Chapitre XXVIII

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"Bon, on reprend tout depuis le début. Tu vas au Bistrot Latin. Au bar. Tu demandes Petersburg, et un type va venir te voir. Ensuite, tu racontes ta couverture. Tu dis que tu arrives tout droit d'Italie, de la Cosa Nostra, tu cherches à établir un dialogue pour apporter de l'aide.

- Mais je fais quoi après? Je comprends pas en quoi faire tout ça vous aidera vraiment.

- On essaye d'infiltrer le réseau. On ne veut pas débarquer avec des mitrailleuses et tirer sur tout le monde, sinon on pourrait faire ça dans toutes les rues, et cette ville tomberait dans le chaos. Tu essayes de parler du plus haut placé au plus haut placé, jusqu'à identifier un certain Jim Lemonthil. Dès que t'a repéré où il est, tu file vite fait chez nous et on se charge du reste. Ne prend aucun risque. Et ne t'en fait pas: tu es une femme, ces abrutis se feront berner. - Alphonse à côté de moi écrasa sa cigarette sur la table au beau milieu de cette nouvelle planque austère avant de s'adresser à moi -

- C'était une des meilleures agents de la SDECE Allan. Je pense que t'a pas trop à t'en faire.

- Pourquoi vous avez quitté cette boîte?

- Trop de travail. J'étais dans la peinture à la base, mais un poste m'a été proposé et je n'ai pas refusé. J'ai tout appris sur le tas, mais c'était plutôt un succès. Et au bout des quelques années j'ai décidé de me laisser plus de temps pour moi. Donc j'ai quitté les renseignements. Et comme Alphonse m'a proposé une mission "privée" j'ai accepté. Ca me redonne l'adrénaline que j'avais avant. Même si je doute de vos méthodes. Je veux dire: personne ne se doute de rien, assassiner un patron de la mafia comme ça c'est peut être un peu tôt avant que tout ne se sache. J'éspère être claire.."

Françoise Defluve était une femme agée de trente cinq ans qui avait toujours des idées précises et extrêmement riches. Alphonse me l'avait amené à Bruckston après la mort de Fischnder. Elle m'allait être d'une aide très précieuse.

"C'est pas faux... Alphonse ils en disent quoi à la police?

- La police Carnavalaise? Il s'en foutent complètement! La police française c'est pareil. Pour ce qui est de l'international on a un très maigre dossier dessus. Mais personne ose intervenir, ils pensent cela plus politique que judiciaire. Y a qu'a voir Sheldon. On a essayé de le corrompre, il est surveillé de près, et risque gros si on le voit fouiller là dedans.

- Donc il faudrait faire éclater un scandale médiatique – dit-je pensivement -

- C'est ton métier ça.

- Je suis pas assez influent pour ça. D'ailleurs j'ai pas été à la rédaction depuis bien un mois. Je suis même plus payé ; mais je trouverais bien un autre poste. Bon je vais y réfléchir, mais cette mission reste maintenue. Tu commences dans trois jours, et ça fini quand ça aboutit. Mais ne prends aucun risque.

- Entendu.

- Bon je vous laisse. Je retourne à mon domicile, je n'en peut plus de rester ici."

Nous nous levions tous les trois et je salua notre agent ainsi qu'Alphonse avant de sortir de cet appartement sans électricité qui nous servait de nouvelle planque. Je me dirigea vers la station de métro la plus proche une fois sorti de l'immeuble du 4ème arrondissement. J'avais encore du mal à croire à ce qu'il s'était passé avec Fischnder. J'étais ivre, complémentent à la ramasse à cause de la quantité de vodka que j'avais bût. Fischnder était rentré dans le garage désaffecté et avait trouvé la chaise de notre détenu vide. Il m'avait insulté de tout les noms. Des insultes froides, dures et brutes. Comme j'avais bût, je repensai encore à mon enfance, des souvenirs perdus qui me hantaient et dont je détestait me rappeler. Tout cela avec les injures de Fischnder avait créé une véritable haine de l'existence en moi. Alors j'avais pris mon colt et avait tiré une balle dans sa poitrine. Le coup était presque parti tout seul et m'avait rendu sourd. Surprenamment, il était raide mort en quelques secondes. Tout ça avec le pistolet qu'il m'avait confié quelques semaines plus tôt. J'avais prétexté que Edwin s'était libéré, et avait tiré sur Fischnder avant de s'enfuir pendant que j'étais parti acheter des cigarettes. Cette excuse avait eu lieu à de sérieux doutes auprès de sa bande, mais sans plus de poursuites. Ce type était imbuvable depuis quelques jours et commençait à agacer tout le monde. Je pénétra dans la rame de métro. Pour une fois dans ma vie, je ne m'étais pas tût. J'avais agit avec haine, sans neutralité, sans penser à quoi que ce soit. Pour une fois je ne m'étais pas laissé marcher dessus comme toujours. Mes pensées se stoppèrent lorsque j'arrivai à la station Dostoïevski. Je descendit de la rame, regarda derrière moi, sur le côté. J'étais de plus en plus paranoïaque avec ce climat extrêmement tendu. Je monta les marches vers l'avenue, et commença à pénétrer dans les étroites rues de mon quartier. Je rentrai dans mon immeuble, nostalgique de ma vie d'avant, cet escalier en bois détraqué où j'avais rencontré Marlène qu était au départ ma voisine de palier. Le vieux rock et l'odeur de drogues douces qui venait de mon voisin du dessous. Puis ma porte dépeinte et poussiéreuse. Je rentra dans mon appartement. Tous les meubles étaient renversés, mon lit soulevé, mon bureau vidé, tous mes dossiers éparpillés un peu partout.

"Bloudniçia"

Je chercha du thé dans ma cuisine minuscule, dieu merci ma Samovar était intacte. En le cherchant je retrouva aussi ma vodka. J'esquissais un sourire. Heureusement que je n'avais pas regagné mon appartement entre temps.

Jim fixa son rat sur sa manche qui faisait ses dents sur ses boutons de manchette. Il lui caressa la tête et il se dressa aussi tôt sur ses pattes arrières exprimant avec son petit visage de rongeur tout l'amour de son dresseur. Jim détourna son regard vers Edwin.

"Quatre jours... Seulement quatre jours de torture et ces nuisibles savent qui je suis. Si seulement je mettais la main sur ce binoclard aux cheveux longs. Je t'ai entraîné pour ça!"

Edwin avait encore des marques violettes distinctes sur son visage.

"C'était atroce. Ils m'ont fait boire, ils m'ont frappé, ils m'ont privé de tout. Je sais, j'ai mal fait mon travail. Donne moi une capsule de cyanure. Je mourrai à tes côtés, pour purifier ma peine. Je mourrai pour ta réussite pour tout ce que tu as fait pour moi. Et on s'en tiendra là."

Jim le scruta pensivement, tracassé en se mordant les lèvres.

"Non. Je ne peut pas faire ça. J'ai vu trop de bonnes personnes mourir depuis tout ce temps. Paris me manque...

- Tu tes souviens de nos discussions à propos de Socrate sur ce canal Saint-Martin? Que de bons souvenirs.

- Je ne suis pas là pour être sentimental Edwin. Ce que tu as fait est grave. Écoute, prends un avion pour la Chine, l'Indonésie, la Colombie, la Russie, peut importe. Disparaît. Je reviendrais peut-être un jour quand tout sera calmé. Là où tu as échoué pour la N'drangheta, tu as échoué ici aussi. C'est bien trop dangereux pour toi de rester ici."

Il tourna les talons sans dire un mot et sortit de la pièce. Jim resta à fixer son animal dormir sur son bureau. Quel tristesse... Un si bon ami qui part sans dire un seul adieu. Edwin avait tellement été un bon ami. Il venait d'Italie, ils avaient été intellectuellement très connectés lorsqu'il s'étaient connus. Avant que toute cette aventure commence, ils s'étaient rejoints chaque soirs, discuter de tout et de rien, du monde, des idéologies, de la pluie et du beau temps. Jim avait approché sa main. Puis Edwin l'avait regardé, comme si il devenait étrange. Mais contre toute attente ils s'étaient embrassés devant les regards déplacés des passants de Paris. Puis tous deux étaient rentrés chez eux. Sans rien de plus. Sans aucune allusion à ce qu'il c'était produit ce soir là. Plus jamais cela ne s'était reproduit. Évidemment, les codes de cette société n'acceptaient pas cela. Monde pourri. Société de merde.

Jim rassembla un peu de poudre blanche sur son bureau, et inspira une bonne dose. Son rat essayait de savoir ce qu'il faisait d'un air interrogateur.

BruckstonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant