L'invitation

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Pov Ava

8h30. Je baillai à m'en décrocher la mâchoire en passant les portes du service. Sans surprise, je n'avais pas réussi à me rendormir suite au dernier sms de l'inconnu. J'avais tourné et viré sous ma couette, repensant encore et encore à ces messages qui n'avaient strictement aucun sens. Qui était cette personne ? Pourquoi m'avoir envoyé ses vœux pour ensuite refuser de me donner son nom ? Pourquoi les derniers sms avaient-ils un ton si cassant ? Pourquoi étais-je aussi abattue qu'hors de moi ? A l'arrivée du petit matin, après d'interminables ruminations, j'avais pris une décision : aujourd'hui, je contacterai Larry. Il était temps de me confronter à la vérité même si mon ventre s'en tordait d'angoisse.

J'avais d'abord pensé appeler mon ancien chef de service au cours de l'après-midi. Mais durant les transmissions matinales avec l'équipe soignante, je me rendis compte que mon état de nervosité était tel qu'il m'empêchait de me concentrer sur quoi que ce soit. Je ne pouvais pas me permettre de rester plus longtemps dans cet état. Pas quand j'étais au boulot. Mes collègues et les patients risquaient d'en pâtir. Ainsi, aussitôt la réunion terminée, je filai dans le bureau des internes pour m'isoler et contacter Larry avant que Bertholdt ne débarque.  

- Allô, fit une voix familière à l'autre bout du fil.

- Larry ? C'est Ava.

- Ah, bonjour, Ava ! , lança-t-il d'un ton guilleret. Que me vaut le plaisir ?

Mon cœur se serra. Je pris une profonde inspiration pour tenter de poser ma question d'une traite, sans bafouiller et d'un air parfaitement dégagé.

- Je me demandais : l'homme des Forces d'Intervention dont vous vous êtes occupé, avez-vous eu un compte-rendu ou un quelconque retour de la part de l'hôpital militaire où il a été transféré ?

Larry laissa échapper un petit hoquet amusé.

- Il t'en a fallu du temps, ma grande ! , dit-il à voix basse.

- P... pardon ? , bafouillai-je, complètement décontenancée par sa réaction.

- J'ai son compte-rendu d'hospitalisation sur mon bureau depuis plus de deux mois. Je me demandais quand tu allais enfin te lancer.

La langue coupée sous le coup de la stupeur, Larry profita de mon mutisme pour enchaîner :

- Je m'excuse de ne pas t'en avoir parlé avant mais ... tu semblais vouloir complètement éluder le sujet. Alors j'ai trouvé plus sage d'attendre que tu fasses le premier pas, quand tu serais prête.

- Je ... je ne sais pas quoi dire ...

Larry partit d'un rire franc cette fois-ci. 

- Alors ne dis rien. Je te faxe le compte-rendu immédiatement.

- Merci, marmonnai-je, un peu piteuse.

Après avoir raccroché, je vins me planter devant le fax de la salle de soins et attendis en mordillant nerveusement mon pouce. La machine se réveilla soudain et émit quelques bips annonciateurs de l'arrivée du compte-rendu. Lorsque celui-ci fut imprimé, je le récupérai à la hâte en prenant grand soin de ne rien en lire. Je le pliai sans ménagement et le fourrait maladroitement dans ma poche avant de regagner mon bureau. Jamais le chemin ne m'avait semblé aussi interminable. Lorsque je m'installai enfin sur mon siège, je tirai le compte-rendu de ma poche et dépliai le précieux papier d'une main tremblante. J'avais le souffle court. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine.

Le courrier du service de réanimation était en date du 4 octobre. Mon attention s'accrocha d'abord sur l'identification du patient : « Levi ACKERMAN, né le 25/12/1985 (33 ans) ». Mon cœur, déjà bien malmené, loupa un battement à la découverte de sa date de naissance. A ce simple détail, je compris. Avant même de lire la suite du compte-rendu, je compris. A la seule mention du 25 décembre, tout s'éclaira dans mon esprit. Mes yeux sautèrent directement à la conclusion du courrier et ce que j'y lus ne fit que confirmer ce que mon intuition m'avait déjà soufflé : Levi était vivant ... et ces fichus sms étaient de lui. J'en étais sûre !  Une lecture plus approfondie du courrier m'informa qu'il était sorti de réanimation après plus de trois semaines de coma. La balle reçue ayant endommagé le fémur et provoqué des lésions musculaires, une rééducation avait été programmée après un rapide passage en chirurgie. Une fois le courrier relu à trois reprises, je reposai le papier froissé sur mon bureau et tentai de faire le point. Comment me sentais-je, au juste ? Un mélange de profond soulagement, d'appréhension, de frustration ... mais de colère aussi. Pourquoi me contacter pour finalement se montrer si dur ? J'ouvris mon téléphone et relus notre échange de la veille. Ce n'est qu'à cet instant que ses derniers mots m'apparurent dans toute leur épaisseur : « Ne perdez pas votre temps. Vous méritez mieux que ça ». Quelle estime cet homme avait-il de lui-même pour me balancer un truc pareil ? Et moi, avais-je envie de suivre ses conseils ou bien d'aller jusqu'au bout de ma démarche pour le retrouver et lui dire de vive voix ce que j'avais sur le cœur ? Je n'étais vraiment pas du genre à m'imposer dans la vie d'une personne, bien au contraire, mais j'avais la sensation que je perdrai beaucoup si je passais à côté de l'opportunité de lui parler, une bonne fois pour toute. A cette pensée, je me décidai finalement à répondre à son dernier sms. Un message court ... et légèrement provocant : 

Sa voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant