai devant lui. Je m'arrêtai quelques mètres plus loin, devant la porte de l'unique appartement du rez-de-chaussée. Alors que je m'apprêtais à appuyer sur la sonnette, Kenny s'approcha de moi.

- Surtout pas de bêtise, gamine , m'avertit-il dans un murmure.

- Je vous rassure, j'ai pas envie de vous donner l'occasion de faire d'autres victimes, rétorquai-je avant de sonner.

Derrière la porte, le bruit étouffé de la télé cessa. Après quelques instants d'incertitude, nous entendîmes le cliquetis du loquet et la porte s'ouvrit. Kenny s'écarta aussitôt de quelques mètres et nous tourna le dos, ne voulant pas être aperçu ni reconnu. Mais je ne me faisais aucune illusion : toute son attention serait focalisée sur les propos que j'allais tenir. Je n'avais pas le droit à l'erreur. Un petit homme rondouillard apparut sur le seuil, devancé par ses moustaches à l'impériale toujours savamment soignées. Je tentai d'adopter un air dégagé et me fendit d'un sourire qui se voulait rassurant.

- Excusez-moi M. Forester, j'ai un petit souci, dis-je avec un rire embarrassé. J'ai oublié mes clés à l'hôpital. Serait-il possible de récupérer mon double ?

Si l'homme avait pu écarquiller encore un peu plus ses yeux, ses globes oculaires seraient sans nul doute sortis de leurs orbites. Son regard effaré passa nerveusement du sang qui maculait mon chemisier aux hématomes qui émaillaient mon visage.

- Grand Dieu ! Qu'est-ce qui vous est arrivé Ava ?

- Ce n'est ri...

- Attendez voir ! , me coupa-t-il dans une exclamation. Vous étiez à l'hôpital aujourd'hui ? Ne me dites pas que vous étiez parmi les otages ?

Merde !

- Euh ... je ... , bafouillai-je, prise de court.

Il fallait s'y attendre : la chaîne de télé locale avait du couvrir l'événement tout le long de la prise d'otages. L'incident n'avait probablement échappé à aucun habitant de Trost et certainement pas à M. Forester qui passait le plus clair de son temps devant son écran. Je devais trouver un moyen de botter en touche rapidement.

- C'est une longue histoire. Mais je serais ravie de venir vous la raconter autour d'un bon café quand je me serai remise de mes émotions ! , ajoutai-je dans un large sourire complice.

L'idée d'avoir un peu de compagnie et quelques confidences sembla réjouir le vieil homme. Il hocha la tête et disparut quelques instants derrière la porte. Quand il réapparut sur le seuil, il me tendit mes clés ainsi qu'une plaquette de chocolat.

- Tenez, Ava ! Rentrez chez vous et prenez soin de vous !

La sollicitude du vieil homme, son ton affectueux et sa petite attention me touchèrent à m'en tirer les larmes des yeux. Je réussis tant bien que mal à serrer les dents et donner le change.

Sa voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant