11 - Evan

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Le lendemain matin, je me rends au lycée sous un soleil de plomb. La météo change vite, ces temps-ci. Je continue ma route quand, soudain, une pluie de feuilles me tombe dessus. J'ai à peine le temps de lever la tête qu'une branche me frôle, achevant sa chute sur la route qui borde le trottoir. Surpris, j'accélère, espérant que ce soit juste un accident. Mais une deuxième branche tombe près de moi alors que j'arrive près de chez Léonor. La voyant devant chez elle, je cours pour la rejoindre, paniqué. Elle demande :

– Evan, qu'est-ce qui ne va pas ? T'as vu ta tête ? On dirait que t'as vu un fantôme.

Elle peut bien se marrer tant qu'elle veut, moi ça ne me fait pas rire du tout cette histoire. Des branches qui tombent des arbres, comme ça, sans prévenir ?

– Et oh, tu me réponds quand je te parle ?

– Oui oui, excuse-moi. C'est juste que...

Je suis interrompu par un bruit de bois qui craque. Léonor lève la tête juste à temps pour voir la branche s'écraser à nos pieds quelques instants plus tard.

– OK, j'ai compris pourquoi t'avais l'air inquiet. Viens, il faut en parler aux autres.

J'acquiesce et nous reprenons le chemin du lycée.

Une fois arrivés, nous nous dépêchons d'entrer dans l'établissement à la recherche de nos amis.

– Vite, il faut les trouver, dis-je précipitamment.

Soudain, j'aperçois Ludovic et Emilien au milieu de la cour, entourés de Célia, Zack et plein d'autres de leurs amis idiots. Je leur fait un signe de la main pour les inviter à venir nous rejoindre. Ludo voit vite à ma tête que c'est important. Je le vois adresser deux mots à Emilien puis les deux se libèrent de leurs admirateurs pour s'approcher d'un coin de la cour où personne ne va jamais. Je prends Léonor par le bras et emboîte le pas à Ludo.

– Alors, il se passe quoi ? demande ce dernier.

– En venant, tu sais, le chemin est bordé d'arbres.

Il acquiesce en silence.

– Trois branches ont failli nous exploser la tête, lâche Léonor.

Emilien nous lance un regard interloqué avant que je reprenne la parole :

– C'est super bizarre, vous trouvez pas ? En plus il fait super chaud aujourd'hui, alors qu'hier il pleuvait des cordes.

Je vois Ludo et Emilien s'échanger un regard que ni Léo ni moi ne pouvons comprendre.

– Qu'est-ce qu'il se passe ?

Ludo hésite puis se lance :

– Vous savez, Nona est morte récemment.

Coup d'oeil douloureux à Emilien.

– Quand on était petit, une fois, elle nous avait dit « Si je meurs un jour, ça voudra dire que la nature n'a plus besoin de moi. »

– Vous pensez que ça a un lien avec ce qui se passe en ce moment ? je demande.

– Moi perso, je pense que oui parce que depuis la mort de... Tout part en couilles !

Emilien semble réfléchir un instant avant de dire :

– T'as raison, y'a forcément un truc ! Je sais pas moi, un pressentiment de Nona, le monde qui décide tout à coup de l'écouter, n'importe quoi !

– Elle avait pas une croyance dans sa famille ou un truc dans le style ?

– Non, pas que je sache..., répond Emilien. Quoi que... Attends, si, pas vraiment une croyance mais elle m'a souvent dit qu'elle voyait des choses étranges en rêve. Tu crois que c'est ça ? Elle était un peu malade alors...

– Ouais, ça vaudrait le coup de faire des recherches et savoir s'il y a d'autres personnes comme elle, non ?

– Sûrement. Quelqu'un a la 4G ?

– Moi, à tous les coup je suis le seul, intervient Ludo.

Je rigole.

– Évidemment, qui d'autre ici est le fils d'une riche famille de médecins ?

– Ah. Ah. Ah.

Tout le monde rigole quand Ludo sort son téléphone en soupirant.

– Donc... Je tape quoi ?

– Essaie "rêves prémonitoires" pour voir, propose Emilien.

– « Un rêve prémonitoire présente au rêveur des événements qui vont se passer dans le futur. Même si ce cas peut sembler improbable ou fantaisiste pour certains, il fait l'objet d'études sérieuses et intrigue les scientifiques comme les rêveurs curieux de ce phénomène insolite. »

– Quoi d'autre ? demande Léo, fascinée par ce que rapporte Ludo.

– Hum... « Le rêve prémonitoire est caractérisé par son intensité et comporte des éléments souvent négatifs. Des thèmes communs sont les accidents, la mort d'une personne proche, une catastrophe naturelle, une maladie. » Vous voyez, ça correspond ! Une catastrophe naturelle, c'est exactement ce qui est en train de se passer !

– Tu crois ? je demande, absolument pas rassuré par tout ça.

Ludo ouvre la bouche pour me répondre mais il est interrompu par la sonnerie du lycée, qui retentit soudain dans toute l'enceinte de l'établissement. Ludo soupire et range son téléphone dans la poche de sa veste.

– Bon, viens Emilien, on y va. On se retrouve tout à l'heure ?

– Si ces messieurs veulent bien se donner la peine de laisser leur petite troupe pour consacrer quelques minutes à leurs meilleurs amis, alors pourquoi pas, plaisante Léo.

– Bon bah à tout à l'heure alors.

Nous nous séparons en direction de nos cours respectifs. Même si je suis dans la classe de Ludo et Emilien, je ne peux pas arriver avec eux. C'est mauvais pour leur réputation. Et honnêtement, je m'en fiche. Je n'ai aucune envie de devoir traîner avec Zack et Célia, donc ça me va bien.

– Léo, tu penses vraiment que la grand-mère d'Emilien avait prédit tout ça ?

– Je ne sais pas. Sincèrement, je ne sais pas. Elle n'ai pas dit quand chose, seulement que la nature n'aurait plus besoin d'elle, alors...

Elle fait une pause puis reprend, pensive :

– Et puis, je n'ai pas vu Nona beaucoup de fois mais elle avait l'air un peu folle. Tu sais, pas cet air de folle à lier un peu bizarre et effrayante, ce genre de folle super gentille qui donne tout aux autres sans se soucier de sa propre santé.

J'acquiesce en silence. Léo peut avoir des réflexions tellement intelligentes et philosophiques, parfois.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant