Pov Ava
Un sursaut m'arracha à mes pensées quand le téléphone, que je serrais d'une main crispée depuis de longues minutes, se mit enfin à vibrer.
- Hey, gamine.
- Hey, répétai-je bêtement, interpellée par les nouvelles variations de cette voix que j'avais tant espéré réentendre au plus vite. Je découvrais tout à coup des sonorités aux accents plus doux trahissant également une profonde lassitude, une mélancolie étouffée, une nostalgie usée jusqu'à la corde. A sa prononciation de ces deux mots, à cette simple entrée en matière, je sus que quelque chose s'était passée pour lui. Mon cœur se serra : pour une raison que j'ignorais, il n'allait pas bien.
- Comment ça se présente de votre côté ? , s'enquit-il.
- R.A.S, résumai-je.
- Mes coéquipiers sont en train de réfléchir à un moyen de vous sortir de là.
- Ah ... Et vous ? Vous ne réfléchissez pas ? , m'autorisai-je à railler.
Je ne trouvai rien d'autre qu'une joute verbale pour espérer apporter un brin de légèreté, même éphémère, à cet homme. Ma manière à moi de tenter de soulager un peu son esprit, d'alléger ses épaules. Tout à coup, un souffle amusé mais terriblement las me caressa le tympan avant de me serrer le cœur.
- Faut croire que c'est pas ma tasse de thé , fit-il d'une voix encore trop plate à mon goût.
- C'est vrai qu'après tout vous n'êtes que le standardiste. C'est bien ma veine ... , enchaînai-je.
- Venez pas me les briser pendant que je suis en pause, contre-attaqua-t-il d'une voix faussement cinglante qui trahissait pourtant la présence d'un sourire sur son visage, là-bas, quelque part, à l'autre bout du fil.
A quoi ce sourire pouvait-il ressembler ? Je ne lui en avais sans doute pas arraché un qui soit large et franc, mais cela restait un sourire tout de même. Et, pour lui, c'était déjà ça de gagné.
- Oh ! Donc, si je comprends bien, vous n'avez rien trouvé de mieux à faire de votre temps libre que de m'appeler ?
Il y eut un court silence, le temps d'une hésitation, avant que sa réponse ne me parvienne.
- Je fais bien ce que je veux, déposa une voix traînante au creux de mon oreille, dans une vibration qui se propagea jusqu'à mon cœur.
J'en étais sûre, cette phrase anodine venait d'être jouée à deux voix. L'une était d'humeur badine tandis que l'autre était emplit de gravité et de sérieux. L'union des deux donnait une mélodie ambiguë, équivoque, qui brouillait les pistes : cherchait-il à dire quelque chose ? En évitant de trop réfléchir à ce que je sous-entendais moi-même, je surenchéris.
- Si c'est vraiment ce que vous voulez ...
Un silence dense flotta quelques instants. Mon cœur cognait bêtement dans ma poitrine, et je n'étais plus bien sûre que ce soit à cause des terroristes.
- Comment vous sentez-vous ? , s'enquit mon interlocuteur.
- J'ai connu mieux.
- Ava, je préfère être honnête : nous n'allons pas tarder à lancer l'assaut. C'est sûrement la dernière fois que nous nous parlons. Je serai obligé de refiler le téléphone à un collègue qui reste à l'arrière.
- Au téléphone , précisai-je d'une voix nouée.
- Pardon ?
- C'est la dernière fois que nous nous parlons au téléphone.
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Sa voix
FanfictionIl arrive que la vie vous place parfois au mauvais endroit au mauvais moment. Moi, par exemple, elle m'a piégé dans le service de réanimation de l'hôpital de Trost où je travaille, prise en otage par cinq terroristes. Mais cette même vie absurde vo...