9 - Evan

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Le lendemain matin, je sors de chez moi sous une pluie torrentielle. Je grelotte sous mon pull. Je ne pensais pas qu'il ferait aussi froid.

Je marche dans les petites rues de Marseille jusqu'au lycée quand je croise Léonor qui vient à ma rencontre. Je l'interpelle :

– Qu'est-ce que tu fais là ? Je suis sensé te rejoindre devant chez toi, normalement.

– J'étais partie en avance, écoute...

– Qu'est-ce qu'il se passe Léo ?

– Je me suis emboucanée avec ma mère. Elle veut pas que j'aille voir Lycia, tu sais, la fille d'une de ses potes.

– La toulousaine ?

– Oui, elle. Franchement j'en ai marre. Je pourrais juste prendre un train pour aller sur Toulouse, mais non, je peux pas.

– Pourquoi ?

– Oh bah tu sais, le discours habituel. "Et c'est dangereux, et t'es une jeune fille qui peut pas se défendre, et patati, et patata..."

– Je comprends.

J'hésite un instant puis reprends, inquiet :

– Bon, je veux pas te presser mais on va être en retard, là.

Elle acquiesce et nous prenons le chemin du lycée dans un silence pesant.

Nous arrivons devant l'établissement Thiers et passons les grilles, saluant au passage le principal adjoint. Nous nous dirigeons maintenant vers notre endroit habituel : le fond de la cour, sur le muret.

– Punaise, je commence par maths avec Mr Lacrais, j'en ai marre.

– Tu m'étonne. Moi, c'est espagnol avec la vieille barge. Elle va encore me crier dessus, j'suis sûr que j'ai raté mon éval'.

Léo s'apprête à répondre mais la sonnerie retentit.

– J'te laisse, j'ai pas envie qu'elle m'engueule dès le début du cours.

– A tout à l'heure !

Je fais un signe de main à mon amie avant de partir retrouver ma classe.

Après avoir fait l'appel, la vieille prof d'espagnol passe dans les rangs pour nous rendre nos contrôles.

– Ludovic, 19/20. Très bien. Antoine, 17/20. Tu t'améliores, c'est bien. Evan, 8/20. Lamentable.

A ces mots, toute la classe éclate de rire et murmure dans mon dos. Je ne suis déjà pas très doué à l'école, mais pour les langues c'est encore pire. Je sais qu'ils se moquent de moi, mais je n'y fais plus attention avec le temps. Je m'en fiche, j'ai mes amis... Bon, c'est vrai, plutôt mon amie, mais en dehors du lycée j'appartiens aux Alliés Visionnaires donc... j'aime bien ma vie quand même. Et puis j'ai toujours Loan.

La prof continue son appel de notes, inlassablement. C'est maintenant au tour Zack.

– 3/20, annonce la prof. Pitoyable.

En récupérant sa copie, Zack a presque un air de fierté accroché à son visage parfait. Bizarrement, personne ne se moque de lui. En même temps, Zack fait partie intégrante de la bande de Ludo. Tout le monde le respecte. Bah, après tout, s'il veut ne faire aucun efforts et que tout ça lui passe au-dessus de la tête, c'est son problème. Il a déjà redoublé la 3°, il sait ce qui l'attend s'il n'a pas les notes suffisantes. Mais bon, vu le métier qu'il projette de faire... Je ne suis pas sûr que testeur de jeux vidéos ne demande de grandes études.

A la fin du cours, la sonnerie retentit pour la deuxième fois de la journée. Je range mes affaires en vitesse et me lève pour me diriger vers le cours de Mr Lacrais. Je croise Léonor devant sa salle. C'est pour cette raison que je me suis dépêché de partir.

– Alors ce cours d'espagnol ?

– Bah, 8/20 et quelques ricanements, la routine.

– Pffff... ils sont pas possibles. Ludo pourrait faire un effort, quand même. Il abuse.

– Et toi avec Lacrais ?

– Tu verras par toi-même, termine Léo, dépitée.

J'entre dans la salle de classe et tente de saluer le professeur, mais ce dernier me regarde de haut avec son air blasé habituel. J'en ai marre de ce lycée et de ces profs inexpressifs, sérieusement. Je sors mes affaires et m'installe pour deux heures de cours ennuyeuses.

Je ressors de la classe, saoulé. Mr Lacrais n'a pas arrêté de me rabaisser alors que les maths est l'une des seules matières dans laquelle je suis performant. Je passe en trombe devant Ludo et ses amis et me dirige droit vers le muret. Léonor arrive quelques minutes après moi seulement, énervée elle aussi.

– Les deux heures de français avec Vachaut étaient interminables, j'en peux plus. En plus, Hema faisait que de me faire des réflexions sur toi et moi, j'te jure j'avais vraiment envie de la tarter.

J'éclate de rire. C'est rare que Léo s'énerve à ce point. Hema est vraiment l'une des seules personnes à pouvoir la pousser à bout.

– Et toi, ta matinée ? Pas trop de soucis avec les potes débiles de monsieur Ludovic ? sourit-elle, mi-amusée, mi-agacée.

– Pas trop de changements. Toujours Zack le fier et Lacrais, son compère. C'est vrai qu'ils m'ont bien agacé ce matin, mais je rentrerai pas dans leur jeu. Sauf si je peux leur faire une petite pique bien placée, là je dis pas non, j'ajoute en riant.

Léo rit à son tour puis se reprend.

– On va bientôt manger, non ? Tu viens ?

J'acquiesce et marche derrière elle vers la cantine. C'est une grande pièce aménagée pour à peine la moitié du lycée. On ne peut clairement pas tous manger en même temps. Léo et moi essayons souvent de passer dans les premiers, sauf si les amis idiots de Ludo et Emilien sont dans les parages et qu'ils se mettent à nous moquer bêtement, comme en ce moment.

– Bon, repli ? je demande à Léo, amusé par la situation. Pour eux, je suis inatteignable. Comme toujours.

– On dirait bien, répond-elle avec un sourire provocateur pour Zack et Hema. On reviendra plus tard, je crois.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant