Ce qui compte le plus

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Pov Ava

Quand il eut raccroché la ligne, un sentiment de vide vertigineux me saisit, à m'en coller le tournis. Durant quelques instants, sa voix à l'autre bout du fil m'avait donné l'illusion apaisante que je n'étais plus seule. Mais maintenant que le timbre grave et vibrant s'était tu, mon isolement dans cet espace confiné me semblait plus oppressant que jamais. Ses dernières paroles avaient été rudes à encaisser, mais je les préférais de loin à ce silence cruel qui me bourdonnait aux oreilles et m'évidait de l'intérieur. Le désespoir et l'angoisse se mirent à enfler dans ma poitrine. Respirer devenait un effort. Machinalement, mes doigts se resserrèrent autour du téléphone comme ils se seraient accrochés à une bouée de sauvetage. Je voulais rappeler. J'en crevais autant de besoin que d'envie. Sinon j'allais devenir folle. Oui, je voulais le rappeler. Même si je ne connaissais pas son nom, même si ses propos étaient durs et méprisants, même s'il risquait de m'engueuler ... peu m'importait.

Non, tu vas lui faire perdre son temps.

Mon cœur se serra à cette pensée. Pourtant, je devais bien admettre qu'il y avait du vrai. Si je cédais à la panique maintenant, je ne ferais que les déranger. Il fallait que je me ressaisisse ! Je laissais l'arrière de mon crâne cogner légèrement contre le battant de la porte. Le nez en l'air et les yeux fermés, je tentai de retrouver mon calme. Lorsque ma respiration s'apaisa, je me souvins de la demande express de l'homme au bout du fil.

Merde ! J'allais oublier !

Je déverrouillai mon téléphone et ouvrit un nouveau message sur lequel j'inscrivis les codes des deux portes ainsi que les noms et prénoms de mes collègues retenus en otage. J'envoyai le tout au numéro que la voix m'avait indiqué et l'enregistrai dans mon répertoire. Lorsque le message fut envoyé, je vérifiai l'heure : 14h07. Les F.I rappelleraient dans vingt-trois minutes.

J'avais vingt-trois minutes à tuer ... en priant de ne pas l'être en retour.

De nouveau, le tournis me prit. Cette attente s'annonçait interminable. Angoissante. Terrifiante. Que pouvait-il se passer sur un tel laps de temps ? Que se passait-il en ce moment dans le service ? Comment allaient mes collègues ? La peur enfla de nouveau, formant un creux béant et douloureux au milieu de ma poitrine, empêchant mes poumons de se gonfler d'air. Je respirais aussi efficacement qu'un poisson hors de l'eau.

Tout à coup, une vibration me sauva de cet enfer. Je reportai mon attention sur mon téléphone et lus le message que je venais de recevoir. Il s'agissait d'une réponse des F.I. :

Merci !!! Et désolée pour les propos de mon collègue. C'est une vraie tête de lard ! ;-)

Je restai sidérée devant mon écran. Mes yeux s'accrochèrent, incrédules, aux trois points d'exclamation et au smiley avant de glisser vers le numéro de téléphone pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'une erreur. Pourtant, pas de doute, c'étaient bien eux ! Est-ce qu'ils étaient tous aussi frappés les uns que les autres dans cette équipe ? Ne sachant quoi répondre à un message si emphatique, je me contentai d'un « Pas de souci », simple et efficace.

Il me restait maintenant moins de vingt-minutes avant leur prochain appel. Pour m'occuper l'esprit et parer à un nouvel assaut d'angoisse, je fis quelques recherches sur internet, histoire de voir comment était relayée la prise d'otages dans les médias. Je n'y appris rien de spécial hormis les revendications des terroristes, transmises par l'intermédiaire du négociateur des F.I. Ces hommes demandaient à ce que Marco Bott soit exfiltré de l'hôpital de Trost et transféré dans une clinique à l'étranger, juste au-delà de la frontière, probablement pour que les procédures judiciaires à son encontre soient drastiquement ralenties, voire carrément abandonnées. Cela signifiait donc que Marco était en lien avec ces hommes. Au mieux, cela faisait de lui un complice, au pire un terroriste. Me revint en mémoire son visage emplit de douceur sous ses tâches de rousseur. M'étais-je fait embarquée par « sa gueule d'ange » comme le commissaire semblait le penser ?

Sa voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant