16 - Evan

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Depuis hier, on n'a plus de nouvelles de Ludo.

La communication a été coupée un peu partout en France, et surtout à Marseille. J'ai vu aux infos que depuis le début, c'est la ville la plus touchée avec Nice. On est même susceptible de subir un tsunami.

Avec ce qu'il reste des Alliés Visionnaires, on a décidé d'aller explorer Marseille pour constater les dégâts. On a un peu peur mais il faut savoir. Est-ce que c'est réellement catastrophique, comme le montre la télé, ou est-ce que c'est juste pour effrayer tout le monde ?

On s'est donné rendez-vous ce matin devant chez Emilien. Il habite juste à côté du vieux port, on commencera par là.

Je descends prendre mon petit-déjeuner. C'est le week-end, toute ma famille est réunie autour de la grande table. Mais la télévision est éteinte. De toute façon, plus aucune chaîne ne passe.

J'avale mon bol de céréales en vitesse, pressé de quitter cette atmosphère pesante. Je sais qu'au Niger, toute ma famille risque de mourir à cause du dérèglement climatique. Ça rend mes parents déprimés, ils n'ont plus envie de rien. Il faudrait que je propose un jeu à mes sœurs.

Je m'habille, me coiffe, prend une veste et sors dans la rue. J'emprunte le même chemin que quand je vais au lycée, sauf qu'une fois que j'ai rejoint Léo, nous bifurquons vers la mer.

– Alors on est vraiment seuls au monde ici... commence Léonor.

– On dirait, je réponds tristement. Au fait, t'as vu les infos ?

Elle me fait signe que non.

– Au Niger, c'est la cata. Y'a des ouragans, c'est la sécheresse. Si dans un mois il reste des survivants, ça sera un exploit.

Léo ne répond rien. Je la remercie en silence. Même si j'ai quitté mon pays natal quand j'étais petit, j'ai encore des souvenirs de mes grands-parents. Je soupire.

Je relève la tête quand nous arrivons devant chez Emilien. Léonor sonne, puis nous attendons que notre ami nous rejoigne.

– Alors, bien ou bien ? commence-t-il joyeusement.

Puis, voyant ma tête :

– OK, pas bien.

Léonor l'assassine du regard, ce qui me fait rire. Après tout, ça ne sert à rien de s'apitoyer sur son sort. Et puis je ne suis sûrement pas le seul dans cette situation. J'interviens :

– Bon, vous venez ? Faut voir ce que ça donne en ville, je vous rappelle !

Léo et Emilien se regardent et sourient, puis nous nous mettons en route.

Les bus ne fonctionnent pas, on doit donc faire le chemin jusqu'au 3e arrondissement à pieds. On s'est fixés cet endroit comme limite. On pourra peut-être aller un peu plus loin, si on a le temps.

Pendant le trajet, on observe énormément d'animaux dans les rues. Surtout des chats et des chiens.

– Vous avez fait quoi de vos animaux, vous deux ? nous questionne Léonor.

– On a enfermé ma tortue dans sa cage et tous les jours on va la nourrir, comme avant, commence Emilien. Sauf qu'on ouvre plus la cage.

Léo et moi éclatons de rire, vite suivis par Emilien.

– Et toi Evan ? reprend-il.

– On pouvait pas laisser le chat seul dans la rue, il est encore bébé, je réponds. Du coup, il est bloqué dans la cabane du jardin et on va le nourrir deux fois par jour, en essayant de pas se faire griffer.

Mes amis rient de nouveau.

Nous sommes près du quartier Bon-secours quand j'aperçois au loin un visage familier. Je m'arrête pour tenter de l'observer de plus près quand Léo me questionne du regard.

– Emilien, ce gars me dit quelque chose, là-bas...

Ce dernier se retourne, surpris, et tourne la tête à son tour. Il a l'air de réfléchir quelques instants avant de s'exclamer :

– Mais oui, je sais ! C'est l'ami de Ludo, un JSP. Il était déjà venu chez lui quand Ludo avait fait une fête entre pompiers. Par contre, je ne me rappelle plus de son prénom.

Soudain, le gars semble nous avoir vus lui aussi car il vient dans notre direction en souriant.

– Emilien, Evan, attendez !

Nous nous regardons, surpris qu'il ait retenu nos noms depuis tout ce temps.

– Ça fait plaisir de vous voir ! reprend l'ami de Ludo. Qu'est-ce que vous faites là ?

– Pas grand chose, on était venu voir comment ça se passait dans Marseille, je commence. Au fait, euh...

– Nolan, me répond-il avec un sourire.

– Nolan, c'est ça, je reprends. Je te présente Léonor.

Nolan salue notre amie puis s'exclame :

– Ça fait super longtemps qu'on s'était pas vus ! Mais j'y pense, il est pas avec vous Ludo ?

Je regarde Emilien, hésitant, qui hausse les épaules en retour.

– Il se trouve que les parents de Ludo ont décidé que Marseille, c'était trop dangereux. Ils sont partis à Toulouse, chez leur tante.

– Oh.

Un masque de tristesse voile le visage de Nolan, avant qu'il ne le chasse d'un revers de la main.

– Bah, tant pis, on le reverra quand il reviendra !

Je lui lance un sourire gêné avant de répondre :

– Bien sûr ! Bon, nous, faut qu'on y aille. Au revoir Nolan !

– A bientôt j'espère !

Emilien et Léo le saluent de la main, puis nous repartons en sens inverse.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant