Chapitre 20

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Je suis sortie de l'hôpital aujourd'hui. Cela faisait une semaine que je m'étais réveillée et je suis enfin sortie, avec des béquilles. Une fille est morte lors de cette soirée. Elle s'était évanouie dans une des chambres et personne ne l'a cherchée, tout le monde a déguerpi au plus vite. Je ne la connaissais pas vraiment mais j'ai ressenti un pincement quand je l'ai appris. Ça aurait pu être moi. Je suis donc la seule à avoir été gravement blessée, les autres n'ont dû passer qu'un ou deux jours à l'hôpital pour s'assurer que tout allait bien. C'est pour cela que je suis le centre des conversations quand j'entre dans le bahut, accompagnée de Tyler et James. Je rejoins la bande pour essayer de me fondre dans la masse mais les regards et chuchotements me suivent de partout. Ça va, j'ai l'habitude. La cloche sonne et on va en tous en cours. J'arrive en retard à cause de mes béquilles mais ne m'excuse pas. J'ouvre juste la porte, hoche la tête en direction de la professeure de français et vais m'assoir. Je le vois. Avachi sur sa table, son sac toujours sur son dos, ses traits noirs sous ses yeux. Et sa lèvre fendue et son bleu sur la joue. Je fais vite le rapprochement entre la blessure d'Aspen et celles de Noah ainsi que la remarque de mon petit copain « officiel » : Oh, je me suis battu avec un imbécile, c'est rien. L'imbécile était Noah. Peut-être qu'Aspen est au courant pour le bisou. Peut-être qu'il sait et qu'il ne fait comme si de rien n'était.

« - Cameron, je suis tellement contente de vous voir ! s'exclame la prof.

- Euh, oui, moi aussi.

- Vous avez raté pas mal de choses, mais je pense que vous pourrez rattraper assez vite, dit-elle en sondant la classe de son regard perçant. Noah, sortez vos affaires. Une semaine que vous agissez comme ça, je ne pourrai pas le supportez une fois de plus ! crie Mme Dupuis. »

Je me souviens alors que Mme. Dupuis parle en anglais, notre langue, que quand elle est énervée. Noah est depuis des jours dans cet état-là ? J'espère que Aspen n'y est pour rien mais, au fond, je ne vois pas quoi d'autre pourrait lui faire cet effet.

Je suis le cours assez distraitement. J'ai toujours aimé regarder par la fenêtre, voir le temps changer, la pluie laisser place au soleil et vice-versa. C'est là que la leçon prend une tournure plus intéressante. Je vois la professeure bouillonner de rage, se déplacer – ou plutôt, on dirait qu'elle est si en colère, qu'elle lévite au-dessus du sol – pour se retrouver devant le bureau de Noah. Je me retourne – comme toute la classe évidemment – pour assister à l'échange qui va suivre. Le sac de Noah n'est plus sur lui, mais au sol, même si aucune de ses affaires sont sorties, et il regarde à travers la fenêtre, les yeux vitreux. Elle pose la main violemment sur sa table, ce qui le fait sursauter. C'est là qu'elle hurle comme elle ne l'a jamais fait dans cette classe. Même pas avec moi, alors que j'étais bien pire que lui. Je ne comprends pas vraiment, sa colère envers lui, j'étais le démon, et elle n'a jamais vraiment réagi. C'était peut-être ma situation qui faisait qu'elle avait pitié de moi. Noah était parfaitement concentré avant que je bouleverse son équilibre, ce qui doit vraiment la décevoir. Peut-être qu'elle pense qu'un bon choc lui ferait retrouver l'éclat dans ses yeux. L'ombre consistante d'un sourire sur ses lèvres. Le léger froncement de sourcils quand il se concentrait. Alors, elle lui dit à quel point il devient l'épave du luisant navire qu'il était, qu'il devient décevant. C'est là que mon oreille tique.

« - C'est ça que tu veux ? Devenir comme elle ? »

Elle l'a dit en français, exprès pour moi, pour que les autres ne comprennent pas, étant donné leur niveau. Je crois qu'elle le pensait depuis bien longtemps mais que cela lui a échappé. Je pensais qu'elle croyait en moi, mais apparemment ce n'était qu'une façade. J'ai bien compris qu'ici, tout n'était question d'apparence. Mais, je ne peux plus prendre soin de la mienne, maintenant. Je ramasse mes affaires avec difficulté et fais la sortie la plus minable de tous les temps.

Cameron 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant