CHAPITRE 55

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Je me décide à appeler ce cher Yanis après être sorti de la chambre même si je n'en ai pas grandement envie, c'est de plus sa copine qui me répond avec un air qui semble essayer d'être charmeur.

-Je pourrais parler à Yanis, s'il te plaît ? je demande assez mollement.
-Bien sûr, je te le passe tout de suite.
-Merci.
-C'est juste que sinon ça allait couper, alors...
-Ouais t'inquiète c'est pas grave, dis-je en la coupant.

Son air de pimbêche m'énerve juste, alors si sa voix peut rester au fond de sa gorge cette proposition me va parfaitement.

-C'est qui, s'exclame Yanis visiblement encore endormi.
-Mec, j't'ai réveillé ? Pardon...
-Pas grave, t'façon il se faisait tard. On va pas tarder si c'est ça ta question.
-Non, en fait c'est plus important.
-Quoi ?
-J'ai su pas mal de choses au sujet de Sara et sa famille par le biais de la soirée d'hier, et Manon m'a informé que c'était toi qui pourrais le plus m'aider.
-Et en quoi au juste ?
-Tu sais, pour le père de Sara. Il...
-Je ne veux rien dire au téléphone, on en parlera en face à face. Okay ? Juste, prépare toi bien parce qu'on risque de bouger cet après-midi.
-Euh d'accord mais...

Les trois bips qui signalent la fin de la conversation retentissent.
Je regarde mon écran qui me laisse sur la liste de mes appels récents, et c'est là que j'me dis que cette histoire risque d'aller loin. Je stoppe mes pas réguliers et rapides une fois arrivé à un entrecroisement, puis je regarde chaque allée qui s'offre à moi attentivement. Mes lèvres se pincent, je suis perplexe sur toute la ligne. Je me demande simplement où veut m'emmener Yanis, et dans quoi je me suis embarqué de nouveau avant de simplement chercher quel couloir emprunter.
Je passe une main dans ma nuque par pure anxiété et décide de prendre à gauche. J'évite le regard des gens et d'ailleurs ils se font peu nombreux ce matin.

J'atterris sur une grande terrasse ouverte au public et surtout bordante du lac, je marche quelques dizaines de mètres pour moi aussi être aux abords de cette eau translucide. Le soleil tape déjà, alors fixer ses reflets à la surface devient difficile à supporter et surtout impossible sans plisser les yeux. J'exécute et place même ma main sur mon front en tant que protection pour pouvoir continuer ma contemplation.
Le vent s'écrase contre moi, mais il me fait du bien.

L'envie de prendre une photo pour Instagram est immense, mais je suis seul alors à part un vieux selfie qui rendrait quand même stylé avec ce cadre, je ne sais pas trop quoi faire.
Je me contente de donner quelques nouvelles en storie et passe mon chemin.

De Frère 👌

Elle a vu du coup hein

Tu te réveilles mtn c'est un peu tard

Enfin je te montrerai en vrai du coup

Elle est réveillée Sara ?

Jsp

Bah t'es ou

Dehors

Ah ok

Bah tu nous tiens au courant nous
on va commencer

Ok à toute

****

Cela fait maintenant une demie heure que je traîne ici, alors je me décide à rentrer.
Mes pas sont grands, lents et surtout pesants. Je suis toujours tête baissée, les mains fourrées au fond des poches.

-Eh B.G. , y'a moyen d'avoir ton numéro ?

Je lève la tête vers ma petite amie accoudée au balcon de notre chambre.

-Nan, propriété privée, dis-je en désignant ma tête.
-Ouais, la mienne surtout. Allez viens, j'te cherchais partout.

Je souris dans un mouvement de tête et accélère le pas.

Elle m'attend à l'encadrement de la porte alors je trottine légèrement pour arriver à cette dernière.

-T'es allé faire du sport ou quoi ?
-Non, j'suis allé faire le touriste pendant qu'une certaine madame dormait.

J'attends sa réaction qui ne vient absolument pas. Je continue alors :

-Putain, bientôt on t'appellera Mme Ordonez, et le style sera à son apogée.
-Faudrait déjà que M. Ordonez demande Mlle Dubuant en mariage, tu crois pas ?

Je hausse les épaules.

-Chaque chose en son temps Bébé.

Elle sourit et m'embrasse furtivement. Quand elle se retire j'avance de nouveau mon visage pour l'attirer une nouvelle fois vers moi. Elle se détache une seconde fois le sourire aux lèvres. Elle ne peut pourtant pas en avoir un plus grand et fier que moi.

Elle fronce soudainement les sourcils et me regarde de la tête aux pieds. 

-T'es stressé toi, nan ?
-Pourquoi ?
-Déjà pour l'agressivité présente dans ta réponse, et surtout parce que tu trifouilles tes mains dans tous les sens comme tu sais si bien faire. Et même, je te voyais bien assis au bord de l'eau là-bas. Quelque chose te tracasse.
-N-non, jute que j'ai la flemme d'aller faire du ménage cet après-midi alors qu'il fait beau comme pas possible.
-C'est pas un problème, on n'a pas non plus retourné la maison hier, hein.
-Ouais, c'est sûr.

Ça m'énerve qu'on me connaisse autant. J'suis quelqu'un qui aime être imprévisible de nature alors je ne sais pas si cela ne m'a pas même vexé. Comment voulez-vous que je lui en veuille, si elle sait tous les secrets de ma gestuelle c'est peut-être parce qu'on se côtoie relativement souvent, je pense. Du style au moins sept heures par jour.

-Par contre, y'a un truc que j'ai pas capté. Pour le cadeau de Yanis, tu viens ou pas ?

Je souris.

-Non, j'serai sans doute pas là. Tu pars quand on reprend le taff' alors ça va être compliqué et même, Yanis a tout organisé. J'ai rien fait moi !
-Putain tu sais pas comment j'en rêvais.

Sur ce coup, c'est vrai que Yanis a assuré. Elle qui a toujours voulu aller une fois dans sa vie à Tokyo, son meilleur ami a organisé une virée à deux dans les cités japonaises, histoire de quelques jours. J'avoue que cela m'aurait aussi plus d'y retourner, ou de juste les accompagner car les laisser tous les deux me reste en travers de la gorge. Je relativise, ce sont des amis d'enfance.

Elle plisse les yeux et scrute les miens, et elle fait mine de comprendre.

-C'est ça qui te travaille, t'es jaloux ?

Je bats des paupières à plusieurs reprises.

-Non, non tu fais ce que tu veux mais... dis-je en détournant le regard non pas sans un sourire en coin.
- Ouais, encore heureux que tu sois jaloux, non ?
-Si tu le dis.

Nous nous fixons longtemps, elle semble s'attendrir intérieurement. Je sors un des sourires les plus charmeurs que je puisse afficher, et elle ne tarde pas à déposer un baiser sur ma joue.

-On va manger avant qu'il ne soit trop tard ? je demande.
-Ça marche.

Je vais essayer de rester discret au sujet de Christophe pour l'instant. Je pense que je peux encore profiter de cette journée avec elle.

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La rencontre {T. 3} (Réécrit)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant