4 - Ludo

20 1 0
                                    

Réveillé par les rayons du soleil, je baille, m'étire et jette un coup d'œil à mon réveil. Huit heures trois. Je sors de mon lit et me dirige vers la fenêtre pour évaluer le temps. Le ciel est gris, il n'a pas l'air de faire très chaud. Pourtant, nous sommes en mai. Hier c'était glace, aujourd'hui c'est plus chocolat chaud. Je me baisse au niveau des placards sous mon lit et attrape un jean et un pull Visionnaire (la marque de vêtements de Bigflo & Oli). Je descends pour petit déjeuner. Arrivé dans le salon, je vois ma sœur à table avec un chocolat et une tartine de confiture.

– Salut, dit-elle.

– Salut, ça va ?

– Mmh, les parents n'ont encore pas pu déjeuner avec moi... puis après je me suis dit que tu voudrais venir, mais je t'ai vu endormi. Je n'ai pas voulu te réveiller.

Elle est tellement mignonne quand elle est comme ça. Mais en même temps elle me fait de la peine. C'est vrai que nos parents sont rarement avec nous, même les week-end. Moi je m'y suis habitué, mais je comprends que du haut de ses dix ans, Harmo leur en veuille. Je prend un chocolat et m'assoie face à elle.

– Oui... Mais ils ont beaucoup de travail, tu sais.

Elle me répond par un hochement de tête. J'ai une idée pour lui remonter le moral !

– Si tu veux demain je t'emmène avec Juliette au ciné. Vous choisissez le film ?

On dirait que mon plan a bien marché puisqu'un sourire vient illuminer son visage d'ange.

– Je vais prévenir Ju ! dit-elle en se levant précipitamment.

– Hop hop hop, petite chipie, reste ici. Fais un bisou au meilleur des grands frères !

Une fois que j'ai reçu mon bisou, elle part en courant vers la porte d'entrée.

Je débarrasse la table du petit déjeuner puis je file dans ma chambre pour aller récupérer mon téléphone. Quand j'ouvre la porte, une odeur de renfermée m'emplit les narines. Faut vraiment que j'ouvre la fenêtre ! Aussitôt dit, aussitôt fait. J'observe maintenant mon quartier. J'entends les sirènes d'un camion de pompiers qui se rapproche. Je me penche et aperçoit le camion rouge qui se dirige droit vers ma rue. Je descends les escaliers quatre à quatre, enfourche mon vélo et me guide au son des sirènes. Je tourne vers la droite et vois le camion s'arrêter devant la maison de la grand-mère d'Émilien, mon meilleur ami. Merde pour lui. Je laisse tomber mon vélo et fais le tour de la maison pour observer la scène depuis une fenêtre. Personne n'a jamais vraiment remarqué cette fenêtre. Mais Émilien et moi adorons nous y pencher pour observer le salon de Nona.

La scène est assez atroce. Nona était pour moi comme une grand-mère d'adoption. Elle est allongée au sol. Les pompiers se pressent autour d'elle. Au loin, je peux voir Émilien tenant sa tête entre ses mains. A ses côtés, sa mère est blottie contre son père. On était tous très proches de Nona.

J'attrape mon téléphone dans ma poche arrière et envoie un message à Émilien.

« Mec, tu viens au port ? STP »

Quelque secondes plus tard, je sens mon téléphone vibrer. L'écran affiche :

« Ouais... »

J'enfourche mon vélo et me dirige vers le port. Les vagues déferlent sur la plage non loin de là. Je m'avance sur le ponton. Au bout, on peut voir l'horizon.

Je repense aux fous rires que nous avions avec Nona. On la surnommait ainsi parce que ce mot signifie « mamie » en italien. Émilien et moi avons tous les deux des origines italiennes, et puis Nona ramenait le soleil et la joie d'Italie ! Elle a toujours été là. J'ai passé mon enfance chez elle, à jouer avec Émilien. Je lui faisais confiance plus qu'à toute autre personne. Elle m'a toujours soutenu, dans mes choix et dans les moments difficiles. Chez elle, avec Emilien, j'oubliais « mon rang de populaire », j'étais moi-même dans cette maison. On était nous avec Émilien. Je me rappelle d'une phrase que Nona m'a dite quand j'étais petit.

« Si je meurs un jour, ça voudra dire que la nature n'a plus besoin de moi. »

Alors la nature devient étrange.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant