14 - Ludo

7 1 0
                                    

Hier soir, en pleine partie de Wii, mes parents sont venus nous dire que l'on part pour Toulouse aujourd'hui. Ma première réaction a été de dire :

– On va déménager... ?

Et ils m'ont répondu que c'était seulement temporaire. Puis ma soeur s'est mise à pleurer. Voilà où j'en suis. Dans la voiture en regardant le paysage défiler derrière la vitre. Impuissant face à l'idée du "déménagement temporaire".

Je repense à l'appel d'Evan hier, après leur avoir annoncé j'ai eu l'impression étrange que ça ne les a pas choqué ou blessé comme moi. Partir sans savoir si on reviendra un jour, voilà ce qu'a dit le regard de ma mère. Le paysage de Marseille va me manquer. La mer, l'accent, les mots bizarres, le port, mes souvenirs mais surtout les Alliés Visionnaires. Sans eux, je sais pas comment je vais faire. Bref, ce nouveau départ n'annonce rien de bon. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreille et lance ma playlist tout en regardant le paysage marseillais défiler pour une dernière fois.

– Enfin arrivés, lâche mon père dans un soupir.

Ma soeur et ma mère se précipitent immédiatement à l'extérieur de la voiture tandis que j'essaye de capter le wifi de la ville rose. Mon père, lui, tente de trouver la bonne porte d'immeuble. Je recherche toujours la connexion quand mon père s'écrit

– Les enfants, j'ai trouvé !

Nous nous approchons de lui, puis il appuie sur un bouton. Il y a un petit grésillement et une voix bienveillante nous répond :

« Oui, je vous ouvre. C'est au 3ème étage, prenez l'ascenseur. »

Puis elle raccroche et un déclic se fait entendre. Il vient de la porte. Mon père la pousse et on entre dans le hall d'accueil de l'immeuble, propre et scintillant, qui démontre un certaine richesse. Sur la gauche, un ascenseur nous attend. Nous rentrons à l'intérieur et j'appuie sur le chiffre 3, qui est le dernier du clavier. Les portes se ferment, l'ascenseur commence à monter. La montée est accompagnée d'un musique... euh... une musique d'ascenseur, quoi ! L'arrêt se fait en douceur, les portes s'ouvrent sur un couloir avec cinq portes. Mon père se dirige vers l'une d'elles, la numéro 2. Le sol est en tapis rouge et les portes en bois foncé lisse. Les numéros sont couleur or.

Il toque et une femme d'une trentaine d'années nous ouvre. Elle a les cheveux blond platine comme ma soeur et de grands yeux vert clair. Mon père est le grand frère, celui qui as tout réussi : amour, famille, métier. Elle à l'air plus artiste, solitaire mais gentille. Elle nous regarde tour à tour avant de prendre la parole :

– Entrez, bienvenue dans votre nouveau chez vous !

Ma tante s'efface pour nous laisser entrer.

Son appartement est juste gigantesque ! Il y a d'abord un grande salle en trois parties : un salon avec une table qui peut accueillir une dizaine de personne, un coin canapé avec une télé écran plat et une cuisine américaine. Mais ce n'est pas tout, il y a un deuxième étage ! Coupant court à mes pensée, ma mère nous présente notre nouvelle hôte.

– Bonjour Léane, merci de nous accueillir !

– Mais de rien, c'est avec grand plaisir !

– Les enfants, je vous présente Léane votre tante paternelle.

Harmony et moi saluons notre tante, puis les parents repartent dans une discussion "d'adultes". Alors je glisse à l'oreille de ma soeur en souriant :

– Tu viens, on va voir ce qu'il y a à l'étage.

Elle me répond d'un regard brûlant de curiosité, puis elle tourne la tête vers Léane et baisse les yeux. Ok, je vois, on n'est pas chez nous donc on ne peut se déplacer sans en avoir l'autorisation. Soudain, Léane nous jette un coup d'oeil et dit :

– Les enfants, je suis sûre que vous mourrez d'envie de connaître votre chambre. Montez à l'étage, c'est la première porte à gauche.

Nous la remercions et filons en haut.

L'escalier donne sur une mezzanine où il y a un écran et une PlayStation 4, ce qui fait briller mes yeux. A côté de ça, une grande bibliothèque dans laquelle je ne mettrai jamais les pieds occupe tout le reste du mur.

Un couloir fait face aux escaliers, on peut voir trois portes. Elle a dit la première à gauche, donc... c'est celle là ! Je l'ouvre délicatement et entre dans la pièce sous pente. Elle est spacieuse, il y a deux lit une place, deux armoires incrustées dans le mur, un bureau avec un ordinateur portable et un velux au plafond sert de fenêtre. Mes posters et mon lit deux places vont me manquer.

Je m'installe sur le lit libre, puisque Harmo s'approprie déjà les lieux en installant toutes ses peluches. J'allume mon téléphone et me connecte au wifi. Je capte enfin. J'envoie un message sur le groupe des Alliés pour leur dire que je suis bien arrivé. Puis j'en envoie un autre, seulement à Leonor cette fois-ci. Je veux avoir l'adresse de cette fameuse Lycia, ce sera peut être ma seule amie ici.

Je reçois la réponse peu de temps après. Je tape l'adresse sur Google Maps et m'aperçois que c'est à cinq minutes à pied de chez ma tante. Je remarque aussi qu'il est déjà dix huit heures. J'irai faire un tour demain.

Léonor me renvoie un message pour me dire qu'elle a prévenu Lycia de ma future visite. Je la remercie et pose mon téléphone à côté de moi. Je repense à ma vie "d'avant" avec les Alliés Visio. Je me demande maintenant pourquoi je préfère ma place de populaire, avec des fausse relations et de faux amis, plutôt qu'une vraie amitié avec de la complicité et des rires. Les Alliés me manquent. Nona me manque. Mes habitudes me manquent. Marseille me manque. Cela fait à peine cinq heures que j'ai quitté ma ville natale et que je sais que je n'y retournerai peut être pas de sitôt.

La voix de Léane coupe court à ma dépression, elle nous appelle pour venir prendre un apéro.

– La bouffe, ça attend pas, dis-je à ma soeur dans un sourire.

– On fait la course ? me répond-elle, joueuse.

Ni une, ni deux, nous voilà dévalant l'escalier à toute vitesse. Je gagne forcément la course. Mais ma soeur prend sa revanche en finissant le coca sans me laisser une seule goutte. Je ne compte pas la laisser prendre le dessus comme ça.

Nous sommes interrompus par nos parents, qui nous regardent pour couper court à notre gué-guerre. Mais Léane intervient :

– Oooh, l'enfance me manque pour ce genre de choses.

Mais parents, pris au dépourvu, nous lâchent du regard. Je commence à bien l'aimer, ma tante...

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant