15- Longue attente

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J'ose soutenir son regard un court instant.
Mon énervement souhaite ressurgir mais j'essaie de le garder au plus profond de mes trippes. Je soupire, tout en détournant le regard, la laissant respirer un bon coup.

Y avait une multitude de possibilités. Une infinité de sentiments et de scénarios, pas plus concrets les uns que les autres qui étaient là, à me ronger. Et j'ai envie de me dire à présent que c'est fini. Que j'aurai plus jamais à m'infliger ce que je viens de vivre, en tout cas dans ces conditions. Ça n'a fait qu'amoindrir ma raison, et aujourd'hui je me rends compte que ça m'a vraiment pas servi grandement. J'aurai plus jamais à ressasser le passé comme je l'ai fait, ça, je peux me le jurer. Et surtout, je ne veux plus avoir à m'énerver avec mes proches, ou à les inquiéter, c'est promis. Loin de moi toutes ces choses néfastes et inutiles.
Malgré tout, je peux dire que j'ai attendu ce moment. Et ça, depuis bien plus de temps qu'on ne le croit. J'essaie de prendre confiance, mais je ne vais pas cacher le fait que j'ai une certaine excitation malsaine au fond de moi.
C'est juste qu'elle a eu un certain pouvoir sur moi, qui allait bien plus loin que ce que je pouvais moi-même imaginer. Alors difficile de garder la tête totalement froide face à elle.

- Et oui, c'est bien moi.

Je ne dis rien face à cette réaction un peu tordue à mon goût.

- Avant toute chose, j'voulais seulement te dire que j'suis désolée.

Mes yeux se ferment.

Désolé.

Facile de les utiliser, ces sept lettres. Et encore heureux qu'elle le fasse. Même si après réflexion ça sert pas grandement à quelque chose, à part apaiser en quelque sorte sa conscience. C'est juste une phrase mécanique, qu'on sort à tout bout de champ pour excuser notre preuve d'irrespect et prouver notre volonté de se faire pardonner. Ou juste parce qu'on nous a appris à dire ça quand on fait de la merde.
Il aurait fallu de j'dise que ça soit pas grave, pour continuer le processus. Cependant, je vois pas pourquoi je lui accorderais cette grâce.

-On peut aller autre part ? me questionne-t-elle.

Sara et Yanis nous guettent de ma fenêtre comme pas possible. C'est pesant même pour moi à vrai dire.

- Tu veux aller où ? je demande.

Elle semble surprise du fait que j'approuve l'idée de partir. Mais après mûre réflexion, je redoute aussi l'arrivée de mon frère dans les parages.

- Où bon te semble, ajoute-t-elle.

Yes.

- Monte, j'sais où on va aller.

Elle exécute. Je suis le mouvement et ne tarde pas à démarrer, non pas sans un certain stress inexplicable.

****

J'ai pas spécialement vu le temps passer. Mais j'ai envie de m'arrêter.

Le trajet a été plutôt long, je dirais qu'une bonne demie heure s'est écoulée. Nous venons enfin d'arriver dans un espace plutôt calme et naturel. J'saurais pas vous dire où exactement, mais j'avais pas l'envie de continuer le trajet dans de telles conditions. J'ai évité de parler pour ne pas m'énerver au volant. Manon n'a pas tenté de véritables discussions de son côté non plus, en fait.

Je sors de la voiture et contemple un instant tous les arbres qui nous entourent. Seul le bruit de mes pas résonne dans mes oreilles, puis je me tourne brusquement vers celui de la portière de Manon qui se ferme.
Son regard dédaigneux rencontre le mien, plein de surprise face à ce changement d'humeur soudain.

La rencontre {T. 3} (Réécrit)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant