12 - Ludo

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Réveillé par le bruit de la pluie qui tombe sur ma fenêtre, je sors de mon lit et enfile un pull. Je descends les escaliers et me dirige vers le frigo. Avant d'ouvrir la porte, je vois un post-it collé dessus. Je me penche et le lis :

Comme tu as pu le remarquer, la nature change, la météo n'est plus constante. Ton père et moi avons décidé de vous congédier de cours jusqu'à ce que nous trouvions un solution pour échapper à ce changement.

Mes parents sont complètement fous ou quoi ?! Mais après, je repense à la discussion d'hier avec Evan et Léo qui ont failli être assommés par des branches. Je ne voudrais pas qu'Harmony finisse écrasée sous un tronc d'arbre.

Je laisse le post-it et remonte à l'étage. Avant de retourner dans ma chambre, j'entre doucement dans celle de ma sœur. La lueur de l'aube éclaire légèrement le mur. Je la vois allongée, elle dort paisiblement. Ayant peur de la réveiller, je sors et referme discrètement la porte. Arrivé dans ma chambre, je m'installe sur mon bureau, allume mon ordi et commence les recherches sur la maladie de Nona.

Un peu plus tard, j'appelle Emilien pour lui faire part de mes trouvailles.

« Salut mec !

– Salut, mais pourquoi t'es pas au lycée ?

– Mes parents... Enfin bref, là n'est pas le sujet. J'ai fait des recherches à propos de la discussion d'hier sur ta grand-mère. Et je pense qu'elle était atteinte d'onei-ro-phré-nie.

– Oneiro... Quoi ?

– Oneirophrénie. Je te lis les symptômes ?

– Ouais vas-y.

– L'oneirophrénie est un état causé par divers facteurs tels qu'une agrypnie  prolongée, une privation sensorielle  ou les drogues (comme l'ibogaine). Le terme vient des mots grecs oneiro, « rêve » et phrenos, « esprit ». Elle possède les caractéristiques de la schizophrénie, tels qu'un état de confusion et de manque de conscience, mais sans aucune présence des symptômes de dissociation typiques à ce trouble.

Je fais une pause puis reprends :

– Les individus affectés par l'oneirophrénie ont un sentiment de perte de réalité dans lequel, dans de sévères cas, ils peuvent pas la suite souffrir d'illusions et d'hallucinations. Il est estimé à 50 %, ou plus, le taux de patients schizophrènes présentant des caractéristiques d'oneirophrénie.

– Tu peux dire merci Wikipédia, non ?

– Ah. Ah. Ah.

J'entends la sonnerie du lycée retentir à l'autre bout du fil.

– Bon, je dois y aller, mais c'est cool ! Je préviens les autres et on te rappelle plus tard. Allez, à plus !

– A plus mec. »

Avant que je ne finisse ma phrase, il a raccroché. Je pose mon téléphone sur mon bureau d'un air pensif. Puis ma sœur déboule en furie dans ma chambre. Calmement, je lui demande :

– Que se passe-t-il encore ?

En guise de réponse, elle me tend le post-it.

– C'est quoi ce délire ?

– Écoute, une journée sans cours, y'a rien de mal à ça...

– Oui mais pour eux ce n'est pas qu'une journée, c'est toute la semaine, et encore ! me répond-elle furieusement.

– Bon, viens. Comme nous avons la journée devant nous, je te propose de choisir le programme.

Un sourire revient illuminer son beau visage. Nous descendons tous les deux prendre notre petit-déjeuner. Je suis en train de finir mes céréales quand j'entends mon portable sonner. Je monte les escalier quatre à quatre et sprinte vers ma chambre. J'arrive juste à temps pour décrocher.

« Allô ? je fais, tout essoufflé.

– Ouais, c'est Emilien, attends je te mets en haut parleur. Je suis avec les Alliés.

Puis j'entends plusieurs voix. Je reconnais notamment celles d'Evan et Léo, noyées dans le flot des élèves qui se pressent autour d'eux dans la cour et de la pluie torrentielle qui se déchaîne derrière eux.

– Alors, du nouveau ? demande soudain Evan.

– Non les gars, moi j'étais en train de petit-déjeuner. Genre tranquille.

Rires à l'autre bout du fil.

– Mais si, Emilien nous a dit que t'avais trouvé un truc, l'onei-bidule là, continue Léo.

– Ahh, il vous a pas raconté ?

– Non mais attend mec t'as vu le nom de la maladie aussi ?

– En gros j'ai fais des recherches, en fonction de mes souvenirs du comportement de Nona et de ses phrases chelou, et de notre discussion d'hier aussi. J'ai trouvé une maladie qui lui correspondait plutôt bien... Elle s'appelle.... oneirophrénie. Donc Nona aurait été oneirophrène.

– Et c'est quoi les détails de la maladie ? Genre les symptômes, les conséquences, tout ça ? Le rapport avec les rêves prémonitoires ? continue Evan.

– Hallucination, perte de la réalité, illusions, état de confusion et manque de conscience. En fait, c'est la même chose que la schizophrénie mais sans la dissociation des proches.

– Pas mal. J'avoue, ça pourrait bien être ça, reprend Léo. Mais, Emilien, ta grand-mère n'est jamais allée chez un médecin ou un truc comme ça ?

– Attends, j'ai aussi lu que cette maladie n'est plus en actuelle utilisation. J'imagine que ça veut dire qu'ils ne détectent plus de patients comme ça.

– Il faut savoir que dans la culture de Nona, personne n'allait chez le médecin. Avant, ils n'avaient pas les moyens, intervient Emilien.

– Ça pourrait expliquer pas mal de choses. Elle n'aurait pas pris ça en compte ou, je ne sais pas moi, peut-être qu'elle aurait pensé que, étant vieille, ce n'était pas grave, je conclus.

– Elle-même disait que la nature se débarrasserait d'elle quand elle ne pourrait plus lui être utile, continue Emilien.

– Elle croyait beaucoup en cette idée de "la Nature avec un grand N, qui pense et qui a créé la vie autour d'elle", j'ai l'impression, constate Léonor.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant