25 - Evan

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Après une longue partie de baby foot, Loan m'entraîne en bas pour aller chercher des bières dans le frigo. Dans l'escalier, il s'arrête soudain face à une jolie fille au visage jovial et au cheveux courts, limite crâne rasé, teints en rose pâle. Mon ami lui prend la main et l'embrasse rapidement, les yeux plongés dans son regard pénétrant.

Gêné, je détourne le regard, ne sachant quoi faire car les deux tourtereaux bloquent le passage. Loan se tourne alors vers moi, remarquant mon malaise, puis il dit :

– Evan, je crois que tu ne connaissais pas encore Andréa. Andréa, mon meilleur pote à la gym.

– C'est toi qui l'a accompagné aux urgences quand cet imbécile a raté son salto ? demande-t-elle, le sourire aux lèvres.

J'acquiesce en silence, souriant à mon tour.

– Mais au fait, tu ne devais pas rester coincée chez toi ? Je croyais que tes parents t'avaient interdit de sortir, reprend Loan, les sourcils froncés.

– Oh, ils ont fini par accepter, lui répond Andréa rapidement en regardant ailleurs.

Je ne crois pas un mot de ce qu'elle raconte, et Loan non plus, vu le regard qu'il lui lance à ce instant. Andréa lui prend le menton et tourne sa tête vers elle pour l'embrasser. De plus en plus gêné, je ne sais plus où me mettre. Quand enfin ils se séparent, son regard s'est quelque peu adouci.

– Bon, tu dors chez moi ce soir ? lui demande finalement Loan.

– On verra si t'es sage, répond-elle d'un air espiègle.

Loan rit doucement, puis se tourne vers moi.

– Viens, les bières vont pas venir toutes seules.

Puis, à l'adresse de sa copine :

– A tout à l'heure, je t'aime.

Ils se regardent une dernière fois d'un air niais puis Loan finit de descendre les escaliers, moi sur ses talons.

Un fois en bas, je comprends véritablement le message de Léonor : sur le canapé, un groupe de mecs qui paraissent complètement défoncés rigolent comme des idiots en se passant un sachet contenant de la poudre que devine être de la drogue, vu l'odeur. Loan me regarde, effaré, et s'empare du sachet. Les gars ne remarquent rien, trop occupés à se raconter comment ils ont réussi tel ou tel exploit, dans le but d'impressionner les filles qui gloussent autour d'eux.

S'ils se croient "virils", comme ils disent, en fumant comme ça, ils ne le sont certainement pas. Ils auront l'air malins si un flic patrouille dans les rues à cette heure-ci.

Loan se dépêche de jeter le fameux sachet dans la poubelle en jetant autour de lui des regards inquiets.

– Je les connais à peine et, s'ils s'aperçoivent de quoi que ce soit, je suis mort. Mais je préfère prendre ce risque-là plutôt que de savoir que des policiers pourraient me trouver dans une soirée où de la drogue circule librement, termine-t-il d'un ton grave.

Puis il reprend son air joyeux et va nous chercher deux bières dans le frigo, sans transition. Je reste là, au milieu de la cuisine, les bras ballants, surpris de ce changement de comportement soudain. Mais, après tout, j'aurais du m'y attendre ; je connais Loan depuis très longtemps et il a toujours été comme ça.

Pendant qu'il est encore à la recherche des boissons, j'aperçois Yannis du coin de l'oeil. Il faudra que je le remercie de m'avoir amené là, j'ai pu retrouver Loan. Mais j'ai à peine le temps de cligner des yeux qu'il a déjà disparu.

Un fois que Loan a ramené nos bières, il les décapsule et nous remontons les escaliers. Je remarque que Andréa n'est plus là, ce qui m'arrange, à vrai dire. Je suis assez mal à l'aise quand deux personnes s'embrassent devant moi. Je suis vraiment trop timide, Ludo n'en fait pas tout un plat, lui. En même temps, c'est plus souvent lui qui nous impose la présence de sa copine, qui change très souvent d'ailleurs, que le contraire.

Je ris à cette idée, puis je me rappelle soudain de la situation actuelle : la Nature a décidé de reprendre le contrôle de sa vie, sans nous demander quoi que ce soit, et j'ai entendu hier aux infos que plusieurs personnes étaient déjà morte partout en France, et notamment près de la mer. Et à cause de cet événement disons, troublant, Ludo a été forcé de partir vivre à Toulouse, chez sa tante. Il n'y est pas plus en sécurité qu'ici, à mon avis, mais bon... C'est à ses parents de choisir, après tout.

Je soupire puis tourne la tête vers Loan, qui s'est installé confortablement sur un fauteuil, près du baby foot. Je m'assois à côté de lui, buvant une gorgée de ma bière. C'est alors que, par la fenêtre ouverte, j'entends des voix. Des voix d'adultes. Je jette un coup d'œil inquiet à Loan, qui me répond d'un regard surpris. D'après ce que j'ai compris, les parents de la personne chez qui nous sommes (j'ai déjà oublié comment il s'appelle, si tant est que Yannis m'ait bel et bien dit son nom) n'étaient pas censés rentrer maintenant. Je ne sais même pas où ils étaient, d'ailleurs. Mais les voix dehors ne m'ont absolument pas l'air d'appartenir à des parents bienveillants. J'entends plusieurs hommes différents et une femme qui entrent précipitamment dans la maison. Cette fois, je me suis levé et Loan aussi. Sur le qui-vive, nous nous apprêtons à descendre l'escalier à toute vitesse quand quelqu'un crie :

– C'EST LES FLICS !

Aussitôt, Loan me jette un regard désespéré et me dit rapidement :

– Ça arrive souvent que les policiers débarquent pendant une soirée, ici. Je ne sais pas si c'était pareil chez toi... dit-il d'un air sombre.

– A vrai dire, je n'étais pas invité à beaucoup de soirées avant... donc non, ça ne m'est jamais arrivé.

Loan rigole puis me prend par le bras pour m'emmener vers l'escalier.

– Je sais où se trouve la porte cachée dans cette maison. Suis-moi. Mais il faut d'abord que je retrouve Andréa. Si elle finit au poste, je ne la reverrai jamais, continue-t-il sur un ton léger, bien que je sente de l'inquiétude dans sa voix.

Nous dévalons les escaliers à toute vitesse et, quand Loan aperçoit sa petite amie, il se précipite vers elle.

En bas, c'est la cohue. Les flics sont dans le hall, en essayant de retenir tous les gars drogués qui arrivent à peine à tenir debout. Je perds définitivement Loan dans la mêlée. Quand je tends le cou pour essayer de voir Yannis au milieu de la foule, la policière me prend le bras.

– Toi, tu vas venir au poste avec moi.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant