Pov Ava
Ce fût un juron furieux qui me tira de ma torpeur. L'esprit groggy et sonné, il me fallut un peu de temps encore pour rassembler mes souvenirs. Que s'était-il passé déjà ? Ah oui ! Ma joue gauche avait fait la rencontre du poing de Kenny Ackerman. Et force était de constater à quel point la joue en question en gardait un souvenir cuisant, fait de picotements et d'élancements erratiques. Ma bouche était pâteuse et emplie d'un goût de fer. Je ne fus pas surprise de ressentir une coupure en passant le bout de ma langue sur ma lèvre inférieure, trouvant par la même occasion l'origine du saignement. Décidément, le commissaire n'y était pas allé de main morte.
J'avais beau avoir repris connaissance, je préférai garder les yeux fermés et ne pas bouger d'un iota, histoire de tromper Kenny encore quelques instants. Le temps de faire le point, de comprendre ce qui se passait et où j'étais.
Oui, où étais-je ?
Je fis le point sur ce que mes autres sens étaient en mesure de percevoir. J'étais assise, vraisemblablement dans un espace clos et exigu. Une morsure froide et métallique autour de mes poignets serrés l'un contre l'autre m'indiquait que j'étais menottée. De l'extérieur, me parvenaient des bruits étouffés de klaxons ; mais de l'intérieur, rien, si ce n'était le bruit léger d'une respiration. A n'en pas douter, il y avait une présence à ma gauche.
Kenny ?
L'alternance de sensations de prise de vitesse et d'arrêts brusques me fit rapidement comprendre que nous étions en voiture, coincés dans les embouteillages. A en juger par le foisonnement des klaxons, je devinai que nous devions nous trouver dans l'une des avenues principales de Trost, à l'heure de pointe. Kenny soupirait de manière régulière, quand il ne pestait pas carrément.
Sans que je m'y attende et sans avoir fait le moindre mouvement, un élancement me cisailla le mollet gauche, celui-là même qui avait reçu une balle. Un peu inquiète, je voulus vérifier la plaie mais cela m'obligeait à ouvrir les yeux.
Je peux peut-être essayer discrètement...
Après tout, ma position me donnait un avantage : n'étant pas complètement adossée au fauteuil, ma tête avait basculé en avant, faisant retomber mes cheveux devant mon visage. Je me risquai donc à ouvrir des yeux qui s'avérèrent particulièrement sensible à la lumière. Il leur fallut quelques instants pour s'accommoder et lorsque ma vision se fit plus nette, je dirigeai mon regard en direction de ma jambe. Mais je n'eus pas le temps de descendre jusque là car mon attention resta immédiatement accroché à mon chemisier blanc. Ce dernier était maculé de sang. Beaucoup trop de sang.
Qu'est-ce que ... ? Non !
Tout me revint aussitôt, comme une lame de fond remuant la fange de ma mémoire. Mon esprit branlant et ramassé sur lui-même s'était évertué à faire barrage à ces souvenirs depuis mon réveil. En vain. Ils me revenaient maintenant dans toute leur violence. Ainsi que son prénom.
Levi ...
Ma gorge se serra, puis ma poitrine, puis mon cœur. Tout semblait se paralyser en moi, empêchant l'air de pénétrer dans mes poumons. Comment allait-il ? L'avait-on retrouvé et pris en charge ? ... Était-il seulement en vie ? Et mes collègues ? Larry, Stan, Gaby, Thomas ... ? Soudain, une voix émergea de ma mémoire :
« Personne ne va trinquer, Ava. Ni vous, ni personne ! ».
Menteur ! , pensai-je alors que des larmes s'écrasaient sur mon jeans. Mes épaules furent rapidement prises de soubresauts qui me trahirent.
- Hé gamine, t'es réveillée !
Mes sanglots redoublèrent au son de cette voix rieuse que j'aurais aimé ne jamais réentendre. Cette fois, plus aucun doute n'était permis : mon chauffeur n'était personne d'autre que Kenny Ackerman.
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Sa voix
Fiksi PenggemarIl arrive que la vie vous place parfois au mauvais endroit au mauvais moment. Moi, par exemple, elle m'a piégé dans le service de réanimation de l'hôpital de Trost où je travaille, prise en otage par cinq terroristes. Mais cette même vie absurde vo...