La mission est simple : récupérer le maximum de victimes à l'intérieur du désastre.
Après la consolation de l'équipe de Clem' et les quelques directives donné par Raph', Alex et moi nous enfonçons dans l'université inondée avec nos pompes de refoulement, nos sacs de sable et nos tuyaux pour évacuer un maximum d'eau. Nous appelons le nom des collègues, ou nous crions :
– Les pompiers sont là ! Ne vous inquiétez plus !
Soudain, je vois Alex s'arrêter net. Il vient d'étouffer un cri. Je m'approche et vois une jeune fille d'une vingtaine d'années par terre la bouche ouverte, les yeux fermés. Dans d'autres circonstances, je dirais qu'elle dort. Mais étant donné la raison de notre venu, je ne crois pas, ou du moins elle dort pour toujours. Je donne mon seau de sacs de sable à Alexandre et attrape la jeune femme. Je la mets sur mon dos et nous rebroussons le chemin jusqu'à l'entrée.
Nous déposons la jeune femme à l'entrée. Je vois une femme âgée et un homme qui doit être son mari se précipiter vers nous. Je me doute que ce sont ses parents, qui va leur annoncer la mauvaise nouvelle ? Comme en écho à mes pensées, Alex détale, me laissant seul face à la victime et ses parents. Encore rouges et essoufflés de leur course, les parents me posent la fameuse question :
– Est-ce qu'elle va s'en sortir ?
Mais avant que je puisse leur répondre, les arbres qui sont en face de l'école tombent. Je vois alors une silhouette rouge écrasée sous l'un d'eux. Je me mets à courir vers la victime qui fait partie de nos rangs, avec la peur au ventre de savoir qui se trouve sous cet uniforme. Je découvre que c'est Jules.
Son corps est écrasé et son visage en sang, il vient de rejoindre le ciel. Lui qui venait d'avoir seize ans, lui le fier, lui l'amoureux perdu et lui le narcissique, il vient de nous quitter.
N'en pouvant plus de voir mes collègues, des civils, mourir un à un, je retourne auprès des parents de la jeune femme pour leur annoncer la nouvelle, même si à mon avis, ils l'on déjà comprise. Mais je dois le faire, pour eux, pour elle, pour nous les pompiers. Je prend mon courage, regarde la jeune femme et leur dit :
– Vous le savez, mais dans mon contrat c'est noté, je dois le dire... Il n'y a plus rien à faire pour votre fille.
Des larmes apparaissent dans les yeux de la mère, le regard du père devient vitreux. J'ai l'impression qu'il va s'effondrer devant moi tellement son teint devient pâle. Je détourne le regard, j'entend d'une voix frêle, c'est sa mère. Elle me dit :
– Elle s'appelait Sarah, Sarah Dubois.
Puis elle s'effondre en larmes sur le corps de sa fille. Son père me jette un regard de haine, de compassion mais aussi avec beaucoup de tristesse. D'un ton solennel, je reprends la parole :
– Je suis désolé pour vous, mais je dois vous laisser.
Je pars sans leurs adresser un regard de plus, j'ai honte, j'ai honte d'être arrivé trop tard. J'aurais peut-être pu essayer de la réanimer. Même si je savais au fond de moi qu'elle était déjà partie depuis longtemps.
Je rejoins Alex. Sa mine est défaite, ses yeux sont gonflés et rouges. Il a pleuré. Tout en marchant vers l'université, il fixe ses rangers. Il se stoppe net, instinctivement je baisse les yeux mais je ne vois que le bitume du sol. Enfin, il dit :
– Tu sais, même si c'était le plus gros des connards, le plus narcissique de la planète, Jules restait un JSP avant tout, un JSP avec lequel j'ai partagé beaucoup de choses, et je mentirais si je disais que je ne l'aimais pas. C'était mon pote, avec qui j'ai partagé les quatre meilleurs années de ma vie.
Puis il se met à pleurer tout en avançant. Tout ce que je trouve à faire, c'est de le prendre par le bras. Nous avançons comme ça jusqu'à l'entrée de l'université.
Durant tout le reste de la journée, nous avons ramené des victimes de l'intérieur vers l'extérieur, et annoncé leur mort aux proches. Et pour ceux qui n'avaient pas de proches sur les lieux, nous devions chercher leur identité, contacter leurs proches et annoncer leur mort au téléphone.
Puis, après avoir évacué une centaine de victime dont la moitié avait rendu l'âme, nous nous occupons de vider l'eau. Armés de nos tuyaux, nous écoulons l'eau. Grâce au nombre de personnel mobilisé et de camions apportés, les tuyaux sont nombreux, ce qui nous permet de relier l'université à la Garonne.
Malgré toutes les personnes présentes sur les lieux, toute l'équipe est d'accord pour dire qu'il y avait bien trop peu de personnel face à la gravité de l'intervention.
Le moral à zéro, les larmes au coin de l'œil, voilà le bilan de l'intervention qui va marquer l'esprit de la caserne.
Il est minuit passé, les victimes ne sont plus là, l'université est vidée de toute son eau et la moitié des pompiers pleurent les disparus de leurs rangs. Au loin, j'aperçois Clémentine dans les bras de Raphaël, leurs casques posés par terre. Les pauvres, une bonne partie de l'ancienne équipe des Jeunes Sapeurs Pompiers y est passée aujourd'hui, Jules, Jonathan et Emy...
– Quelle rude journée...
Je me retourne surpris et vois Maya avec les joues roses, elle vient sans doute de pleurer.
– Tu l'as dit...
Il fait noir, puis dans le grésillement du talkie de Clém' annonce que l'on doit ranger le matériel. Alors tout le monde aide au rangement, le visage triste, les yeux rouges et gonflés. Je dois dire que je ne connaissais pas vraiment les morts, sauf Jules peut-être, mais il m'inspirait une telle aversion que je n'ai aucune envie de le pleurer aujourd'hui. Je sais que je vais regretter d'avoir pensé quelque chose comme ça mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur sa mort maintenant. Il faut agir, et les autres sont déjà assez touchés par les catastrophes de la journées. Je dois garder la tête haute pour eux, c'est la moindre des choses.
Alors j'attrape un tuyau, je l'enroule autour de mon bras et me dirige vers le Fourgon Pompe Tonnes pour le ranger. Là bas, je croise Raph' qui me dit :
– Tu tiens le coup ?
– Euh ouais... Genre après j'étais pas hyper proche de lui... je réponds avec hésitation.
– Je comprends... Il y aura surement des funérailles nationales. T'y seras ?
– Sûrement.
Puis je le laisse là et marche vers le centre, j'ai besoin de parler à quelqu'un, peu importe qui. Virginie, Lycia, Eden... Mon choix s'arrête sur Lycia. Alors je l'appelle et prie pour qu'elle décroche.
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Khoa học viễn tưởngUNE NATURE SOUMISE Elle reprend les rênes de la vie, va changer les règles du jeu. Les humains regretteront d'avoir inventé le mot « pollution ». DEUX ADOS UNIS Ludo et Evan sont amis depuis l'enfance et feront face à la révolution naturelle. Ils vo...