Le son de la ville me revint. Écroulé dans mon minuscule studio, j'essaye de reprendre contact avec la réalité. J'essaye de me rappeler de qui je suis. Je me lève, aveugle d'alcool, recherchant un évier. Heureusement que mon appartement fait à peine 15 mètres carrés. Je vomit toute ma bile et le reste de tequila dedans. Et la vue me revint. Allan Powinski. C'est ça mon nom. Je chercha dans ma poche mes cigarettes, et tomba sur un vieux ticket d'une prostituée de Bruckston. Que diable avait-je bien pût faire de plus hier soir? Si Marlène savait. Je m'allonge dans ma cuisine, et trouve une cigarette que j'allume sans attendre. Une taffe me fait remonter mes sucs gastriques que je répand brusquement sur le sol.
Au bout de dix minutes de somnolence, je mit mon téléphone à mon oreille et composa le numéro du ticket. Il fallait que je remonte la piste.
Le téléphone sonna quelques instants.
"Virginie, à l'appareil, je ne suis disponible que le soir. - Elle avait une voix très fatiguée -
- Je ... Voulait juste savoir ce que j'ai fait hier soir... J'avais vraiment trop bu et...
- Ah c'est toi le blondinet d'hier? T'était mon seul client. Et t'avait pas une bonne mine.
- J'en ai assez entendu.
- Il paraît que t'as croisé le boss hier non?
Tout me revint. Le gars au bar et son rat. J'avais complètement oublié.
- Oui... Bon écoutez, je vais réfléchir"
Bilan, j'avais trompé Marlène mais je détenais une piste.
Il était quatorze heures. J'avais vidé mon inspiration dans la une du journal du gouvernement qui prenait une place démesurée. Des descentes de polices avaient frappé dans plusieurs réseaux de résistance, et les élections étaient dans quelques jours. Je n'allait plus beaucoup à la rédaction, je me contentait d'écrire chez moi, sans collègues et sociabilité. Mais cette histoire m'avait fait cogiter toute la journée. C'était décidé. Je descendit dans les rues, cherchant l'adresse de la prostituée dans les rues du 5ème arrondissement de Bruckston. Je ne savait pas ce que j'allais bien pouvoir lui dire, mais il était évident qu'elle ne savait pas qui j'étais.
Je traversa une avenue, et me rendit au pied d'un immeuble pourri et quelconque de ce maudit quartier. Une voiture noire s'arrêta sur le trottoir. J'étais complètement paranoïaque, mais j'avait mes raisons. Je pénétra tout de même rapidement dans le bâtiment, monta quatre étages, et me rendit porte 2B. J'inspirais un grand coup, et appuya sur la sonnette. Une femme à la chevelure volumineuse en robe très courte m'ouvrit.
"Ah, je ne pensait pas que tu viendrait si tôt. Entre."
Elle s'assit sur le canapé, attrapa une cigarette et l'alluma.
"Tu veux un verre chéri? J'ai de la cocaïne si tu veux. Je te l'offre.
- Non merci. Mais je veux bien un tequila."
Elle attrapa la bouteille près de son canapé et en versa dans un verre. L'appartement était lugubre et très mal ranger. Tout semblait de travers. Elle me tendit le verre.
"Merci. Écoutez, je ne vais pas passer par quatre chemin, je veux savoir avec qui vous travaillez. C'est capital vous comprenez...
- Hé bien il y a Harry, mais...
- Le "boss" c'est qui?
- Hé bien... C'est une sorte d'homme d'affaire. Il a toujours un rat sur l'épaule, je le voit jamais, il paraît qu'il est plutôt solitaire..."
Un homme moustachu à lunette d'une faible carrure sortit d'une pièce qui semblait être une salle de bain. Il me dévisagea avec panique.
"Bonjour, heu... Virginie, je peux te parler seul deux minutes?"
La femme soupira, posa son verre en écrasant sa cigarette et alla s'isoler avec l'inconnu. J'attendis cinq minutes, engloutissant mon verre de tequila. Demain, j'arrête l'alcool. L'homme revint, bien plus énervé que tout à l'heure..
"Bon écoutez il faut que vous partiez immédiatement. On est pas là pour faire du journalisme ici..."
La porte tomba d'un coup, et cinq agents de police habillés en bleu rentrèrent brusquement dans la pièce, ainsi qu'un cinquantenaire en costard, bien coiffé, décontracté, aux allures d'aristocrate Londonien.
"Comissaire Mickaël Yardiff, Scotland Yard. Mr Harry O'Johnson, vous êtes en état d'arrestation pour administration de réseau de prostitution illégale.
- C'est insensé, je...
- Ne vous inquiétez pas nous aurons tout le temps de discuter du réseau mafieux dans lequel vous trempez. L'Angleterre vous rattrape toujours Mr O'Johnson!"
Deux hommes embarquèrent les deux individus.
"Salaud!" Me lança la femme. J'étais complètement perdu. L'inspecteur s'adressa à moi.
"Quand à vous, être un sale communiste de votre espèce ne justifie pas le fait de vous saouler au point d'aller traîner ici. Si vous pouviez retourner dans vos bas quartiers, mon humeur n'en sera plus que jouasse!"
Il me regarda les yeux grands ouverts avec un petit sourire au coin des lèvres.
"Mais comment vous...
- La police, Mr Powinski, nous ne manquons pas d'information. Pour ce qui est de l'autre abruti qui court à la mort avec son rat, voyez ça avec vos collègues d'interpol, ce n'est plus mon affaire.
- Mais vous ne comprenez pas que il cherche à...
- Je sais ce qu'il s'apprête à faire. La police de Bruckston est sur le coup. Je suis sûr que vous vous en sortirez très bien. Cependant, si vous voulez biens m'excuser, j'ai un avion à prendre pour l'Angleterre, nous à Londres, chez les idéaux normaux nous fêtons La Toussaint! Pour ce qui est des information que nous pourront en tirer, nous vous envoyons tout ceci par la poste. Maintenant, si vous voulez bien sortir, vous me faciliterez la tâche.
- Très bien. Au plaisir.
- C'est ça. Messieurs, fouillez moi cette piaule!"
Le agents se ruèrent sur les meubles de l'appartement, et je fila. Alors, la police suivait le moindre de mes faits et gestes. Ainsi que mes conversations téléphoniques. C'était effrayant et rassurant à la fois. Mais ma conscience s'était apaisée, on allait enfin avoir des informations qui nous seront d'une grande aide.
Quand je sortit, le temps s'était brusquement refroidit. La pluie tombait à torrents. C'était toujours comme ça à Bruckston: on avait une printemps assez rafraîchissant, un été insupportablement chaud, et un automne qui se déclarait tardivement, mais une journée suffisait à glacer la cité jusqu'à la toute fin de l'hiver. La neige commença à tomber le soir, les préliminaires des élections commençaient demain. Quelle catastrophe.
VOUS LISEZ
Bruckston
ActionUne cité état nommé Bruckston, née de l'immigration en Amérique du Nord prospère de son socialisme depuis des années. Mais quelque chose se trame derrière... Allan Powinski, jeune journaliste tourmenté va avoir la lourde tâche d'informer la populati...