26 - Evan

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J'ai passé la nuit au poste.

Après m'avoir attrapé, la policière m'a traîné jusqu'à l'entrée de la maison, en compagnie du groupe de drogués avachis dans l'herbe soigneusement tondue. L'un d'eux s'est alors mis à vomir à mes pieds, ce qui a eu pour effet immédiat de déclencher la colère de l'un des policiers.

Quelques minutes plus tard, les cinq flics chargés de patrouiller dans les rues pendant la nuit étaient de retour devant le portail, tenant par le bras les quelques personnes qui n'avaient pas eu le temps de s'enfuir. La plupart étaient désorientés, comme moi. L'un deux portait même une griffure sur l'avant-bras, juste en dessous de la main de la policière.

Ils nous ont ensuite fait marcher jusqu'au gymnase en nous expliquant pourquoi ils étaient là :

– Depuis que les gens se sont installés au gymnase, on nous a demandé de surveiller le quartier vu qu'on est la caserne la plus proche et qu'il paraît qu'il y a pas mal de délinquants ici, a expliqué la policière en regardant les mecs qui tenaient à peine debout d'un œil noir.

Une fois arrivés au gymnase, ils nous ont traînés dans plusieurs voitures. En tout, nous étions cinq policiers et une dizaine d'ados.Nous avons mis environ un quart d'heure avant d'arriver au commissariat de Saint-Barthélemy. Ensuite, ils nous ont fait sortir des voitures et nous ont conduits dans une sorte de salle d'attente pour prisonniers. Je ne suis pas ravi d'en avoir fait partie, même pour une seule nuit, même si je n'avais rien fait de plus que d'aller à une simple soirée avec mes potes pour me changer les idées.

L'un des policiers a ensuite dit qu'il allait nous interroger un par un. De toute évidence, les quelques gars qui avaient pris de la drogue n'étaient pas en état de répondre à ses questions. Il les a alors pris par le bras et emmené dans une autre salle, en attendant que le taux de drogue dans leur sang baisse un peu.

Nous n'étions à présent plus que trois dans la salle, à se regarder. La pièce était étrangement silencieux. Je ne connaissais pas les deux autres, un gars et une filles qui semblaient être, eux, assez proches, puisqu'ils commencèrent à murmurer dans leur coin.

Soudain, le policier qui nous avait parlé est revenu dans la salle. Il a regardé tour à tour les deux amis, puis moi, puis il m'a fait signe de venir. La peur me nouait les entrailles. Et si je restait toute la nuit au poste, sans rien à boire ni à manger ? Et si il déclarait que c'était moi qui avait fourni la drogue aux imbéciles qui en avaient pris ? Et si il appelait mes parents mais que ceux-ci trouvaient que j'étais allé trop loin et ne voulais pas venir me chercher ? Et si mes sœurs de voulaient plus de moi ? Et si je ne revoyais plus jamais Yannis, Loan, Emilien, Léonor, et surtout Ludo ?

C'est avec ces pensées à l'esprit que je l'ai suivi dans une petite pièce bien éclairée. Il s'est assis derrière un bureau puis m'a fait signe de prendre place sur la chaise en face de lui. Puis il a pris la parole :

– Comment t'appelles-tu ?

– Evan Solar.

L'entretien a ainsi duré de longues et difficiles minutes. Le policier voulait que lui raconte la soirée, ce qu'il s'était passé exactement, pourquoi j'avais voulu venir, avec qui, à qui j'avais parlé, ce que j'avais bu, et tout un tas d'autres choses que je trouve parfaitement inutiles mais auxquelles il semblait quand même attacher de l'importance.

Enfin, il s'est redressé et m'a dit :

– Bon, je pense que tu ne mérites pas d'être ici. Tu n'as absolument rien fait de mal. Mais vu l'heure, continua-t-il en jetant un rapide coup d'œil à l'horloge derrière lui, tu vas rester ici jusqu'à demain matin. Ensuite, j'appellerai tes parents pour qu'ils viennent te chercher.

Je crois qu'il a du entendre mon soupir de soulagement car il m'a souri.

Quelques heures plus tard, mes parents sont venus me chercher avec Juliette et Luna, comme promis. Ma mère était folle d'inquiétude, et mon père n'arrêtait pas de marmonner :

– Quand même, finir au commissariat, quelle idée !

Puis nous sommes retournées au gymnase où j'ai envoyé un message à Loan et un autre à Yannis, pour savoir s'ils allaient bien. Ils m'ont tous les deux répondu par l'affirmative. Je suis ensuite allé voir Emilien dans le gymnase, et je l'ai trouvé en compagnie de Léo. Tous les deux avaient l'air inquiets et leur regard s'est illuminé quand ils m'ont vu.

– Evan, tu m'as fait peur ! On a entendu les gars qui traînaient dehors dire que les flics avaient fini par débarquer pendant la soirée. T'étais au poste ?

J'ai hoché la tête, levant les yeux aux ciel face à la panique de mon amie. Puis ils m'ont demandé de leur raconter ce qu'il s'était passé depuis qu'ils étaient partis.

– Et voilà, vous savez tout maintenant, je dis avec un sourire.

– Ne prend pas cet air confiant, tu aurais quand même pu finir en prison pour un peu plus longtemps que ça ! s'indigne Emilien. Tu sais, mon grand frère modèle et exemplaire a déjà eu affaire à la police, alors, ne prend pas ça trop à la légère.

– Oh, n'exagère rien quand même. Il ne risquait pas la mort non plus, réplique Léo, souriant elle aussi.

J'ouvre la bouche pour dire que je ne prends pas du tout ça à la légère, quand une sirène m'interrompt. Nous nous regardons, étonnés. Cela fait près d'une semaine que nous vivons ici et jamais quelque chose comme ça ne s'était encore produit. Nous restons silencieux, attendant la suite, quand une voix de femme retentit dans tout le gymnase, amplifiée par un micro.

– Le maire de Marseille nous a fait passer une information officielle hier soir. A partir d'aujourd'hui, un sirène semblable à celle-ci retentira dans toute la ville à 21 heures chaque soir. Le maire a mis en place un couvre-feu pour, je cite, « limiter les accidents liés à la révolution naturelle qui ont lieu en ce moment même dans tout le pays ». Le maire vous demande également de ne pas chercher à rester dehors après ce couvre-feu car des patrouilles de polices seront chargées de surveiller les rues après l'heure limite. Ils seront par ailleurs autorisés à vous infliger une amende de 135 euros pour la première fois, puis de plus cher si vous récidivez. Bien, merci de m'avoir écoutée aussi attentivement. Je vous souhaite une bonne fin de journée dans le gymnase de la Massilia Olympic Gym !

En effet, à peine la dame a-t-elle fini de parler que le silence laisse de nouveau place à l'animation qui régnait jusqu'alors.

– Un couvre-feu ?! s'exclame Léo. Ça doit être vraiment grave, alors. Je me demande comment ça se passe à Toulouse pour Ludo... 

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